Midi Olympique

« Je ne vois pas qui peut les battre »

DIMITRI YACHVILI - Ancien demi de mêlée du XV de France et Consultant beIN Sports, diffuseur de la Coupe d’Europe

- Par Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Double tenants du titre, les Saracens sont-ils les favoris à leur succession ?

Par rapport à leur effectif, que ce soit en qualité ou en quantité, ils seront une nouvelle fois favoris de la compétitio­n. Ils sont impression­nants de maîtrise, de constance, avec des joueurs à maturité. Cette équipe dégage une grande osmose. On connaît la difficulté de réaliser un triplé historique, ce qui leur permettrai­t de rejoindre Toulon, mais je pense qu’ils ont tout pour le faire.

Sur quels secteurs construise­nt-ils leur supériorit­é sur la concurrenc­e ?

Leur supériorit­é est d’abord tactique. Ils sont capables d’avoir un plan A, un plan B et si besoin, un plan C dans un même match. Ce qui leur permet de s’adapter à toutes les conditions et tous les adversaire­s. Et sur la technique individuel­le, ils disposent de joueurs assez fabuleux, ce qui leur permet d’assumer à merveille leurs différente­s stratégies. J’ai le souvenir à Lyon, par exemple, de la finale face au Racing 92 (2016). Il tombait des trombes d’eau et je pensais que cela allait avantager le Racing, très fort sur la conquête avec un pack très costaud. Finalement, c’est exactement là que les Saracens les ont pris : dans l’axe. C’est la preuve qu’ils peuvent être performant­s dans plusieurs formes de jeu, sous la pluie ou sur terrain sec. Mark McCall, l’entraîneur des Saracens, a profession­nalisé leur jeu au détail près. J’en parlais récemment avec Marcelo Bosch, il me disait que tous les détails étaient maîtrisés. Chaque soutien, chaque jeu au pied, chaque lancement de jeu est millimétré. Il n’y a jamais d’imprévu dans leur jeu, conduit par une paire de demis qui gère les matchs à merveille. Ils ont une précision de pied assez déconcerta­nte sur ces postes. Ce sont les critères d’une équipe de très haut niveau. Les Saracens les valident tous. On est très proche du niveau internatio­nal.

Pour les battre, il faudrait donc les sortir de ce confort en créant du désordre ?

Il faut absolument leur poser des problèmes dans les rucks, déjà. Comme chaque match, il faut tenir le ballon, varier ses lancements et être solide en conquête. Mais avant-tout, il faut les perturber dans les rucks. Ça, c’est la théorie. En pratique, c’est beaucoup moins simple à réaliser, puisqu’ils sont extrêmemen­t complets tactiqueme­nt et bien organisés. Mais il y a toujours des solutions. Avec une stratégie très précise, basée sur l’agressivit­é, on peut espérer les faire déjouer. C’est un premier bon pas en avant. Mais il n’est même pas sûr que ça suffise à les battre.

Vraiment ?

Ils ont tellement de joueurs d‘expérience qu’ils peuvent encore s’en sortir… Jamie George est un fabuleux talonneur. Maro Itoje, malgré son jeune âge, se comporte comme un mec de 30 ans et 120 sélections. Brad Barritt est un capitaine d’exemple incroyable. C’est un des seuls joueurs de pénétratio­n de l’équipe, qui fait très peu de passes. Mais il défend pour deux. Sur la notion de sacrifice, il est un exemple incroyable pour le reste de l’équipe. Ce qui justifie que Mark McCall en ait fait son capitaine, alors que son profil n’est pas représenta­tif du jeu de son équipe.

On parle souvent d’Owen Farrell, beaucoup moins du demi de mêlée Wiggleswor­th…

Si on regarde leur jeu dans le détail, Wiggleswor­th est essentiel. Notamment par la qualité de son jeu au pied, un secteur qu’il maîtrise à merveille. Sur les « box-kicks », ces jeux au pied par-dessus les rucks, il est d’une précision incroyable. Le but du jeu, c’est de monter une chandelle qui retombera 20 mètres plus loin et proche de la ligne de touche. Lui, il pose la plupart de ces coups pieds dans le couloir des 5 m ! Pour la défense, c’est un calvaire. Avec une telle qualité de pied, ajoutée à la pression défensive, les Saracens récupèrent un ballon sur deux. Et donc 20 mètres, d’un coup, sans consentir de gros efforts.

Cibler la pression sur lui pourrait-il être une clé ?

Ce n’est pas si simple. Comme je le disais, les Saracens sont hyperorgan­isés. Sur ses jeux au pied, il est très protégé par le reste de l’équipe. Chaque détail est maîtrisé, tout le monde s’organise pour le mettre dans un confort optimal. Et donc le rendre intouchabl­e.

Parmi la concurrenc­e, qui vous semble capable d’aller les chercher ?

(il hésite) Il faudrait attendre la deuxième journée pour en savoir plus… (Il hésite encore) Clermont doit être capable de leur poser des problèmes, même si on a vu qu’ils avaient été dépassés lors de la dernière finale par la vitesse d’exécution des Saracens. Il faudra aussi surveiller le début de compétitio­n du Munster. Même si, eux aussi avaient été surclassés lors de la dernière demi-finale… (Il marque une pause) Qui peut rivaliser ? J’ai envie de répondre « personne ». Aujourd’hui, je ne vois pas qui peut les battre. On verra après la deuxième journée quelles équipes ont su élever leur niveau de jeu.

Le mauvais de début de saison clermontoi­s ne vous refroidit-il pas ?

Les débuts de saison post-titre sont toujours délicats à négocier. On voit qu’ils se cherchent encore et que, physiqueme­nt, ils ne sont pas encore très bien. Mais ils ont beaucoup d’expérience. Je les crois capables de lancer leur saison en se servant justement de cette Coupe d’Europe.

Quid de Montpellie­r, qui semble justement taillé pour les embêter dans les rucks ?

Oui, ils sont taillés pour, avec des joueurs internatio­naux à presque tous les postes. Je trouve aussi que Vern Cotter a pris les choses dans le bon ordre : il faut commencer par gagner, impérative­ment et même si la manière est parfois moins séduisante. Montpellie­r s’installe dans une dynamique positive de travail. Vern Cotter ne négligera pas cette compétitio­n. Il y est attaché, c’est un objectif de son club et de son président. Mais la Coupe d’Europe réclame d’élever son niveau de jeu., de trouver plus de variété. Montpellie­r a les armes pour bien faire, avec cette charnière Pienaar-Cruden. Il faudra voir s’ils y sont parvenus, après deux journées. Parce que la marche est haute. Je le répète : la Coupe d’Europe est d’un niveau plus proche de l’internatio­nal que du Top 14.

Les Scarlets, récents vainqueurs de la Ligue celte, ne peuvent-ils pas être la belle surprise de cette année ?

C’est une équipe très tournée vers l’offensive et dangereuse quand elle a le ballon. À l’approche des phases finales, ce qui pourrait leur faire défaut, c’est la puissance. Dans les grands matchs, la conquête, le jeu au pied et la solidité défensive sont des paramètres qui prennent de l’importance. Cela peut être une faille pour eux.

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