Midi Olympique

« La Rochelle n’est plus un petit club »

À 27 ANS, LE ROCHELAIS A CONNU UNE ASCENSION RAPIDE CES DERNIERS MOIS. À LA ROCHELLE OU AVEC LE MAILLOT BLEU SUR LE DOS, L’ARDÉCHOIS SE MONTRE SOUVENT TRÈS EFFICACE. IL S’EST CONFIÉ À MIDI OLYMPIQUE À LA SORTIE DE LA PRÉPARATIO­N PHYSIQUE SPÉCIFIQUE QU’IL

- Propos recueillis par Arnaud BÉBIEN

Cet été est un peu différent des autres, non ?

Oui, forcément. On reprend en décalé par rapport aux joueurs de notre club. Ça va durer 6 semaines. Je suis sur du développem­ent de puissance et force. Je m’entraîne les lundi, mardi, jeudi, vendredi et samedi matin. Ça ne change pas d’une préparatio­n physique classique mais ça colle plus au profil. Avec Uini (Atonio) et Mohamed (Boughanmi) puisque Vincent (Rattez) est en convalesce­nce (il a subi une opération

bénigne, N.D.L.R.), on sait qu’il faut en passer par là si on veut progresser.

Ça peut être utile à l’équipe de France ?

Oui, je pense. Après, je ne pense pas qu’avec une seule intersaiso­n on puisse effacer le fossé qu’il y a avec les autres nations mais c’est un bon début. Là, on a six semaines pour ne faire que de la préparatio­n physique et de la muscu. En club, on est plutôt sur trois à quatre semaines, sachant qu’on a des matches amicaux ensuite. On fera le bilan après ces six semaines. Je pense que ça peut nous aider déjà. À l’avenir, ce serait bien pour les jeunes (de l’équipe de France) d’avoir ça chaque saison. C’est important qu’ils puissent se développer physiqueme­nt. Chose que font les autres nations.

C’est en effet novateur pour les joueurs français.

Nous, c’est complèteme­nt différent. On a une culture très club en France. Quand on regarde les joueurs de certains pays, ils ont quasiment autant de sélections que de matches joués en club. Nous, c’est impensable. On a trois-quarts de nos matches joués en club, et un quart en sélection. Mais il ne faudrait pas mettre à l’écart les clubs car nous on aime ça aussi avec l’enjeu des phases finales. On n’a pas la même culture.

La tournée en Afrique du Sud s’est soldée par trois défaites. Comment avez-vous vécu la chose ?

On était déçu. Hormis le premier match où on est tous passé au travers, les deux autres on s’est vraiment donné pour rectifier le tir mais on n’en a pas été capable. C’est dommage parce que ça n’a pas récompensé tout le travail qu’on pouvait faire avec nos clubs ou les 6 Nations. En revenant, tout le monde nous crache dessus. C’est comme ça, on est des joueurs de rugby, tout le monde attend qu’on gagne pour la France. Il nous manquait un peu de gaz je pense. On n’a pas joué le rugby qu’on avait développé pendant la tournée d’automne ou les 6 Nations. On était stérile en attaque comme jamais, fébrile en défense alors que c’était notre point fort pendant les S6 Nations. Physiqueme­nt, c’est dur mais on sait qu’il faut en passer par là.

Les critiques justement…

On les comprend. On a pris trois branlées, trois fois 35 points. On ne peut pas dire qu’on a été géniaux. Les critiques, il faut savoir les accepter si elles sont constructi­ves. Moi j’ai été nul. Il n’y a pas de souci. On est des grands garçons. Moi, j’ai manqué de gaz dans mes actions. J’étais complèteme­nt à la rue, j’ai manqué de punch dans mes interventi­ons. J’avais l’impression d’être un poulet sans tête qui ne servait pas à grand-chose sur le terrain. Généraleme­nt, quand on n’a pas été bon, on le sait.

Revenons-en à vous. Dans quelles conditions avez-vous débuté le rugby ?

Il y a deux versions, une où il n’y avait plus de place au club de foot et l’autre où mon grand-père me met un ballon ovale entre les mains à 4 ans. Je veux garder les deux.

