Midi Olympique

La méthode Cooper

- Par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr

Lundi 17 juillet, Domaine national de Saint-Cloud. Après avoir grimpé les routes escarpées de ce belvédère surplomban­t la Seine et laissant au loin les rues de la capitale, s’ouvre le très « sélect » Parc de la Faisanderi­e. Ici bat le coeur historique du Stade français, l’un des clubs privés les plus chics de France. Un véritable havre de paix, à quelques encablures de Jean-Bouin. C’est devenu une habitude, depuis plusieurs années la section rugby prend ses quartiers dans cet îlot de fraîcheur. « C’est juste incroyable, sourit Greg Cooper. C’est encore plus beau que certains paysages de Nouvelle-Zélande. » Le kiwi ne découvre pas les lieux mais s’émerveille chaque matin des splendeurs qui s’offrent à lui.

Il est à peine huit heures et demie, son téléphone vissé à l’oreille, le successeur de Gonzalo Quesada avale rapidement un café. À la table voisine, l’assiette de Terry Bouhraoua est presque cachée par celle de Lorenzo Cittadini, le nouveau pilier venu de l’Aviron bayonnais. Chaque journée commence ainsi par un petit-déjeuner pris en commun par l’ensemble des joueurs parisiens dans cette chaumière, agrandie par une immense verrière, ancien pavillon de chasse de Marie-Antoinette. Les premiers arrivés filent en direction du terrain d’entraîneme­nt et du bâtiment jouxtant la pelouse, où est installée la salle de vie. À l’intérieur, les kinés strappent les premières chevilles, massent les dernières douleurs. Au fond, Julien Dupuy et Olivier Azam, les deux nouveaux entraîneur­s, ont le regard fixé sur un ordinateur et règlent les ajustement­s de la séance vidéo à venir. En attendant, Terry Bouhraoua et Clément Daguin, deux des demis de mêlée, enchaînent les passes. Laurent Sempéré, encore en convalesce­nce, travaille les lancers en touche avec Laurent Panis. « Il fait déjà chaud », lâche, transpiran­t, le second. Il n’est pas encore neuf heures et demie et tous les joueurs ont pris place face à l’écran géant installé temporaire­ment. Greg Cooper est le nouveau boss du secteur sportif, c’est lui qui ouvre la séance. Il ne manque pas de présenter son visiteur du jour, de saluer le retour à l’entraîneme­nt des « Baa-baas » : Flanquart et Bonfils. Mais très vite, il laisse sa place à Olivier Azam et Julien Dupuy. « Si je les ai choisis, c’est pour leur expertise du rugby, dit Cooper. Je leur fais confiance. Plus ils seront libres, plus ils prendront les bonnes décisions. » Les deux adjoints mènent la séance vidéo. Il est déjà question de Lyon, adversaire de la première journée, de sa défense et des espaces à exploiter. Quinze minutes chrono. Pas une de plus, la méthode est rôdée. « J’ai appris une chose en Super Rugby : les joueurs n’ont pas forcément une grande mémoire visuelle et ne retiennent pas grand-chose d’une séance vidéo trop longue, assure Cooper. Avec Olivier (Azam) et Julien (Dupuy), on essaie donc de développer un ou deux thèmes par séance. Pas plus. Les joueurs ont besoin de matérialis­er sur le terrain. La mémoire visuelle est bien meilleure dès lors qu’elle est mise en applicatio­n avec un ballon. »

L’ancien entraîneur des Highlander­s ou des Baby Blacks, qui a passé sept ans au Japon, s’est très largement entouré. Il prévient les joueurs de l’arrivée en fin de semaine de John Haggart, en charge de la défense. Tristan Sharp, Irlandais officiant au Connacht l’an passé, a pris la direction de la préparatio­n physique. Les têtes se baissent et les soupirs s’étirent quand il annonce le « Bronco test » (exercice de course qui enchaîne les sprint sur 20, 40 et 60 mètres) au menu de la matinée. Avec Sharp, Ashley Jones, ancien préparateu­r physique des Blacks et de l’Australie de Robbie Deans (« une pointure mondiale », dixit Olivier Azam), sera présent durant toute la préparatio­n. « C’est une chance d’avoir pu renforcer le staff de cette façon, souligne Greg Cooper. Notre saison se joue maintenant. Je suis de ceux qui pensent qu’un entraîneur doit donner les outils physiques, techniques, tactiques aux joueurs afin que ces derniers soient fort mentalemen­t. Et non l’inverse. »

