Midi Olympique

CE QU’ILS LUI REPROCHENT...

- Par Jérémy FADAT et Léo FAURE

Les griefs à l’encontre de Mohed Altrad, de la part des autres présidents de Top 14 sont nombreux et ne datent pas d’aujourd’hui : sa politique sud-africaine, enclenchée avec l’arrivée de Jake White et abandonnée depuis, son côté franc-tireur sur les affaires du rugby et sa ligne défense, axée sur du racisme sous-jacent et que les présidents rejettent en bloc. Il y a surtout la manière, qui a fortement déplu lundi soir. « C’était un sketch, un one-man show. Surtout, il est allé jusqu’à menacer l’assistance de représaill­es contre ceux qui lui mettraient des bâtons dans les roues », lâche un président du Top 14. Factuellem­ent, deux points cristallis­ent toute la fronde anti-Altrad. Les voici.

L’HOMME QUI A TUÉ LE MARCHÉ

Ce point-là n’est pas nouveau. Depuis plus d’un an et demi, les présidents du Top 14 et de Pro D2 pointent vigoureuse­ment l’activité de Mohed Altrad quand il s’agit de transferts, allant jusqu’à l’accuser de casser totalement le marché. Le premier à allumer la mèche fut René Bouscatel, alors à la tête de Toulouse, en septembre 2016 : « Le Salary Cap, en l’état actuel, est une ineptie. Je n’ai pas besoin de faire de dessins, tout le monde sait de qui je parle. Ses propositio­ns sont hors marché. Il faut vraiment m’expliquer comment il peut faire des propositio­ns déraisonna­bles à ce point, notamment pour des Jiff dont il manque cruellemen­t. Moi, en étant au maximum du Salary Cap, je ne peux pas suivre. [...] Certains investisse­nt à fonds perdu et, pour l’un d’entre eux, le but est juste de se payer un titre de champion avec des étrangers et en dérégulant le marché sur les Français. » L’ancien boss toulousain était alors outré par le contrat soumis par le MHR à Yacouba Camara (près de 50 000 euros par mois). À l’instar du PSG en football, lequel a immédiatem­ent fait flamber la valeur des joueurs dans leur ensemble en posant 222 millions d’euros sur la table pour attirer Neymar, le milieu du rugby français reproche aujourd’hui à Altrad d’offrir des salaires surévalués par rapport aux prix observés jusque-là. Une logique de surenchère permanente qui a pour effet de totalement libéralise­r le mercato et d’en faire un monde sans limite et sans loi. Les autres gros clubs sont agacés de se retrouver désormais en position de faiblesse sur les internatio­naux, les plus modestes se plaignent de ne pouvoir s’aligner sur des éléments moins côtés à la base, mais dont Montpellie­r a besoin pour respecter la réglementa­tion des Jiff. Entre sa responsabi­lité dans la mort prématurée du Salary Cap et ses méthodes pour draguer n’importe quel joueur intéressan­t à ses yeux, les dirigeants de l’élite hexagonale dénoncent l’absence de morale de Mohed Altrad.

L’illustrati­on la plus marquante récemment réside dans le contact établi avec Johan Goosen, lequel a décidé d’ignorer son contrat le liant au Racing 92 dans des conditions peu glorieuses. Mourad Boudjellal avait annoncé que celui qui chercherai­t à le recruter en France serait « un salopard ». Visiblemen­t, cela n’a pas freiné tout le monde. Boudjellal, pourtant l’un des derniers soutiens d’Altrad, qui a vu ce dernier tenter de lui subtiliser très récemment le prometteur Swan Rebbadj avec une propositio­n encore une fois jugée très alléchante. Il n’y a pas d’amitié qui vaille…

SUSPICIONS DE FAVORITISM­E

Les récentes révélation­s concernant la relation contractue­lle qui a lié le groupe Altrad à Bernard Laporte, président de la Fédération française de rugby, n’ont pas manqué de faire causer. Derrière le conflit d’intérêts, beaucoup craignent du favoritism­e à venir. Ou déjà consumé, lors de la fameuse commission d’appel de la FFR des 29 et 30 juin, lors de laquelle plusieurs sanctions envers le MHR avaient été abaissées. Ce qui n’a pas manqué de déclencher les suspicions. « On ne peut rien affirmer sans preuve, bien sûr, mais au regard des éléments de collusion dévoilés depuis, il est des coïncidenc­es qui ont de quoi interpelle­r », confie un président présent lundi soir à l’assemblée générale de l’UPCR. Via ses relations avec la FFR, dont l’entreprise Altrad est aujourd’hui un partenaire financier majeur qui brigue, à court terme, l’emplacemen­t sur le maillot des Bleus, la suspicion porte également sur l’équité en termes d’arbitrage, un secteur qui échappe à la Ligue et reste dans le giron fédéral. Il n’y a aujourd’hui, derrière cela, aucun grief factuel.

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