Midi Olympique

« J’ai arrêté de me comparer aux autres »

NON RETENU AVEC LES BLEUS DEPUIS 2016, ABSENT DE LA LISTE ÉLITE ET AFFECTÉ PAR LA DERNIÈRE SAISON DE SON CLUB, IL CHERCHE À REBONDIR. ENTRE SON REPLACEMEN­T À L’AILE, SON AVENIR, SES AMBITIONS ET LE TRAVAIL SUR LUI-MÊME, LE TOULOUSAIN SE LIVRE SANS DÉTOUR.

- Propos recueillis par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Avez-vous retrouvé le sourire ces derniers temps ?

Oui. Pourquoi ?

Car, quand on vous croisait la saison passée, vous étiez l’un des plus affectés par la situation du club…

Je suis quelqu’un qui montre ses sentiments facilement. J’ai du mal à cacher mes émotions mais tout le monde était très touché. Juste, moi je suis issu du club, de sa formation.

Le plus dur était-il de ne pouvoir inverser la spirale ?

(Il souffle) C’était une année vraiment difficile, avec une fin de saison dure à vivre. On ne faisait que perdre, on entendait beaucoup de choses sur nous, sur notre groupe, mais on a continué à bosser. Il y avait de bons mecs mais la spirale était négative et les autres équipes savaient que nous étions dans une mauvaise passe, alors c’était le moment de battre Toulouse. Chacun a envie de montrer quelque chose d’autre cette année. L’équipe a été rajeunie, il y a d’excellents joueurs ici, des talents purs et donc tout pour y parvenir. Un jour, ça va nous sourire.

En début de saison, le discours était plutôt d’oublier cette saison dernière. Or, vous êtes un de ceux qui affirmaien­t vouloir la garder en tête et prouver des choses…

De toute façon, tout le monde te le rappelle. Tu vas chez le boucher, on t’en parle. À la boulangeri­e, aussi. Tu te promènes en ville, on t’arrête et on te dit : « Il faut faire mieux que l’année dernière. » Tous les jours, je l’entends. Mais ce n’est pas plus mal. Il ne faut pas se lamenter avec ça mais le garder dans un coin de la tête. Nous avons des joueurs, une équipe, un statut qui ne nous donnent pas le droit de finir douzièmes du championna­t. Je ne prétends pas que, cette saison, Toulouse sera dans les six premiers mais on fera tout pour y être. Moins on parle de nous, mieux on se porte. On évoque La Rochelle, Clermont, Montpellie­r, Toulon, le Racing, ou même Lyon.

Vous parliez du rajeunisse­ment du groupe. La révolution opérée par le club était-elle indispensa­ble ?

Certains changement­s ont été effectués après cette saison… (il hésite) difficile. Je ne dis pas chaotique car nous ne sommes pas descendus. Le club est toujours en Top 14 et le but est de taquiner à nouveau les meilleures équipes. On reste ambitieux et rigoureux. Cela peut faire du bien au Stade toulousain, aux joueurs, aux dirigeants, aux supporters… Il fallait impulser quelque chose de nouveau. C’est en train de se mettre en place.

Vous découvrez donc beaucoup de nouveautés ?

Tout ce qu’il y a eu avant ici, c’était bien, mais la saison dernière a été terrible pour le club et la ville, donc c’est peut-être un mal pour un bien. Je ne dis pas que les changement­s seront forcément bénéfiques mais, pour le moment, ils portent leurs fruits. On verra ce que l’avenir nous réserve. Je peux certifier une chose : on bosse pour qu’il nous sourit.

On observe en tout cas une équipe toulousain­e entreprena­nte sur ces premières journées…

Si c’est ce que les gens voient, c’est rassurant. Au-delà du jeu, on essaie de se dire les choses. Quand ça marche, il faut le dire mais, quand ça ne va pas, il faut le dire aussi. Je ne sais pas si, en échangeant davantage, nous sommes devenus des adultes mais on discute plus. Si le groupe sent qu’une chose ne lui convient pas, il prend les devants. On respecte les consignes du staff mais les joueurs doivent aussi être acteurs de ce qu’ils veulent mettre en place. Donc on a aussi la parole.

Était-ce plus dur de la prendre avant ?

Non, c’est juste qu’on la prend un peu plus. Les autres saisons, c’était différent. Je ne veux pas forcément revenir dessus.

Il faut dire que les précédents cadres, avec cette fameuse génération qui a marqué le club, sont partis…

C’est à nous, les nouveaux anciens, de prendre du recul. Nous sommes tous de passage. Eux l’ont été. Moi, je suis aussi de passage au Stade toulousain. Il y a une forme de continuité avec Clément (Poitrenaud) qui revient comme entraîneur, avec Ugo (Mola), William (Servat) ou Jean (Bouilhou). C’est essentiel de respecter l’histoire du club mais à nous d’écrire celle d’aujourd’hui. Si on veut remettre Toulouse en haut de l’affiche, c’est à nous de le faire sur le terrain.

Vous racontiez que Poitrenaud ou Clerc savaient être durs avec vous. L’êtes-vous avec les jeunes ?

Il faut demander à Thomas Ramos ou Arthur

Bonneval (sourires). Je veux faire mon travail à chaque entraîneme­nt et tout donner en match mais j’essaie de partager mon temps et mon expérience avec les gens qui veulent bien écouter. Eux apportent de la concurrenc­e. Les jeunes veulent gagner leur place, les anciens ne veulent pas la lâcher. C’est plutôt sain.

On revient à l’histoire de leadership. Vous sentez-vous cadre désormais ?

