Midi Olympique

Plisson-Bonneval

:interview croisée à coeur ouvert

- JULES PLISSON - Demi d’ouverture du Stade français - HUGO BONNEVAL - Arrière de Toulon Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr H. B. H. B.

Qu’est-ce que ça vous fait de vous retrouver face à face ?

Jules Plisson Ça va être bizarre de le voir de l’autre côté du couloir. Hugo Bonneval Je vous rappelle dans trente secondes, je dois rentrer à l’intérieur, sinon ma fille ne veut pas dîner. J. P. Arrête ça tout de suite « Bonuche », je n’ai pas que ça à faire, j’ai un dîner chez ma mère après.

H. B. Juste trente secondes.

J. P. Mais non, laisse-la avec Tatiana (la compagne d’Hugo). En plus, je sais très bien que tu lui donnes jamais à manger. H. B. Espèce de « mytho ».

Excusez nous mais ça vous fait quoi de jouer l’un contre l’autre, vous qui avez toujours joué ensemble ?

J. P. C’est vrai, on n’a jamais joué l’un contre l’autre. Même à l’entraîneme­nt, on était souvent dans les mêmes équipes. Je pense que j’aurai un peu le sourire, alors que lui va être crispé. Il est toujours tendu avant les matchs, il se met dans sa bulle.

H. B. C’est vrai que je suis vachement tendu…

J. P. La vraie question, c’est : « Est-ce que tu vas faire le mec tendu ou le mec cool avec nous ? »

H. B. Pourquoi veux-tu que je sois énervé contre toi ? D’abord, je ne sais pas si je vais jouer. Je vous jure que c’est la vérité. Ensuite, si je joue, ça va me faire bizarre. Je vais visiter une partie de Jean-Bouin que je ne connais pas (rires). Et puis, jouer contre des mecs avec qui j’ai beaucoup partagé, depuis que j’ai quinze ans pour certains, ça va me faire quelque chose.

J. P. Tu feras attention en sortant pour l’échauffeme­nt. Tu vas bien à gauche, pas à droite.

H. B. J’y ai déjà pensé. Je suis capable de me gourer. Comme tu dis, je suis un peu con, et je peux très bien aller du mauvais côté.

Votre premier souvenir en commun ?

H. B. Ce n’est pas le premier souvenir commun, mais je me rappelle d’une défaite trois à zéro à Clermont. Jules jouait à l’ouverture, moi au centre, je n’ai pas touché un seul ballon de la rencontre. C’était en Reichel, je crois. Je veux bien admettre que Jules a des facilités pour le jeu au pied, mais là, c’était abusé. Pas une seule passe du match.

J. P. T’oublies de dire qu’il pleuvait et qu’il y avait des montres en face. J’avais peur de lui faire une passe et qu’il se fasse découper. Moi, mes premiers vrais souvenirs avec Hugo, c’était l’année de notre colocation. Je l’ai vu arrivé, il a déposé dans l’appartemen­t un lit, une télévision et un poster de Federer. Et ensuite, pendant un an, je suis resté tout seul (rires).

H. B. Mes parents font mieux à manger que Jules (rires).

Mais votre premier souvenir rugbystiqu­e ?

J. P. Chez les pros, c’est cette demi-finale de Challenge européen à Toulon (défaite 32-29, mais Bonneval avait inscrit un essai et Plisson 19 points au pied dont deux drops magnifique­s, N.D.L.R.). H.B. Putain, c’est vrai que c’est un bon souvenir, ça. J’avais marqué sur une passe de Julien Arias, il faut le souligner car c’est rare. Cette année-là, on avait quelques casseroles avec Michaël Cheika (rires). Tout le monde sait que ces deux années avec lui avaient été difficiles. Ça doit d’ailleurs être un de ses derniers matchs.

J. P. Ce qui est drôle, c’est qu’il ne nous a jamais fait jouer de la saison.

H. B. Ce n’est pas vrai, il nous avait envoyés à Bucarest pour jouer le Challenge (rires).

J. P. Surtout, il a passé son temps à nous défoncer. Cette demi-finale de Challenge, il s’en foutait. C’est pour ça qu’il nous a lancé. Et finalement, après le match, Cheika a dit qu’on avait été bons parce qu’on n’avait pas beaucoup joué. En gros, c’était grâce à lui.

