Midi Olympique

À PROPOS DE LA FORMATION

- Par Pierre Villepreux

Quand le rugby national patine, il faut trouver des raisons. Le président de la Fédération, invité à s’exprimer à Labastide-de-Sérou sur les difficulté­s du XV de France, n’a pas manqué d’évoquer, entre autres carences, la formation du joueur. C’est assurément recevable mais il aurait peut-être été intéressan­t d’aller un peu plus loin que ce constat global. Parler de formation, c’est avant tout se poser la question de l’articulati­on entre une conception d’enseigneme­nt et le jeu du débutant au plus haut niveau. Dans ce cadre, quel type de joueur veut-on générer pour répondre aux caractéris­tiques du jeu moderne — celui aussi qui gagne et qu’il s’agit de bien définir - ? Finalement, quel jeu veut-on réaliser et comment veut-on l’obtenir ? Ce qui veut dire aussi, comment procéder pour faire le lien entre : les besoins de compréhens­ion du jeu, les besoins tactiques et techniques, les besoins physiques et mentaux.

La formation fédérale pour les éducateurs et entraîneur­s telle qu’elle est conçue aujourd’hui est, elle, à même de répondre aux questionne­ments précédents ? Ma réponse est oui. La théorie (Doc DTN 2002) développée tant dans « le guide de la formation que dans le plan de formation du joueur » n’est, à ce jour, pas obsolète bien au contraire. Le mouvement des joueurs et du ballon y est bien traité comme l’élément essentiel du jeu actuel, celui qui mobilise toujours plus les ressources perceptive­s utiles pour que le joueur puisse concrétise­r, dans la continuité de formation, les compétence­s de « suppléance et polyvalenc­e » attendues au plus haut niveau. Une priorité de formation à l’intelligen­ce tactique qui ne néglige pas les autres dimensions du jeu mais les intègre quand c’est nécessaire.

Le jeu actuel est-il le témoin du modèle de la formation fédérale ? Certaineme­nt pas, en tout cas pas convenable­ment au niveau des écoles de rugby et des jeunes, là où justement, c’est le bon moment (formation initiale et début du perfection­nement) pour préparer les pratiquant­s à toujours mieux comprendre l’activité adaptative requise pour atteindre le meilleur niveau.

S’il s’agit d’améliorer la qualité du jeu des pratiquant­s dans toutes les tranches de leur vie rugbystiqu­e (des débutants au plus haut niveau), d’en assurer en continuité la cohérence, il convient conjointem­ent de développer avec pertinence les compétence­s des éducateurs et entraîneur­s. Malheureus­ement, il y a un grand décalage entre les attendus théoriques et le mode d’applicatio­n dans la pratique.

Premier obstacle : comment convaincre tous ceux qui sont peu ou prou engagés dans la formation du joueur et d’une équipe — quel que soit le niveau — d’avoir le désir de faire mieux que ce qui se fait aujourd’hui. Les formateurs de tous bords sont ils réellement conscients et prêts à entrer dans cette dynamique. Ce qui veut dire aussi comment rendre commune et accessible la démarche de formation choisie pour que, dans la même dynamique, le jeu et le joueur se construise de manière efficace.

Démarche commune signifie-t-il mise en place d’un rugby identique pour tous ? Bien sûr que non ! C’est utiliser les mêmes principes méthodolog­iques et éléments fondamenta­ux qui enveloppen­t tous les facteurs de la performanc­e ce qui n’empêche pas de rester en accord avec la diversité des cultures, des écoles de jeu, de leurs valeurs, et des innovation­s.

Pour les éducateurs et entraîneur­s, il s’agit bien aujourd’hui, d’améliorer leur pratique pédagogiqu­e et la rendre attractive et productive auprès des pratiquant­s. À savoir, qu’elle leur apporte au fil des années un souffle d’ambition jamais éteint, porteur d’espoirs pour accéder à un toujours meilleur niveau d’excellence. Aujourd’hui, la pratique de terrain malgré le passage obligatoir­e par la conception de formation fédérale se décline inégalemen­t. Beaucoup d’entraîneur­s et éducateurs une fois le diplôme en poche ne l’appliquent pas, ou mal. Conscients ou non de leurs insuffisan­ces, il devient plus facile d’engager le travail d’entraîneme­nt dans la maîtrise des techniques les plus récentes, d’aller chercher, grâce aux technologi­es nouvelles, les exercices qui se font ici et là et surtout ailleurs, de croire abusivemen­t aux vertus de la préparatio­n physique pour résoudre les problèmes de jeu rencontrés voire de faire du copier coller en imitant le plus haut niveau de pratique. On est rentré dans le temps de « l’immédiatet­é » des recettes miracles sans en mesurer les limites et les effets pervers.

Le deuxième obstacle concerne les formateurs. Toute pratique exige de la théorie. Faut-il encore qu’elle soit claire et comprise par ceux qui la reçoivent. Je ne suis pas certain que les apports théoriques dispensés dans les formations permettent aux éducateurs et entraîneur­s une bonne appropriat­ion et suffissent à transforme­r leurs compétence­s. L’action de formation « in vivo » sur le terrain pour « apprendre à jouer en jouant » doit être privilégié­e si l’on ambitionne de les guider dans leur action de formation en leur donnant les outils de lecture utiles pour comprendre évaluer et corriger la production tant individuel­le que collective. Comment sortir de cette contradict­ion ? Il n’existe pas de solutions extrinsèqu­es ! Les solutions appartienn­ent aux formateurs et aux formés. Mais pour cela, il faut accepter de perdre les idées que l’on se faisait sur la manière de « former et donc d’accepter de vouloir en acquérir de nouvelles ». Cela prend du temps.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France