L’ART DU REBOND
EN REJOIGNANT L’EFFECTIF LOT-ET-GARONNAIS CET ÉTÉ, L’ARGENTIN A DÉMARRÉ UNE NOUVELLE AVENTURE D’UNE CARRIÈRE RICHE EN EXPÉRIENCES. AU POSTE CONCURRENTIEL D’OUVREUR, IL N’A PAS DIT SON DERNIER MOT.
Parmi les joueurs d’expérience recrutés par le SUALG cette saison, alors que tous les regards se sont rapidement tournés vers les trentenaires bien tassés Enrico Januarie et Akapusi Qera, Ignacio Mieres fait figure de singularité. L’Argentin qui a fêté ses 30 ans cette année traîne derrière lui une drôle de carrière, à la trajectoire sinusoïdale. Un talent incompris, que les Agenais sont allés récupérer à Dax, habitué à jouer le maintien en Pro D2.
Victime d’une malformation des jambes pendant son enfance alors qu’il évolue sous les couleurs de Deportiva Francesa, club historique de Buenos Aires, Mieres doit son salut à son père qui l’aide à se déplacer en le portant sous ses bras. Il hérite d’un premier surnom, « Cangu » pour « Kangourou ». Un surnom qui ne l’empêche pas de se faire remarquer par son talent. La promesse d’une grande carrière internationale se fait même sentir. « En Argentine, il était présenté comme l’héritier d’El Mago. Il y avait des similitudes dans leur jeu et dans leur dimension athlétique », poursuit l’entraîneur des avants agenais Mauricio Reggiardo, qui le remarque sous le maillot des Pumas en 2010. À cette époque, Mieres a déjà connu trois clubs. Contacté en premier par les Tigers de Leicester où il passe trois mois, son expérience avec le Stade français entre 2008 et 2010- où il retrouve Roncero et Hernandez formés eux aussi à Deportiva Francesa — sera, elle, très contrastée. L’intérim de courte durée à Perpignan en 2009 où il est engagé en tant que joker médical de Dan Carter lui permettra toutefois de devenir champion de France.
« LE MESSI DU RUGBY »
La suite s’écrira du côté de l’Angleterre et du Premiership où il passera cinq saisons, trois à Exeter (2010-2013) et deux à Worcester (2013-2015). Ce sera aussi le moment où le joueur connaîtra ce qui reste à ce jour sa sixième et dernière sélection avec les Pumas le 16 juin 2012, une victoire face à la… France. De son passage en Angleterre, beaucoup d’observateurs ne retiendront que le surnom de « Messi of Rugby », littéralement, le « Messi du Rugby » donné par un journaliste du quotidien britannique Independent en septembre 2012. Ce demi d’ouverture athlétique (1,89 m, 92 kg) préfère se souvenir d’avoir énormément appris aux côtés de l’entraîneur des trois-quarts d’Exeter, Ali Hepher mais aussi l’ancien demi d’ouverture champion du monde en 2003 avec le XV de la Rose, Paul Grayson. Devenu son ami depuis, ce dernier était d’ailleurs présent la semaine dernière à Armandie pour lui donner quelques conseils dans le jeu au pied. « Mon expérience anglaise m’a permis de faire attention aux détails, de savoir comment manger, comment se reposer, comment bien plaquer… » confiait-il cette semaine. Avec les Gonzalo Camacho, Agustin Creevy, Mieres s’est aussi retrouvé en terrain connu. De quoi lui donner de la confiance, « alors qu’il semble parfois en manquer » comme le révèle Raphaël SaintAndré qui l’a fait revenir en France et l’a entraîné à Dax pendant deux saisons en Pro D2. Du passage d’un « garçon attachant », « RSA » ne garde que de bons souvenirs malgré quelques pépins physiques : « C’est un joueur avec de nombreuses qualités. Il a une longueur incroyable et une précision redoutable notamment sur tout ce qui est coup de pied d’envoi, jeu au pied de dégagement, jeu au pied de pression. Il a une très bonne qualité de passe. Il a seulement besoin de confiance, de prendre confiance en lui et d’oser, tenter un peu plus de choses. Il se complaît parfois dans un rôle d’ouvreur classique alors qu’il est capable de faire bien d’autres choses. » Dans le Lot-et-Garonne, il cultive toujours son côté argentin en se montrant complices avec Facundo Bosch et Leandro Cedaro. Stéphane Prosper l’a fait venir pour ses qualités et son profil complémentaire à Jake McIntyre. « Ignacio est capable de jouer une autre musique de jeu. La concurrence avec Jake fera qu’ils vont se tirer vers le haut. Il a l’état d’esprit que nous souhaitons mettre en place dans l’équipe et en plus il est trilingue donc il peut communiquer avec tout le monde », argue le patron des trois-quarts. Gêné par une blessure au talon qui l’a handicapé sur le travail de présaison, Ignacio Mieres est en train de prendre ses marques sous le maillot bleu et blanc. Ce samedi face notamment aux Néo-Zélandais du Béarn, l’ancien grand espoir du rugby argentin devrait avoir l’occasion d’exprimer son talent. Et montrer qu’Agen peut compter sur lui.