Midi Olympique

« Le début des emmerdes… »

À 34 ANS, LE CAPITAINE DU RACING 92 N’EST PAS HOMME À S’ÉCHAPPER. NI SUR UN TERRAIN, NI FACE À UN MICRO. AVEC LUCIDITÉ, IL REVIENT SUR LA CAMPAGNE EUROPÉENNE DÉSASTREUS­E DE L’AN PASSÉ ET FIXE LE CAP POUR CELLE QUI DÉBUTE.

- Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr

L’an passé, après votre titre de champion de France, la Champions Cup était votre objectif prioritair­e. Comment aviez-vous vécu votre échec ?

Mal. Très mal. Un vrai traumatism­e. Tout avait mal débuté avec ce match reporté en raison du décès d’Anthony Fowley, l’entraîneur du Munster. On n’en a pas beaucoup parlé, mais l’épisode avait quand même marqué le groupe. Ça n’arrive pas tous les jours - et heureuseme­nt - ce genre d’événement. Dans la foulée, nous avions perdu à Leicester. Et quand on sait que, dans un format de compétitio­n aussi court, l’entame est capitale, on ne pouvait pas débuter plus mal. Je vous laisse imaginer notre déception sans même évoquer le contexte qui entourait alors le club. Le pire, c’est que nous avons traîné ce boulet tout au long de la saison. Ce début de Champions Cup, ça a été le début des emmerdes.

À l’échelle de votre carrière, comment situez-vous cet échec de la saison dernière en Champions Cup ?

(Il souffle longuement). Franchemen­t, je crois que c’est la saison la plus difficile que j’ai eue à vivre. Bien au-delà de l’échec en Champions Cup, en quelques mois, on a vécu ce qu’un joueur est censé vivre au cours d’une carrière. Et encore… Il y a des matins, je me demandais ce qui allait nous tomber encore sur le coin du nez. Aller jusqu’en demi-finale du Top 14, c’est presque miraculeux. D’autres ne se seraient pas relevés. On a quand même prouvé que ce groupe avait du caractère, même si nous n’avions pas assumé notre statut de vice-champion d’Europe.

Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous en tant que capitaine ?

J’ai longtemps joué blessé avec une hernie cervicale. Aujourd’hui, je peux le dire, je ne me sentais pas bien dans mon corps. Donc, quand il fallait relever les mecs à chaque coup de bâton qu’on prenait, ce n’était pas simple. Mentalemen­t, c’était éprouvant. J’y ai laissé du jus. Je suis sûr que mon hernie s’est aggravée avec tous les emmerdes qu’on a eues.

Jamais vous n’avez eu envie d’envoyer tout balader ?

Des moments de doute, j’en ai eus. Des nuits blanches aussi. Dormir avec une boule au ventre, ce n’est pas simple, je peux témoigner. Mais, en tant que capitaine, je me devais de ne rien montrer. Et puis, il faut relativise­r. Ça ne reste que du sport. J’ai la chance d’avoir une vie de famille très équilibrée, des enfants en bonne santé. L’essentiel est là. Pour moi, c’est ce qui me permet de tenir et de repartir après des moments difficiles.

Le Racing est-il mieux armé pour débuter cette nouvelle campagne européenne ?

C’est mon sentiment. L’échec doit nous servir de leçon, il doit être aujourd’hui un critère de réussite. Pour l’instant, en Top 14, les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances, mais l’enthousias­me et l’envie que l’on démontre vont finir par payer. Nous sommes dans le vrai. À la différence de l’an dernier, je crois que le groupe a pleinement conscience des ingrédient­s nécessaire­s à notre réussite. L’an dernier, on a parfois oublié que le rugby, c’est avant tout du combat. Moi le premier, en tant que capitaine, je n’ai pas toujours été exemplaire.

Votre préparatio­n physique de l’intersaiso­n a été faite pour connaître un pic de forme à l’instant de débuter la compétitio­n européenne ?

Contrairem­ent à l’an passé, on a pu faire une vraie préparatio­n physique durant l’été. L’idée, c’est donc d’arriver sur un pic de forme pour ces deux premiers matchs européens. Dans un format de compétitio­n très court comme la Champions Cup, on doit être prêt dès le premier match. On a payé cher l’an passé pour apprendre qu’un mauvais départ peut foutre une saison en l’air.

À 33 ans, gagner la Coupe d’Europe, est-ce votre dernier objectif ?

C’est un trophée que j’aimerais soulever avant d’arrêter, c’est une certitude. Mais c’est le rêve de tous les joueurs, il n’y a rien de très original dans ma réponse… (Il marque une pause) Vous savez, je crois beaucoup au destin. Cette année, la finale se déroule à Bilbao… (Il

sourit) Pour le Racing, réaliser un doublé en Espagne, ce serait magnifique (Le Racing avait été sacré champion de France à Barcelone, NDLR).

Si ce rêve se réalise, vous terminez votre carrière au Réal Madrid ou à Barcelone ?

Ça, ça ne va pas être possible (rires).

J’ai deux pieds gauches. Mais écrire une nouvelle page de l’histoire du Racing en Espagne, c’est un de mes rêves.

Surtout que votre fin de carrière se rapproche. Annoncer votre retraite avec la Champions Cup sous le bras, ça aurait de la gueule, non ?

Ce serait magnifique ! Mais on n’en est pas encore là. D’abord, il faudra gagner la Champions Cup. Ensuite, on verra…

« L’an dernier, on a parfois oublié que le rugby, c’est avant tout du combat. Moi le premier, en tant que capitaine, je n’ai pas toujours été exemplaire. »

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