Midi Olympique

MCKINLEY SI PRÈS DU BUT

CONOR O’SHEA A DÉVOILÉ SON GROUPE POUR LES TESTS DE NOVEMBRE. Y FIGURE LE DEMI D’OUVERTURE IAN MCKINLEY, ATTEINT DE MONOPHTALM­IE DEPUIS 2011. SA PREMIÈRE SÉLECTION SERAIT UN ÉVÉNEMENT.

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Conor O’Shea a donné le groupe italien pour les tests de novembre. Les vétérans Sergio Parisse et Leonardo Ghiraldini sont toujours là et quelques nouveaux noms sont apparus : Matteo Minozzi, Jayden Hayward, Renato Giammariol­i et Giovanni Licata. Mais le nom le plus commenté parmi les 34 joueurs, c’est évidemment Ian McKinley, ce demi d’ouverture de Trévise, né à Dublin et qui avait dû arrêter sa carrière en 2011. Il avait déjà été pris en mai (au nom des trois ans de résidence) mais il n’avait pas figuré sur les feuilles de match des tests estivaux. Connaîtra-t-il enfin sa première sélection en novembre contre les Fidji, l’Afrique du Sud ou l’Argentine ? Ce serait un événement historique car en 2010, alors qu’il avait 21 ans, un accident de jeu au cours d’un match universita­ire l’avait privé d’une grande partie de la vision au niveau de son oeil gauche. Un an plus tard, après six matchs joués sous le maillot du Leinster et des sélections avec les moins de vingt ans irlandais, il avait dû jeter l’éponge car sa pathologie s’était compliquée, jusqu’à le rendre borgne (on utilise désormais le terme plus clinique de « monophtalm­ie »). Alors qu’il était en train de conduire, il sentit carrément sa rétine se détacher. Le rugby semblait alors impensable pour lui et pourtant…

UNE CROISADE DE SIX ANS

Comme le Briviste Florian Cazenave, il s’est lancé dans une croisade pour reprendre le rugby à haut niveau, à condition de jouer avec des lunettes spéciales. Il s’est battu pendant six ans pour parvenir à ses fins. « Je remercie mon frère, il s’est démené pour trouver un gars dans une école d’ingénieur et le convaincre de mettre au point un équipement spécial. » L’étudiant en question (Johnny Merrigan) a carrément abandonné son projet de fin d’étude pour aider les frères McKinley. Le modèle mis au point est désormais fabriqué industriel­lement par une entreprise italienne, Raleri.

Mais le plus gros obstacle fut d’ordre juridique car les règlements des fédération­s étaient plutôt rétifs à la pratique du rugby avec des lunettes, même quand World Rugby en accepta le principe et commença à faire des essais, en 2014. La même année, Ian décida d’émigrer en Italie aux règlements plus permissifs, d’abord au niveau amateur et semi-pro jusqu’à convaincre les Zebre de lui proposer un contrat profession­nel comme joker durant le Mondial 2 015 et le Tournoi 2016. L’été suivant, il signait en faveur de Trévise. Mais Ian ne pouvait toujours pas jouer sur le sol de son pays natal ni en France d’ailleurs à l’occasion des matchs de Coupe d’Europe. La FFR interdisai­t alors totalement la pratique du jeu pour les gens privés d’un organe (rein ou oeil). Avec l’aide de ses amis et de sa famille, il a bougé ciel et terre pour convaincre les autorités de le laisser exercer son sport. Puis en 2016, les choses se sont débloquées, l’IRFU a enfin bougé pour accepter le protocole de World Rugby. Bernard Laporte fraîchemen­t élu leva l’interdicti­on qui pesait sur le rugby français, c’est ainsi que Florian Cazenave a retrouvé un contrat profession­nel à Brive et que des joueurs moins connus comme Marc Caumont, joueur de Saint-Lary qui a pu jouer après trois ans d’abstinence début 2017. De son côté, Ian McKinley put ainsi jouer des matchs de Coupes d’Europe dans l’Hexagone avec Trevise et sa carrière a pris un nouveau tour.

Il a eu droit à un strapontin l’été dernier mais il espère bien que l’automne 2017 marquera une grande victoire avec la première apparition dans un test-match profession­nel d’un accidenté de la vie.

Ceci dit, le cas s’est déjà produit, il y a fort longtemps au sortir de la guerre de 14. On surnomma une rencontre du Tournoi 1920, « le match des borgnes. » L’un d’eux s’appelait Marcel Lubin-Lebrère, pilier du Stade Toulousain et figure du rugby français avec ses quatorze sélections et ses trois Brennus. Son oeil, il l’avait perdu sous les drapeaux et personne ne s’était avisé de défendre les couleurs nationales crampons aux pieds. Ça ne serait venu à l’idée de personne.

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McKinley espérait jouer pour l’Irlande, il risque de le faire pour l’Italie. Photo Icon Sport

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