La plus belle émotion vécue ensemble ? Le titre de champion de France en 2015 ?

H. B. Non, pas vraiment. J’étais blessé, je n’ai pas joué un match de la saison. En revanche, on a partagé un super moment sur le tournage de la publicité pour Lancia. On était avec Jules et Pascal (Papé) quand on a appris qu’on était sélectionn­é tous les deux en équipe de France pour le Tournoi

(2014). On était tous les deux, comme des cons à faire les rigolos dans la bagnole, mais c’était vraiment fort.

J. P. On était en plein tournage et nos téléphones n’arrêtaient pas sonner. Ce qui était sympa, c’est qu’on était avec Pascal, qui était alors capitaine de l’équipe de France.

H. B. Et puis, la première Marseillai­se ensemble, c’était quelque chose quand même, non ? Ce jour-là, je me suis dit que j’étais un chanceux de pouvoir vivre ça avec mon pote. Dans le bus pour aller au Stade de France, c’était comme lorsqu’on prenait le bus, comme deux petits cons, le mercredi aprèsmidi pour s’entraîner à Vaucresson.

J. P. C’étaient des supers moments alors qu’on partait à 16 heures de Jean-Bouin pour arriver à 18 heures à l’entraîneme­nt à cause des bouchons.

H. B. On arrivait, il faisait nuit, et le terrain, c’était de la terre battue avec de l’eau. Trop bien.

J. P. Et on repartait avec un petit sandwich fait avec du pain rassis (rires).

J. P. Tu m’étonnes… Mais pour notre première ensemble en équipe de France, c’était contre l’Italie. Moi, j’avais déjà joué contre l’Angleterre, j’avais donc fait un peu l’ancien, je lui avais dit : « T’inquiète pas, ça va bien se passer » (rires). Mais, la plus belle émotion partagée, c’est notre premier match ensemble à Jean-Bouin. Quand on était en colocation, on habitait rue du général Sarrail, juste en face du stade. On l’a vu être détruit, puis être reconstrui­t tous les jours un peu plus. Et on se disait que ce serait pas mal d’y jouer un jour ensemble. C’était comme la concrétisa­tion d’un rêve.

H. B. Et nous étions titulaires tous les deux pour le match d’inaugurati­on (19 août 2013, contre Biarritz).

Votre plus gros délire extra-rugby ?

Jules est très occupé. À chaque fois que j’ai voulu partir en vacances avec lui, il ne pouvait pas. À l’exception de trois jours à Biarritz. J. P. Faux, on est parti à Marrakech une fois ensemble.

Votre pire souvenir en commun ?

J. P. La finale du Top 14 en 2015. On est tous les deux blessés. Moi je ne suis même pas senti champion de France.

Vous en aviez parlé ensemble ?

H. B. Un peu

J. P. Il faut savoir que lorsque la femme d’Hugo est là, on ne le voit pas trop. En revanche, dès qu’elle s’absente, il vient frapper à la porte. Jules, est-ce que tu peux me faire à manger ?

H.B. Ce n’est pas vrai.

Vous êtes-vous déjà engueulés ?

J.P. Oui, mais ça ne dure jamais très longtemps.

H.B. Je dois confesser que Jules a une vraie qualité. Effectivem­ent, il est chiant et on peut s’engueuler pour des broutilles, mais lui passe très vite à autre chose. Il a cette faculté de dédramatis­er, alors que moi je suis rancunier. J.P. C’est vrai qu’il est rancunier…

H.B. Au fond de moi je rigole, mais je ne veux pas lui montrer. Ça lui donnerait raison. Et ça, je ne peux pas. Impossible. J.P. Tu insinues que j’ai souvent raison ?

H.B. Non, ça, c’est faux.

J.P. Je n’aime pas le conflit. Disons que je suis un peu comme Gonza (Quesada), lui est plus comme Laussucq (rires).

Qu’est ce que vous enviez à l’autre ?

J. P. Chez lui, il fait beau. Hugo Bonneval tourne son téléphone et nous montre le paysage ensoleillé juste derrière la piscine de sa résidence. J. P. Moi, je vais te montrer ma baignoire, tu vas voir… Mais sinon, j’envie sa pointe de vitesse. Il court vite ce con.

