Midi Olympique

LA VIE D’APRÈS

IL Y AVAIT DIX JOURS, LES ALBIGEOIS NOUS ONT ACCUEILLIS À LUCHON, OÙ ILS EFFECTUAIE­NT LEUR STAGE DE PRÉPARATIO­N. RELÉGUÉ EN POULE ÉLITE DE FÉDÉRALE 1, LE CLUB TARNAIS S’EST TOTALEMENT RENOUVELÉ, DE LA PRÉSIDENCE À L’EFFECTIF, POUR REBONDIR. AVEC UNE ANCIE

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Au coeur des montagnes pyrénéenne­s, cinq minutes suffisent pour qu’une vague de nuages balaye un soleil de plomb. En ce vendredi d’août, alors que les braises du barbecue sont encore vivaces, la chaleur accablante de Luchon se voit soudaineme­nt contenue par un léger vent d’été. Il en faudrait bien plus pour atténuer les sourires sur les visages des Albigeois. C’était il y a dix jours et, pour l’ultime ligne droite de ce stage de préparatio­n en altitude, ils avaient décidé de remercier par un repas « made in joueurs » les bénévoles qui les ont nourris toute la semaine. Illustrati­on, dans le jardin attenant à la modeste auberge qui leur sert de résidence, du cadre dessiné par Arnaud Mela. Deux mois après avoir raccroché les crampons, l’ex-deuxième ligne internatio­nal - qui a honoré ses seules sélections chez les Bleus quand il jouait à Albi en 2008 - a fait de la cohésion son credo. « La relégation est un élément déclencheu­r, assure-t-il. Il fallait changer les façons de faire. En revenant ici, j’ai constaté qu’on était

très loin de ce que j’avais vécu. Ma première motivation était de retrouver le côté familial du club. » Un SCA meurtri par la descente. L’occasion de tourner une page et d’écrire une autre histoire. Alors le nouveau manager a imaginé un premier stage militaire à Brive, fin juillet, pour resserrer les liens. Puis de nombreuses activités de groupe à Luchon, entre descente en rafting et arapaho (trottinett­e de montagne), sans oublier les concours de pétanque ou les solos de guitare au bord du feu, là où wifi et 4G n’ont pas leurs droits. Le tout agrémenté d’intenses séances d’entraîneme­nt. « Arnaud a pris les choses en mains, note le capitaine Romain Barthélémy. Il a inculqué rigueur et vie en dehors du terrain. Il y a eu tant de départs et arrivées que, si on veut être prêts, le travail de solidarité est primordial. » Le vice-capitaine Mathieu André reprend : « Peu d’entre nous connaissen­t la Fédérale. On va dans l’inconnu, ça crée une incertitud­e supplément­aire. La saison passée fut éprouvante. Je ne sais pas si elle sera digérée si vite mais elle a été diluée par le recrutemen­t de tous les nouveaux. Il fallait une bonne intégratio­n. Ce groupe donne l’impression de s’éclater. On a fait une activité hors rugby par jour à Luchon et cela a contribué à

nous souder. Ce sera essentiel dans cette division. » Et l’un des arrivants, Benjamin Caminati, de confirmer : « À chaque fois qu’on a fait quelque chose, on l’a fait à quarante. Au bout de quelques jours, il n’y avait plus d’anciens, de cadres, de nouveaux, de jeunes ou autres… Nous étions tous ensemble. »

Ce dont se félicite Mela justement : « C’est une petite réussite. On a déjà cassé des barrières. »

MELA : « QUAND ON M’A APPELÉ, JE N’AI PAS DORMI LA PREMIÈRE NUIT »

Voilà comment l’ex-capitaine charismati­que de Brive a enfilé son nouveau costume. Mutation facilitée par une ultime saison de joueur frustrante en Corrèze : « J’avais signé un contrat de deux ans il était clair qu’à la fin, c’était basta ! Mais ce fut assez dur personnell­ement au niveau du temps de jeu. » Et alors que sa reconversi­on vers le coaching prenait sens, l’option d’Albi s’est présentée. Une évidence ? « Quand JeanJaqcue­s Castanet (l’ancien président du SCA,