Et vous avez accroché…

Oui, ça m’a plu. Au fur et à mesure, on se fait des copains et les copains jouent. Forcément, c’est beaucoup plus sympa.

Pourquoi jouer en troisième ligne ?

C’est venu comme ça. Si j’avais été plus petit en taille et un peu moins gros, j’aurai peut-être joué à un autre poste. Plus gros, j’aurai joué dans le cinq de devant. En France, on se base beaucoup sur le physique pour placer les joueurs à un poste. Mais troisième ligne, c’est un peu le poste fourretout. On peut voir des petits, des grands, des gros, des moins gros, des Botia (centre internatio­nal fidjien de La Rochelle, N.D.L.R.). C’est le poste qui permet d’avoir le panel de joueurs le plus large. C’est très dur de trouver un troisième ligne qui est très bon dans tous les aspects de ce poste-là.

On vous a identifié à Olivier Magne par votre façon de jouer.

Moi, j’aimais beaucoup Serge Betsen et Olivier Magne parce que c’était la troisième ligne de l’époque. C’est à partir de cet âge-là que je regardais le rugby à la télé. Ça m’a marqué. Ils étaient très complément­aires. Magne régulait le jeu et Betsen mettait des carreaux à tout le monde, c’était incroyable.

L’Ardèche, c’est la terre de vos débuts.

J’ai fait toute ma formation à La Voulte, c’était le plaisir avec les amis surtout. J’y suis resté une dizaine d’années.

Quel lien gardez-vous avec ce territoire depuis La Rochelle ?

C’est marrant cette question parce que l’un des éducateurs qui m’a eu, Florent Hilaire, m’a appelé pour savoir si je voulais être le parrain de la formation qu’il veut relancer. C’est avec plaisir. J’ai été formé par ces éducateurs extraordin­aires que je vois quand je vais jouer à Montpellie­r. Ça me touche, c’est ma région. C’est grâce à eux que j’en suis là. Je leur envoie souvent des affaires. C’est pour les clubs qui n’ont pas trop de moyens. Il n’y a qu’une seule taille, il faudra couper les manches si c’est pour les petits (sourire).

Votre parcours doit leur faire plaisir.

Ils en sont fiers puisque depuis les Cambérabér­o, il n’y avait plus eu d’internatio­nal voultain.

Après La Voulte, vous avez pris la direction du sud.

Après j’ai eu l’opportunit­é de partir ailleurs, pour voir quelque chose de supérieur. Je suis parti une année à Toulon avant d’aller à Clermont. J’étais au Pôle Espoirs à Hyères (Var). J’ai passé une très belle année avec de jolies rencontres. À l’époque, Toulon en termes de centre de formation, ce n’était pas ce qu’il y avait de mieux en France. J’avais visité plusieurs installati­ons et Clermont c’était le top en termes de formation. J’ai décidé d’aller là-bas pour continuer de jouer à haut niveau. J’y suis resté quatre ans, jusqu’en 2012.

À ce moment, on se dit qu’on peut faire du rugby son métier ?

Après quand ça fonctionne, on continue. Peut-être à Clermont mais je n’ai pas de souvenir exact quand je me suis dit que je pouvais devenir rugbyman profession­nel.

Clermont, puis le Pro D2 avec La Rochelle, pourquoi ?

À la base, je voulais signer avec Clermont. Ça ne s’est pas fait sur la fin et il y a La Rochelle qui m’a contacté dans la foulée. J’avais envie de jouer. À Clermont, même si j’avais signé, je pense que ça aurait été compliqué parce qu’il y avait énormément de concurrenc­e, parce que c’était Clermont. Ce qui importe quand on est jeune, c’est de jouer. Peu importe où. Fabrice Ribeyrolle­s (alors entraîneur de La Rochelle, N.D.L.R.) m’a fait venir, il avait dû faire le forcing je pense et je l’en remercie d’ailleurs. Il m’avait entraîné en espoir à Clermont. Je ne regrette pas d’être parti de Clermont, j’entame ma sixième saison à La Rochelle.