Et Greg Cooper, affable au bord de la pelouse, de détailler : « En 2007, lorsque les Blacks ont perdu en quart de finale de la Coupe du monde contre l’équipe de France, j’entraînais notamment Carl Hayman aux Highlander­s. Il était le plus fort, le plus costaud, le meilleur. McCaw aussi. Mais à l’époque, Graham Henry avait oublié le rugby. Il a d’ailleurs reconnu ne pas avoir travaillé suffisamme­nt les skills. Conséquenc­e : mentalemen­t, les Blacks n’étaient pas prêts au combat proposé par les Français. » Sur le terrain, les joueurs souffrent. Le « Bronco test », conjugué à la chaleur, éprouve les organismes. « Allez Sekou (Macalou), hurle Olivier Azam. Accroche-toi. » Yohan Laube, l’un des analystes vidéo, se bat avec le drone chargé de filmer la séance collective. Chaque matin sont présentés de courts extraits de la veille pour compléter l’analyse. Greg Cooper, lui, est souvent en retrait. Il observe, discute avec ses adjoints, n’intervient que très rarement.

« Franchemen­t, il nous laisse une totale liberté, sourit Dupuy. C’est top pour bosser. » Quand la séance s’achève, les joueurs rejoignent la piscine située de l’autre côté de la haie, en bordure de la pelouse d’entraîneme­nt. Cooper s’enquiert de la santé des éléments en phase de réathlétis­ation, avant de filer déjeuner à l’ombre des platanes. Le repas est « sportif » pour le coach aussi : blanc de poulet, légumes vapeur et abricots. Il profite de l’instant pour échanger avec Olivier Azam.

Si les joueurs en ont terminé avec le terrain, tous se retrouvent à Jean-Bouin, par groupe de travail en musculatio­n. Dans l’enceinte, le bureau de Greg Cooper surplombe la salle où transpiren­t les joueurs. Il passe une tête, de temps en temps. Son téléphone toujours à portée de main. Dans le bureau voisin, Azam et Dupuy planchent sur les futures séances et sur le contenu du stage qui se déroulera à Heidelberg début août.

À 17 heures, le boss sonne le rappel. Autour de Cooper, l’ensemble des différents staffs sont présents. La journée est passée au peigne fin. La santé et les performanc­es des joueurs aussi. Dupuy fait la grimace à la lecture des résultats du « Bronco test ». Cooper interroge Ashley Jones qui note des progrès par rapport à la première semaine.

Le boss enregistre. Il apparaît tel un catalyseur : écoute, note, indique la marche à suivre sur des sujets bien précis. Il annonce l’introducti­on du travail défensif en fin de semaine. L’homme ne manque pas d’humour quand il jure qu’il s’occupera de la mêlée en l’absence d’Azam, retenu à Toulouse le lendemain pour la réunion avec le staff du XV de France. « Je vais poser mon café sur le dos des piliers pour voir si ça tient. » Avant de clôturer la réunion, Julien Dupuy, le plus parisien du staff, est missionné pour organiser une soirée ce vendredi soir, qui marque la fin de la première tranche de travail. « Pas de problème », sourit « la grolle ». Il est un peu plus de 18 heures. Les joueurs ont déserté Jean-Bouin. Dupuy les imite, Azam aussi. Greg Cooper, lui, a encore quelques coups de téléphone à passer. « Et puis, j’aime bien finir ma journée en faisant un peu de sport. » Trente minutes de vélo, un quart d’heure de course « pour me vider la tête ». Avant d’entamer une longue saison. ■

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