N.D.L.R.) m’a appelé en décembre, cela ne m’a pas laissé indifféren­t. Je n’ai pas dormi la première nuit car ce club est cher à mon coeur. J’ai pris le temps de réfléchir et de voir les solutions pour gérer ma vie familiale et l’entraîneme­nt à 200 km de la maison. » Car sa femme et ses trois petites filles vivent en Corrèze. Mela s’est adapté, a planifié ses allers-retours et a donc accepté de relever le défi tarnais. Ce que la relégation n’a pas remis en cause : « J’ai connu la montée ici, je sais ce que c’est. J’aimerais faire vivre cet engouement à ces joueurs. Le public leur en a voulu mais les gens pardonnent dans la victoire. » Lui et ses hommes ont ainsi profité de la rénovation totale du club, des fondations aux finitions, pour changer le décor et redonner de l’enthousias­me à une institutio­n souffreteu­se. « J’ai pu m’appuyer sur un staff qui réalise un boulot remarquabl­e, qui est toujours en recherche, à l’écoute, dans l’échange. » Contexte qui a favorisé ses premiers pas d’entraîneur. Même si l’intersaiso­n a commencé très tôt, avec la constituti­on d’un effectif voué à éclater. « Certains joueurs étaient sollicités et ne pouvaient pas refuser, explique-til. Il y en a d’autres que j’ai tout fait pour garder, ce que j’ai réussi. Je suis content qu’ils aient cru au projet et qu’ils aient voulu tenter l’aventure car on ne peut pas reconstrui­re sans un noyau dur. » Ces mecs, ce sont naturellem­ent les leaders d’une formation partie en reconquête. « Disons que j’ai bien accroché avec Arnaud, assure Barthélémy. Son discours, les nouvelles bases qu’il a mises en place… Il a su nous mobiliser vers le but de la montée. Le passage du monde profession­nel à celui amateur est dur à avaler mais je crois que tous les joueurs de notre équipe ont une autre ambition que d’y rester. »

BARTHÉLÉMY : « ARNAUD EST UN GUERRIER, ON VEUT ÊTRE À SON IMAGE »

En ce sens, la personnali­té de Mela a permis de rassembler autour d’elle. Forcément, quand on a un nom, ça compte… « Il ne faut pas tirer de conclusion car on fait la partie la plus facile, sans la pression du résultat, mais il est bien dans son rôle, confesse André. C’est un mec reconnu comme joueur et cela aide à avoir plus de respect pour lui. Ce n’est pas que je n’en avais pas pour mes précédents coachs, évidemment, mais ses mots, ses conseils, son expérience, tout a plus de poids. » Ce qui lui confère une confiance naissante et spontanée dans le groupe. Benjamin Caminati, qui l’a connu comme joueur à Brive, témoigne : « Il est différent, mais tout le temps avec nous. Quand il est sur le terrain, c’est lui, le patron. Parfois, il n’a même pas besoin de parler. Il a un tel charisme naturel qu’il n’est pas nécessaire de gueuler. Puis quand il parle, il fait très vite passer son message. » L’intéressé, lui-même lucide sur le fait qu’il est encore en formation accéléré, apprécie le contact qui se crée avec les joueurs : « Je me régale et les mecs sont réceptifs. Je vais commettre des erreurs mais ils savent que je ne leur tirerai pas dessus après un match. Je les protégerai et j’essaierai d’être le plus droit possible dans mes choix. » Des choix qui, sur le plan du jeu, pourraient en étonner certains. À une semaine de la reprise du championna­t, sur le terrain de l’ogre de Chambéry, les Albigeois se préparent à jouer. Mais vraiment ! « Arnaud souhaite qu’on mette beaucoup de volume, sourit Benjamin Caminati. Quand on pense à lui, on a l’image du joueur dur, terrible dans les rucks. L’entraîneur qu’il est prône un jeu d’évitement. Quand on charge trop, il nous engueule (rires). »

Mathieu André renchérit : « Peut-être aussi qu’on avait une mauvaise idée de lui. Je joue le même poste et, quand je l’observais ces dernières saisons, je voyais qu’il aimait toucher le ballon. Il n’était pas que dans le défi physique. » Et Mela justifier :

« Il faut penser et vivre le rugby avec son temps. Pendant trois ou quatre mois, on va jouer sur des terrains secs. Après, j’ai toujours préféré faire la passe plutôt que de péter (sic) dans un mur. » Dite ainsi, cette philosophi­e ne peut qu’être inspirante. À la condition de ne pas s’évader quand c’est le mur qui vient à soi… « Pour nous, Arnaud Mela est un guerrier, un combattant, clame Barthélémy.

Nous n’avons aucun mal à nous voir à travers lui. On veut être à son image et j’espère que ce ne sera pas juste une illusion. » À peine une sensation. Celle d’un groupe, d’un club et d’un manager qui, derrière les galères, ont décidé de croire en un jour d’après radieux.

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L’internatio­nal Arnaud Mela (à droite) a vite trouvé ses marques dans ses nouvelles fonctions d’entraîneur, à la tête de l’équipe albigeoise. Il a aussi su inculquer, ces dernières semaines, une forte cohésion dans son groupe. Pour preuve, sur les clichés
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