Un club ordinaire
Au moment où le rugby français est au coeur d’une actualité soupçonneuse, il ne me paraissait pas incongru de témoigner des réalités propres à la vie d’un club comme les autres, oeuvrant, de surcroît, pour le rugby féminin : « les Lionnes » du stade bordelais.
Avec 115 000 € de budget sur la saison 2016-2017, nous sommes parvenus à faire tourner nos trois équipes et à boucler le budget. Les deux équipes seniors sont parvenues en demi-finale de leur championnat. Et l’équipe cadette fut finaliste du championnat de France pour la seconde année consécutive. Nous devons être dans les quatre ou cinq premiers clubs français en qualité d’effectif toutes compétitions confondues. Nous avions quatre joueuses sélectionnées en équipe de France moins de 20 ans et deux en moins de 18 ans. Nous défrayons nos six entraîneurs. Les joueuses ne sont pas rémunérées.
Je suis président du stade bordelais rugby féminin depuis une saison. Je suis désormais accompagné par une coprésidente. J’ai été président d’un club de série régionale, dans ma jeunesse. Jamais le rugby, comme tant d’autres bénévoles, ne m’a rapporté le moindre sou. Je n’ai jamais vécu du rugby, mais le rugby a enrichi ma vie.
Nous sommes si loin de toutes ces affaires, de ces sommes astronomiques qui circulent. La plupart des clubs dits amateurs suent sang et eau pour joindre les deux bouts. Ils y parviennent tant bien que mal.
Nous allons vivre une nouvelle saison. Notre budget connaîtra une légère augmentation. Sans doute autour de 20 000 € pour asseoir nos trois équipes. Les déplacements vont être plus longs. Nous avons peu de partenaires et sans le soutien de la mairie de Bordeaux, et des autres collectivités, nous ne pourrions engager tout ce que nous faisons. L’essentiel de notre travail auprès des joueuses consiste, d’abord, à leur assurer la possibilité de s’exprimer sur le terrain et à accompagner leur parcours de vie (logement, recherche d’emploi, de stages, de contrats d’alternance ou d’apprentissage). L’équilibre entre la pratique sportive et la vie professionnelle ou le suivi d’une formation est notre ligne de conduite. Nous sommes donc bien loin de toute cette écume dont se nourrit l’actualité. Pourtant, nous sommes aussi de cette actualité. Lorsque, en plus, l’on s’occupe de filles, de femmes, le défi est d’une tout autre ampleur. Et si l’on confrontait enfin la vie du rugby à ce qu’elle représente réellement ! Si l’on cessait d’opposer les uns aux autres dans d’interminables guerres d’ego, si on liait chacune des parties prenantes autour d’objectifs, d’orientations communes.
Seul le haut du pavé requiert l’attention. Une guerre est déclarée depuis plusieurs mois. Et nous, nous sommes à des années-lumière de tout cela.
Le pouvoir et l’argent sont si intimement liés dans tout ce que l’on entend. Une vieille antienne qui se répète sans fin. Il y a fort heureusement des gens qui se battent au quotidien pour que, tout simplement, des êtres humains, filles ou garçons, puissent pratiquer au mieux ce sport qui les réunit et augmente leur vie. Les servir est devoir parce que l’on sait tout ce que le rugby nous a apporté. Un supplément d’âme indéfectible.
Loin de moi l’idée d’opposer cette vision à celles des clubs professionnels. J’éprouve un immense respect pour le travail de Laurent Marti à l’UBB. Il nous aide par le rayonnement qu’il donne au rugby dans la cité. Nous lui sommes redevables. D’ailleurs, nous allons devenir les Lionnes de l’UBB ! Ne créons pas de conflits factices.
Éric des Garets