Midi Olympique

« Le respect, ça se gagne »

- Propos recueillis par Émilie DUDON emilie.dudon@midi-olympique.fr

C’est fatigant, d’être un promu ?

On est au début de la saison, alors ça va pour l’instant. Mais en effet, la saison avait été fatigante il y a deux ans. Nous avions gagné seulement cinq matchs… On avait fini la saison rincé. Et c’est vrai que quand tu en prends plein la gueule pendant des mois (sic), c’est usant physiqueme­nt et mentalemen­t. De toute façon, on est un peu tout seul quand on remonte. On nous fait bien comprendre qu’on n’est pas forcément les bienvenus à ce niveau… Il faut essayer d’en faire abstractio­n mais dans notre génération, les réseaux sociaux et les médias prennent beaucoup de place alors nous sommes obligés d’y faire attention.

Est-ce pénible ?

On ne peut pas nier que sur le papier, on est tout petits par rapport aux autres. En termes de budget notamment. Après, il ne faut pas que les gens pensent que nous avons plus de pression parce qu’ils le disent. On sait quel est notre niveau mais on aime à croire que notre place est ici parce qu’on se l’est gagnée. Sans doute ne méritons-nous pas encore totalement le respect. Ça se gagne.

C’est votre troisième montée en Top 14 à titre personnel. L’abordez-vous différemme­nt cette fois ?

On positive toujours beaucoup quand on est promu mais on ne sait pas forcément où on va. Cette fois, nous avons l’impression que les dirigeants ont fait un bel effort sur le recrutemen­t en faisant venir des joueurs d’expérience. Agen est plus armé que les saisons précédente­s. Il y a aussi la nouvelle formule du championna­t, qui a priori nous avantage. Pour une fois, nous avons envie de nous voir un peu plus grands que ce que les gens pensent de nous. C’est agaçant de faire l’ascenseur en permanence alors on voudrait pérenniser le club en Top 14 un an de plus ce coup-ci.

Une victoire à Oyonnax serait du meilleur effet dans cette optique.

Oyonnax, c’est notre championna­t et ce sera clairement un premier match charnière. Malgré tout, il arrive assez tôt et tout ne sera pas remis en cause après, dans un sens ou dans l’autre. Ce sera un bon moyen de se jauger.

Après votre début de saison, dans quel état d’esprit vous déplacez-vous à Charles-Mathon ?

Oyonnax nous a vaincus deux fois la saison dernière, ça rentre en ligne de compte même si ce n’était pas le même championna­t. Mais nous n’avons pas trop les moyens d’afficher des ambitions et de dire qu’on peut gagner n’importe où et contre n’importe qui. On est trop petits pour ça. Par contre, il faut progresser et ne pas avoir de regrets.

Avec le recul, quel sentiment vous laisse la victoire contre le Racing 92 ?

Beaucoup de fierté. Nous avons fait remonter le club avec cette équipe alors nous avions envie de bien figurer pour ce premier match à domicile et c’était un moment important devant notre public. Il était peut-être fondateur. Nous avons gagné et ça, personne ne pourra nous l’enlever.

On a beaucoup dit que c’est le Racing qui a perdu son match en ne concrétisa­nt pas ses occasions. Est-ce pénible à entendre pour vous ?

On espère les avoir un peu poussés à faire ces erreurs. On savait qu’il fallait que le Racing ne soit pas à son niveau. Je pense néanmoins qu’Agen a fait un très bon match. Nous, nous avons su faire ce qu’il fallait pour l’emporter.

Alain Tingaud dit qu’il espère qu’Agen ne sera pas arbitré comme une petite équipe cette année. Avez-vous déjà eu cette impression ?

Entrer dans un tel débat ne serait pas une bonne idée. Par exemple, je trouve que l’arbitre a été très cohérent samedi. C’est vrai que dans certaines situations, les petits doivent parfois se sentir lésés. Mais c’est un cercle vicieux, on a l’impression que tout est contre nous… Pour l’instant, on n’a pas à se plaindre. À Montpellie­r, nous avons perdu le match comme des grands. J’espère qu’on a gagné celui contre le Racing tout seuls.

On a vu un contraste saisissant entre le capitaine du Racing 92 Dimitri Szarzewski, qui intervenai­t beaucoup auprès de l’arbitre, et vous qui étiez beaucoup plus discret. L’avez-vous ressenti ?

Je suis assez calme par nature. J’estimais qu’il y avait déjà assez de tensions et je ne voulais pas m’en rajouter en allant jouer un autre match avec l’arbitre. Après, c’est une façon de faire. Dimitri Szarzewski est un joueur avec une expérience énorme, il aurait tort de ne pas s’en servir. Je suppose que je ferai comme lui plus tard mais pour l’instant, je ne me sens pas légitime pour aller autant voir l’arbitre.

Votre rôle de capitaine est-il amené à évoluer maintenant que l’équipe est en Top 14 ?

Sans doute. Je suis capitaine depuis l’été dernier seulement et beaucoup de choses vont évoluer encore. Certaines se font naturellem­ent et d’autres moins. Je discute beaucoup avec mon ancien coéquipier Lionel Mazars, qui nous aide à ce niveau-là. Quand on est capitaine, on est un peu seul par moments. Il faut prendre des décisions… Ça s’apprend.

Quelle est votre conception de la fonction ?

À Agen, on fonctionne en tant que club plutôt qu’en équipe. Je suis un joueur comme les autres même si on m’a donné ce rôle. J’ai moins d’expérience que certains de mes coéquipier­s, qui sont champions du monde. Je ne me sentirais pas de gueuler sur eux. Les choses se font assez naturellem­ent parce qu’ils ont aussi été à ma place, ils savent me mettre à l’aise dans ce genre de situations. Et inversemen­t, des plus jeunes peuvent m’engueuler quand j’ai fait une connerie. Je pense que c’est très bien comme ça.

Vous avez 27 ans, vous êtes capitaine d’Agen. Avez-vous encore la sensation d’être un « fils de » ?

Forcément… Vous êtes en train de m’en parler ! Les gens sont emballés par le passé ici, ils vivent encore dessus et se rabattent sur les vieilles gloires. Ça revient souvent du coup et c’est bien. C’est quelque chose qui m’accompagne et c’est très positif. Mais on a envie d’être un club du présent.

Échangez-vous beaucoup avec votre père Dominique, concernant le rugby ?

Il essaie de venir aux matchs le plus souvent possible. Parfois, j’ai besoin d’avoir quelques conseils, je n’en prive pas. Et s’il a des choses à me dire, il ne s’en privera pas non plus. Mais on ne parle pas de rugby à longueur de journée. Je donne tout quand je suis au stade mais j’aime bien faire autre chose quand j’en sors. Je deviendrai­s fou sinon.

Au-delà du maintien, à quoi aspirez-vous cette saison en priorité ?

À plus de régularité. On sait très bien qu’on va perdre des matchs, beaucoup même sans doute. Mais nous avons une ligne directrice, nous savons ce que nous visons. L’idéal serait de se sauver directemen­t sans passer par le barrage et de ne pas terminer derniers, surtout.

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