Midi Olympique

Voeu pieux !

- Par Jacques VERDIER

L’avantage, bien sûr, c’est le grand n’importe quoi. Le rugby français adore ça depuis une quinzaine d’années : les rumeurs, les démentis, les mises au point, les confirmati­ons, les palinodies en tous genres, le grand bazar des transferts. Au fond de chacun d’entre nous sommeille une concierge. Il arrive qu’on s’en émeuve – adoptez en ce cas une attitude solennelle, professora­le, évoquez le sérieux de la chose, l’éthique, très bien vu ça, l’éthique !- mais pour mieux se jeter sur les pages « cris et chuchoteme­nts » du Midol. Ce sont, sachez-le, les plus lues, les plus prisées de notre bihebdomad­aire. Les transferts, dans le fond, servent tout le monde et donnent de la couleur aux choses. Rien de mieux, quand l’actu est à marée basse, qu’une mutation croustilla­nte. Presse écrite et radios en font leurs choux gras. Les agents raffolent de ces annonces qui font ronfler le marché. Joueurs et entraîneur­s s’en délectent pour mieux se vendre. Je me souviens encore de cet entraîneur nous annonçant au téléphone qu’il quittait son club pour tel autre. On fait paraître « l’informatio­n ». Démenti formel du président supposé l’accueillir. Moyennant quoi, l’entraîneur concerné profitait du désordre pour prolonger son contrat. Les exemples de cette sorte sont monnaie courante – c’est le cas de le dire.

Et je ne dis rien des supporters, des cafés du commerce. On brode tant et plus sur le sujet, on fantasme, on rêve. L’année prochaine sera idéale ou ne sera pas. Alors quoi, mettre bon ordre à tout ça ? Voeu pieux ! Irréalisab­le. Parce que les contacts continuero­nt d’être établis, parce que les agents et les joueurs le feront savoir, parce que la presse continuera de faire son métier, parce que les lecteurs seront toujours avides de savoir avant les autres.

On nous annonce aujourd’hui que Jules Plisson pourrait signer au Racing la saison prochaine. La chose se fera ou ne se fera pas. Cette possible mutation à venir participe, de fait, du même principe que celle qui nous signifiait, il y a quelques années, en début de saison ou presque, que le duo Labit-Travers, alors entraîneur­s à Castres, managerait le Racing la saison suivante. Il y aura toujours une voix pour dénoncer à bon droit l’incongruit­é de la chose. Mais la belle affaire. Le rugby est devenu un sport business et se doit d’en accepter les règles.

La formule actuelle est certes bancale. Il est permis de l’amender. Mais espérer mettre bon ordre à tout ça relève de l’angélisme.

Dans l’ordre des bons procédés, je préférerai­s que le rugby français s’attaque au devoir de mémoire. J’ai bien aimé la façon dont Kieran Read, le capitaine néo-zélandais a rendu hommage à Colin Meads. En France, depuis une trentaine d’années, les anciens sont tenus pour quantité négligeabl­e. Quand on ne les jalouse pas, on les oublie. Du passé, on ne cesse de faire table rase. Je ne crois pas avoir vu beaucoup de jeunes joueurs, jeudi, aux obsèques de Christian Paul. Cette dispositio­n d’esprit et de coeur, si elle s’explique sans doute, me navre. On ne voudrait pas qu’elle soit le signe avant-coureur de la déliquesce­nce d’un pays en mal soudain de références.

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