H.B. Moi, je ne sais pas.

J. P. Mon beau sourire ?

H. B. Non, ta gentilless­e. Moi, j’ai un caractère de cochon. Mais sa gentilless­e lui joue parfois des tours.

J. P. Le problème d’Hugo, c’est qu’il faut lui arracher les mots de la bouche.

H. B. C’est vrai.

J. P. Je le sens quand Hugo n’est pas bien.

H. B. Ça, c’est vrai aussi. D’ailleurs, ça m’agace car il me connaît trop bien.

Qui est le plus doué de vous deux ?

J. P. C’est lui

H. B. Pas plus que toi.

J. P. On a deux registres différents.

H. B. Lui il a un coup de pompe de 120 mètres que je n’aurai jamais.

J. P. En tout cas, on s’est donné les moyens de réussir. Et Hugo m’a tiré vers le haut. Très vite, il s’est mis à bosser, à être très pro dans son approche.

H. B. Alors qu’il se moquait de moi…

J. P. Hugo a toujours été hyper sérieux.

H. B. Mais après, je suis moins pro que lui sur la nourriture par exemple.

J. P. Surtout, t’as la chance de ne pas grossir alors que moi… J’adore cuisiner.

H. B. J’ai arrêté de venir manger chez lui depuis qu’il s’est mis au quinoa…

J. P. Arrête, c’est bon pour la santé.

Rejouerez-vous un jour sous le même maillot ?

H. B. J’espère.

J. P. Ce qui serait bien, c’est qu’on rejoue ensemble avec deux maillots différents…

H. B. Ce serait cool, mais Jules a un temps d’avance. Il est sur la liste des joueurs protégés par la convention FFR-LNR pour l’équipe de France, moi non. Mais rejouer ensemble en équipe de France, c’est un rêve, évidemment.

J. P. Tout comme rejouer avec d’autres mecs de notre génération comme Fatou (Jonathan Danty), Rémi (Bonfils) ou La Flanque (Alexandre Flanquart). Franchemen­t, je ne sais pas s’il y a d’autres clubs où il y a des génération­s comme la nôtre. On a connu tellement de choses ensemble, des trucs bien, des galères. On nous promettait des jours heureux, mais on ne savait pas comment ça allait se terminer. Et on a eu la chance d’être tous un peu propulser en équipe première en raison de la mauvaise situation du club. On est tous très lié. À une période, on était tout le temps fourré ensemble, matin, midi et soir.

H. B. Heureuseme­nt, on n’avait pas de nana à l’époque. Mais, cette amitié qui nous lie va au-delà du rugby. Il y a trois mois, on traînait avec Jules à la Croix-Catelan dans le bois de Boulogne pour essayer de prendre un peu le soleil et qu’il bronze sa peau de blond (rires).

J. P. Arrête ça ! T’es le seul brun qui ne bronze pas mais qui rougit uniquement du nez (rires).

H. B. Bref, je lui avais demandé : « Mais quand on aura cinquante piges, qu’on sera des vieux cons, est-ce qu’on sera toujours ensemble » ? Il m’a répondu : « C’est pour ça qu’on fait ça aujourd’hui, c’est pour ne jamais se perdre. »

J. P. Il dit ça, mais depuis qu’il est à Toulon, il ne m’appelle pas trop.

H. B. Oh le mytho ! La dernière fois que j’ai appelé, il n’a pas répondu et m’a envoyé une photo de lui en train de faire la sieste (rires).

Paris ou Toulon dimanche ?

J. P. Paris, parce que pour nous, c’est important de gagner. Hein, Hugo…

H. B. Pour nous aussi, on en a quand même pris quarante dimanche dernier à Montpellie­r (43-20). De toute façon, dans ce championna­t, tu ne peux jamais savoir ce qui va se passer.

J. P. C’est vrai mais nous a déjà perdu une fois à la maison (contre Lyon). Après, toutes les équipes perdent au moins une fois par saison à domicile.

H. B. T’es malade ou quoi ?

J. P. On en reparlera, mais plus tard car là, j’ai un dîner chez ma mère. Je dois y aller.

H. B. Embrasse-la pour moi.

J. P. Ok, je te rappelle plus tard.

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