AUX SOURCES DU PHÉNOMÈNE
ALIVERETI RAKA - AILIER DE CLERMONT ATTRACTION DE CE DÉBUT DE SAISON, L’AILIER FIDJIEN MULTIPLIE ELS EXPLOITS ET TIENT UNE GRANDE PART DANS LE MAINTIEN À FLOT DE SON ÉQUIPE, EN DÉBUT DE SAISON. RETOUR À LA SOURCE, ENTRE NAITASIRI ET NADROGA AUX FIDJIS, OÙ
Cela remonte à août 2015. Clermont venait de perdre deux finales, relançait sur saison par un match amical sur la pelouse de Toulon et débarquait, comme c’est de tradition dans ces matchs d’été, avec une armada de jeunes joueurs dont le grand public découvrait le nom. Beaucoup, depuis, ont surtout nourri les rangs du Pro D2. Mais à la 59e minute, un éclair traversait le terrain. Alivereti Raka était entré sur la pelouse à la pause, pour sa première en professionnel. Il élimina un premier défenseur sur les appuis. Puis deux, puis trois, avant de traverser le rideau défensif toulonnais sur 40 mètres, dans une accélération qui glaça FelixMayol. L’enceinte toulonnaise, habituellement si incendiaire, s’était soudainement comme figée par la vision de ce gamin d’ébène, encore frêle pour ce rugby d’Hercules mais qui, d’un coup de reins, faisait passer les stars du terrain pour une bande de vétérans. Tout le monde avait alors bien compris qu’il y avait, chez ce Raka dont on ne savait rien si ce n’est qu’il était arrivé des Fidji huit mois plus tôt, assez de talent pour en faire rapidement une attraction du Top 14.
CENTRE DE FORMATION
Alivereti Raka avait débarqué en Auvergne un rien paumé, un soir de novembre 2014. Tout droit venu de la province de Naitasiri, à l’est de l’île, et non pas de Nadroga comme la plupart des Fidjiens ayant rejoint le centre de formation de Clermont. « Alivereti n’était initialement pas dans nos écrans radars » se souvient Franck Boivert, homme de base de l’académie de Nadroga et contact privilégié des clubs français sur place. Il est originaire de Naitasiri, qui n’est
pas dans la province de Naroga et n’entre donc pas dans notre territoire de travail. Mais c’est un jeune homme qui voulait absolument réussir dans le rugby. La réputation de l’académie de Nadroga est excellente sur l’île. Il s’était donc déplacé pour venir passer les tests de sélection, chez nous. » Qu’il avait franchi sans encombre. Raka
était alors un trois-quart centre. « Sur quelques mètres, il avait une accélération déjà phénoménale. Je trouvais que ces qualités collaient plus à celles d’un centre, capable de faire des différences dans de petits périmètres. Dès qu’une porte s’ouvrait, même une petite, psstt… Il filait ! Cela m’attriste un peu que, dès qu’un Fidjien débarque en Europe, on le cantonne à jouer à l’aile. Comme Nakaitaci, qui jouait ouvreur chez nous. C’est dommage. » Ses aptitudes, au centre ou à l’aile, ont tout de même tapé dans l’oeil de Freddy Maso, émissaire de l’ASMCA qui effectue le contact entre le club auvergnat et l’académie de Nadroga. « Freddy m’a demandé de le suivre, de garder un oeil sur son évolution », poursuit Franck Boivert. Maso se renseigna également sur le caractère du jeune homme. « C’est un garçon stable, qui ne connaît pas tous ces problèmes comportementaux qu’on trouve chez d’autres jeunes de notre académie. Alivereti a une vie saine et équilibrée. Par contre, il est très timide, presque introverti. Même avec moi qui le connais très bien. C’est moi qui l’ai suivi, qui l’ai aidé dans toutes ses démarches administratives avant son départ en France. » Franck Boivert était il y a quelques semaines à Clermont, en visite au club auvergnat avec lequel son académie de Nadroga collabore. Il en a profité pour retrouver son protégé. Le temps de vérifier que Raka n’avait pas changé. « Ensemble, nous avons pris la route pour Roanne, à une grosse heure de Clermont, pour rendre visite à d’autres Fidjiens qui jouent là-bas, en Fédérale. En une heure de trajet, il a dû dire trois mots ! Sur le trajet du retour, deux mots. (il rigole)
C’est comme ça, c’est lui. Ce n’est pas du mal-être ou de la difficulté d’adaptation. C’est juste son caractère, il était pareil au pays. Mais ça m’a fait plaisir de le revoir. Même s’il n’en parle pas beaucoup, je l’ai trouvé heureux, épanoui dans sa nouvelle vie française. »
AZÉMA : « SA PREMIÈRE ACCÉLÉRATION FUT UN COUP DE FUSIL »
Cet épanouissement n’a pas toujours sauté aux yeux. Si de l’avis de ses coéquipiers, Raka s’est aujourd’hui « un peu ouvert, il parle
un peu plus et fait quelques blagues » selon Benjamin Kayser. Ses
premiers pas en France furent évidemment approximatifs. « Xavier Sadourny m’avait déjà alerté sur ce jeune. Et en février 2015, pendant une semaine de doublon avec le Tournoi des VI nations, nous l’avons fait monter pour la première fois pour un entraînement avec le groupe professionnel » se souvient Franck Azéma. « Il neigeait et nous avions délocalisé notre entraînement, pour profiter d’une pelouse synthétique. Comme tous les Fidjiens, il a d’abord été surpris par le climat. Ensuite, il ne parlait pas beaucoup. Voir pas du tout. Mais sa première accélération fut un coup de fusil au milieu de l’entraînement. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour comprendre : sur le premier mètre, ce gamin développait une puissance phénoménale ! ». Restait à construire dessus. Parfois perdu dans les systèmes de jeu, à ses débuts, et coupable sur ses placements défensifs dans le fond du terrain, Raka a aujourd’hui gagné en propreté. Si bien que les bons côtés de Raka peuvent désormais pleinement s’exprimer. Et le jeune Fidjien entre désormais en plein dans la caste des joueurs décisifs, aux côtés de ses compatriotes Tuisova, Waisea ou Nadolo, à propos duquel Bismarck Du Plessis confiait récemment : « Le rugby n’est jamais le sport d’un seul homme. Mais un seul homme, parfois, peut faire des miracles ». Alivereti Raka, depuis le début de la saison, rendre en plein dans ces critères.