C’est quelque chose qui se fait naturellem­ent car c’est en partie aux anciens de prendre les rênes du groupe. Aujourd’hui, j’en suis un avec Fritz, Maestri ou d’autres. J’ai l’impression de parler un peu plus mais je n’ai jamais voulu m’imposer auparavant en tant que leader car j’étais plutôt un suiveur. Après, je dis des choses quand je considère que c’est le bon moment.

Clément Poitrenaud a marqué votre carrière. Son retour est-il spécial ?

J’étais curieux de voir ce qu’il présentera­it aux entraîneme­nts. Je trouve ça très intéressan­t, il amène beaucoup. La sensation est particuliè­re, j’ai joué dix ans avec lui, on a été en concurrenc­e, on est amis… Lorsqu’on s’entraîne, on fait la part des choses. Mais de temps en temps, on le chambre un peu.

Vous avouiez, il y a deux ans, devoir prendre plus de recul sur vos performanc­es. Y parvenez-vous ?

Je ne sais pas. Je suis un compétiteu­r dans l’âme. Je l’ai toujours été. Je me fixe des objectifs très élevés et je me remets en question tout le temps. Je me ronge peut-être un peu moins mais il y a chez moi toujours autant d’envie.

Vous en souffrez moins peut-être ?

Ce n’est pas que j’en souffrais mais j’ai arrêté de me comparer aux autres. Je suis comme je suis, je joue comme je joue. J’apprends tous les jours, même après dix ans. J’ai un autre statut dans le groupe, mais j’adore apprendre encore de ce métier. Simplement, je reste un vrai compétiteu­r.

À bientôt 31 ans, craignez-vous le temps qui avance ?

Non. Tant que j’aurai les jambes et la tête, j’aurai toujours autant de plaisir à jouer. Je ne me dis pas : « Il me reste quatre ans, trois ans. Peut-être deux ou l’année prochaine, ça va s’arrêter. » En fait, je n’ai surtout pas trop envie d’y penser.

Votre carrière est faite de blessures, de déceptions et donc d’obligation­s de vous relever…

Ça, c’est mon parcours, ce n’est pas celui de tout joueur. J’en suis fier, surtout d’être dans un grand club. Ma carrière est liée au Stade toulousain. J’ai intégré l’équipe de France ou remporté des titres grâce aux joueurs que j’y ai côtoyés.

Vous avez un attachemen­t singulier avec ce club…

Bien sûr, mais cela ne veut pas dire que je finirai ma carrière ici.

Vous serez en fin de contrat en juin 2019. Pensez-vous déjà à la suite ?

Non, mais je ne sais pas si je serai encore au Stade toulousain dans deux ans. Peut-être que j’arrêterai ma carrière (sourires). Je ne me suis pas posé la question. J’espère qu’il me restera un contrat mais… (il s’arrête). En fait, je ne le vois pas comme ça. On dirait qu’on parle de viande. J’ai envie de m’éclater sur un terrain et si mon choix est de partir, j’espère que les gens le comprendro­nt. Si je suis amené à rester aussi. Je n’ai pas d’idée préétablie. Ce que je veux, c’est gagner des titres.

Toulouse peut-il le faire dans les années à venir ?

Je le pense vraiment.

Vous avez débuté la saison à l’aile. Comment vivezvous ce replacemen­t ?

Ugo ne m’en avait pas forcément parlé. J’ai toujours été polyvalent et Thomas Ramos est arrivé. C’est un grand arrière. Je n’ai pas eu la chance de jouer quinze mais je suis bien à l’aile aussi. J’ai pu marquer. À l’arrière, je suis outsider (rires).

Cette polyvalenc­e est-elle une chance pour retrouver l’équipe de France ?

Elle peut être importante. Mais à l’aile ou à l’arrière, ce sont surtout mes performanc­es qui me donneront la chance de revenir en équipe de France. J’y crois toujours. J’ai lu la saison dernière que je n’y pensais plus… Je pense aux Bleus, j’y ai toujours pensé. Mais si j’ai une opportunit­é d’y retourner, je le devrai à mes prestation­s. Quand on y goûte, on a envie d’y revenir, de porter ce maillot bleu, de chanter La Marseillai­se, de jouer contre des grandes nations mondiales. Je suis dans ce cas-là.

Entre Toulouse et les Bleus, c’était la double-peine pour vous l’an dernier…

Je ne l’ai pas vécu ainsi. Je répète que je n’ai rien abandonné. J’ai travaillé durant l’intersaiso­n pour être performant en club et avoir l’occasion d’être rappelé. Si ça arrive, j’en serai le plus heureux. J’ai raté le Mondial 2015, alors je pense évidemment au Japon. C’est loin mais ça va vite arriver. Il me reste peu de chances mais je compte bien les saisir. À moi de me bouger.

Surtout que vous ne faites pas partie de la liste Élite ?

Je ne m’arrête pas à ça. Je continue à bosser, je fais mon petit chemin. Il faut que je sois bon en club, c’est tout. La liste Elite, elle fait partie des accords qui ont été signés mais je ne vais pas me bloquer là-dessus.

On dit que devenir papa change un homme.

Vous l’êtes depuis quelques mois. Cela vous fait-il évoluer ?

C’est magnifique d’avoir un enfant. Ma petite Louison est ce que j’ai de plus cher. Mais affirmer que ça m’a posé, pas du tout. Je reste chiant à l’entraîneme­nt, parfois aussi à la maison. Mais j’ai envie de montrer à ma fille que son papa est un bon joueur, ou qu’il essaie de l’être. Et quand je traverse un moment difficile, ça fait du bien de la voir et d’être en famille.

« Je ne sais pas si je serai encore au Stade toulousain dans deux ans. Si mon choix est de partir, j’espère que les gens le comprendro­nt. »

 ?? Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany ??
Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany

Newspapers in French

Newspapers from France