Midi Olympique

Comme Kampf, Guazzini, Boudjellal

- Jacques VERDIER jacques.verdier@midi-olympique.fr

Mohed Altrad est aujourd’hui détesté par ses pairs comme l’ont été, avant lui, Serge Kampf et Max Guazzini, pour des raisons à peu près similaires. J’exagère ? Pas le moins du monde. Souvenez-vous de la fin des années 1980 : Jacques Fouroux, dont la cote auprès du « mundillo » a tendance à singulière­ment baisser, fait suivre au chevet des Bleus un grand industriel, Serge Kampf, que l’on dit très riche, peu au fait des choses de ce jeu, mais passionné. Fouroux qui est aux yeux des Français, le Laporte d’avant-hier, est aussitôt suspecté d’affairisme. Et d’ailleurs ce Kampf, qui est-il ? La rumeur de l’époque prétend qu’il a offert des montres de prix à tous les joueurs du Mondial 1987, un séjour d’une semaine en Argentine à tous les membres du grand chelem 1977 et qu’il ne quitterait plus les Bleus d’une semelle lors de leurs rassemblem­ents. Mais de quel droit ? Les vestiaires, l’hôtel, le bus… Comment Albert Ferrasse peutil tolérer des choses pareilles ? Le rugby serait-il à vendre ? Pierre Berbizier jette, au même moment, un fort pavé dans la mare en déclarant qu’il en assez de se faire prendre en photo dans les vestiaires. De quoi s’agit-il ? De qui ? Le photograph­e visé n’est autre que Serge Kampf qui, en effet, se promène le plus souvent avec un appareil photo dans les mains et prend tout de la vie des Bleus, avant d’offrir les photos aux joueurs eux-mêmes. Aussitôt la rumeur s’enflamme, démesurée, agressive, aussi injuste que grossière et le patron de Capgemini est voué aux gémonies.

Serge Kampf, on le sait tous, était pourtant une merveille d’homme, d’une générosité incomparab­le et ne souffrait, jusqu’à plus ample informé, d’aucune perversion. Personne, à ma connaissan­ce, ne fit plus que lui pour ce jeu et les hommes qui l’accompagne­nt. Il sut, au fil du temps, gagner l’admiration de tous. Mais le premier réflexe du rugby français à son encontre fut de rejet.

Et Guazzini, donc ! Souvenez-vous des fameuses soirées parisienne­s du début des années 1990, auxquelles participai­ent quelques joueurs et dont l’écho arrivait jusqu’aux cafés du commerce de nos villages de province. Je revois des présidents de clubs s’élever contre « cet individu qui paie les joueurs trois fois leur prix et entraîne notre jeunesse dans la débauche. » Tout fut dit, fantasmé, prolongé, inventé. Max Guazzini était le mal incarné. Il montait une équipe de toute pièce, à grands coups de millions, ne faisait pas payer l’entrée au stade, créait ainsi un précédent fâcheux dont le rugby tout entier aurait à payer la note et poussait le cynisme jusqu’à faire jouer les siens en rose ! Vingt ans plus tard, tout le monde revendique son influence. On lui tape sur l’épaule. On célèbre son amitié. C’est devenu l’ami du genre humain.

Mourad Boudjellal pourrait aussi grossir le rang de ces misérables harassés par la vindicte populaire. Lui n’était pas soupçonné d’avoir des moeurs particuliè­res mais d’être Arabe et d’avoir une très grande gueule. Aujourd’hui, les victoires et le temps aidant, il est presque sorti d’affaire. Les coups ne pleuvent plus sur sa mégalomani­e supposée. Pis, on commence à l’aimer. C’est la fin de tout. Il fait partie de la famille et sera, demain porté aux nues.

La dernière victime est donc Mohed Altrad. Le milieu ne le supporte pas. Il est très – très riche, décidément Arabe lui aussi, fin lettré, auteur de romans, sans état d’âme vis-à-vis de ses adversaire­s, cherche à promouvoir son entreprise par tous les moyens possibles et est accusé, comme les autres avant lui, de déréguler le marché des transferts. Proprement insupporta­ble ! Il a beau prétendre perdre beaucoup d’argent avec le rugby, aider les autres (Narbonne, Colomiers, Angoulême), les sarcasmes pleuvent à son endroit avec une férocité qui nous rappelle que ce milieu étonnammen­t conservate­ur n’aime pas être dérangé dans ses habitudes. Qu’il se console, sauf coup de Jarnac définitif, affaire scandaleus­e, demain le réhabilite­ra ! Jusqu’à devenir qui sait, enfin adoubé par tous, la dernière icône en vogue.

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