À CRIS D’ORFRAIE
PLACÉS DEVANT LEURS RESPONSABILITÉS PAR UN DISCOURS ALARMISTE, LES VICE-CHAMPIONS D’EUROPE ONT FAIT OUBLIER LEUR DÉBUT DE SAISON POUSSIF EN TOP 14 POUR DEVENIR LE PREMIER CLUB FRANÇAIS À TRIOMPHER AU LIBERTY STADIUM. AU BOUT DU SUSPENSE...
C’est l’histoire d’un stade franchement haïssable. Celle de ce Liberty Stadium, antre sans âme bâtie à grands coups de béton dans une friche industrielle de la banlieue de Swansea. Un vaisseau fantôme dont les affluences sonnent irrémédiablement creux pour les rencontres des Ospreys (au contraire de leurs homologues des Swans avec qui ils partagent le terrain, actuels 18e de la prestigieuse Premier League de football). Et pourtant un gazon maudit, où aucun club français ne s’était jamais imposé malgré les venues de valeurs sûres comme Paris, Castres, Bourgoin, Biarritz, Toulon ou le Racing… Car si le Stade toulousain avait bien ramené une victoire (11-29) d’un de ses déplacements chez les Ospreys en 2003 – l’année de l’entrée en CP de Damian Penaud – le match s’était tenu sur le terrain du Gnoll, à Neath… Partant de ce constat, c’était tout bonnement à un pur exploit que se retrouvaient contraints les Auvergnats, pour leur entrée en matière en Coupe d’Europe. D’autant plus périlleux que ces derniers restaient sur trois échecs sur ce même terrain (en 2006, 2009 et 2013), et surtout sur un début de championnat des plus poussifs, avec un zéro pointé en déplacement depuis le début de la saison qui avaient conduit Franck Azéma à hausser le ton dans la semaine. « C’est simple : nous devons élever le curseur dans tous les domaines : agressivité, précision, conquête, discipline… On connaît la destination, ils nous avaient secoués il y a deux ans dans leur stade. Ils sont peut-être en difficulté en ce début de saison en Ligue Celte mais cela ne reflète pas la valeur de cette équipe qui mise traditionnellement tout sur la compétition européenne. » Un avertissement prolongé par le chef de meute Morgan Parra, bien conscient avant la partie que le moindre point aurait son importance, au vu de la densité de la poule. « Si nous repartons de Swansea sans le moindre point, nous sommes morts ! » Des cris d’orfraie (« Osprey » en version originale) qui sonnaient juste avant d’affronter celles de Swansea, et avaient le mérite de placer les Asémistes face à leurs responsabilités…
L’ENTAME ET LA CONQUÊTE ENFIN AU NIVEAU
Le formidable, dans l’histoire ? C’est que l’alarmisme décrété en semaine a servi de parfait électrochoc. Plutôt fébrile sur ses entames depuis le début de la saison, le vice-champion d’Europe a comme par enchantement récité pendant dix minutes son rugby au plus-que-parfait, avec deux essais de toute beauté signés Raka (le 300e de l’histoire européenne de l’ASMCA, après quatre minutes de jeu non-stop depuis le coup d’envoi) et Spedding, à même de leur fournir 14 points d’avance, et surtout un surplus de confiance nécessaire au moment de contenir les velléités galloises. Car même si tout ne fut pas formidable par la suite (à l’image de certaines difficultés constatées pour ressortir de leur camp, et surtout une fin de match irrespirable), les Auvergnats ont au moins su assurer l’essentiel, à savoir maintenir les Gallois à distance au score, en grande partie à la grâce d’une conquête dominatrice. Laquelle, en difficulté en Top 14, s’est retrouvé une santé au meilleur moment. À l’image de plusieurs munitions volées aux Gallois en zone critique, sur mêlée (36e) comme en touche (contre de Lapandry, 45e), et surtout de cette poussée salvatrice à la 78e… Comme quoi, il ne suffisait peut-être que de la pression de l’Europe et de quelques d’orfraie pour retrouver le Clermont qu’on aime, premier club français devant l’histoire à avoir fait chuter les balbuzards de leur nid. Liberty, j’écris ton nom…