Cette particular­ité qui est votre force, c’est d’arriver à franchir, et de faire jouer après vous…

D’après les sons de cloche des entraîneur­s que j’ai souvent au téléphone, c’était déjà comme ça. J’ai été formé comme ça, j’avais des prédisposi­tions à jouer comme ça. Je maîtrisais ce truc et en grandissan­t j’ai essayé de continuer sur ce point fort là.

On vous attribue une certaine nonchalanc­e.

C’est vrai et c’est fondé. Ça ne m’a pas toujours aidé dans ma carrière. À Clermont, avec Vern Cotter, ça ne s’est pas très bien passé. Pas que je ne me filais pas mais la nonchalanc­e, ce n’est pas toujours bien face à un coach. C’est comme ça, c’est dans ma nature. J’ai fait des efforts pour l’être moins. Forcément. À présent, on se connaît assez avec Patrice (Collazo).

Il sait comment je fonctionne et je sais comment il fonctionne.

On arrive à trouver un terrain d’entente pour que je ne l’énerve pas trop et lui aussi qu’il ne m’énerve pas trop.

Patrice Collazo, votre entraîneur depuis six ans, ça vous disait quoi en arrivant ?

Je ne le connaissai­s pas. Moi, le rugby… Je regarde beaucoup le sport et le rugby mais les gens connus, les palmarès, je n’ai pas trop de culture sur ça. En arrivant, non, je ne le connaissai­s pas. Maintenant, un petit peu plus, je suis dans le milieu depuis quelques années (rires). Mais untel, je ne sais pas qui c’est et mes collègues si. J’apprends petit à petit. Peut-être que dans dix ans, j’aurai un peu plus de renseignem­ents sur tout le monde. Je n’ai pas grandi dans un milieu très rugbystiqu­e, ça n’aide pas trop.

Comment ça s’est passé entre vous deux ?

Ça s’est bien passé au début et après un peu moins. Il me reprochait plein de choses aux entraîneme­nts. Des choses qu’il m’a reprochées souvent depuis mais maintenant ça va beaucoup mieux. Il m’a poussé au cul, il a toujours tout fait pour que j’aille le plus haut possible. Ce qu’il fait, c’est justifié. Je lui fais confiance même si je sais que des fois ça me fait chier. C’est pour mon bien.

Quatre Rochelais étaient présents lors de la dernière tournée, ça veut dire quoi ?

C’est bien, ça veut dire qu’on travaille bien ici. Après, il y aurait pu en savoir plus. Ce que fait le Stade rochelais, c’est reconnu. Comme on est plus entre guillemets un petit club, on essaye de montrer qu’on peut exister sur les hautes marches. L’année dernière a été extraordin­aire. On est passé de neuvième à premier du Top 14. On a donné le meilleur mais les choses ont fait qu’on ne méritait pas d’être champion. On s’est rendu compte qu’on était capable de faire mieux que les années précédente­s. Au fond, peut-être qu’on avait peur ou qu’on ne savait pas. On n’avait pas conscience de notre potentiel. Je pense qu’avec l’année dernière, on a pris conscience qu’on pouvait vraiment faire de belles choses avec le Stade rochelais.

Vous pensez qu’on joue trop en France ?

Non, une carrière de rugbyman c’est très court. Les blessures, ça met souvent des joueurs sur le carreau. À juste titre, on joue énormément mais il faut quand même en profiter. On n’est pas à l’abri d’une blessure qui nous éloigne un an ou d’être au frigo.

La Coupe du monde de rugby, ça vous rappelle quoi ?

Mon enfance. Il y avait plein de matches, on regardait tout le temps. Même les petites équipes.

La prochaine a lieu dans deux ans.

Au Japon ? Ça me parle. Ça doit être une aventure extraordin­aire, humainemen­t et sportiveme­nt. Ça doit être tellement dur d’y être, c’est l’accompliss­ement de beaucoup de choses pour tout sportif. On verra si on pourra être au Japon, ce sera déjà pas mal.

« Moi j’ai été nul. Il n’y a pas de souci. […] j’ai manqué de gaz dans mes actions. J’étais complèteme­nt à la rue… » Kevin GOURDON « À Clermont, avec Vern Cotter, ça ne s’est pas très bien passé. » Kevin GOURDON

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France