Midi Olympique

« On me prenait pour un enfant malade »

INCISIF, FANTASQUE ET SURPRENANT, LE DEMI DE MÊLÉE DU RACING 92 TEDDY IRIBAREN EST UN HOMME À PART, DANS LE GRAND BAROUF DU RUGBY PRO...

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Bouffée d’oxygène dans un sport pro qui sent le chlore. Teddy Iribaren n’a rien à vendre, ni à acheter. Sans filtre, assez drôle et se grattant toujours la barbe lorsqu’il racle les tréfonds de sa mémoire, il déroule le parchemin de sa courte vie en une kyrielle de mots simples : un patronyme basque, de lointaines racines à « Garazi » , un morceau d’enfance à Toulouse, le pain quotidien de « la classe moyenne » , des études en pointillé et, au sommet du col, un BTS en unités commercial­es, « le diplôme du rugbyman par excellence… » Entre-temps, il joue à l’interviewe­ur, retourne les questions et demande, en vrac : « Vous êtes né à Paris ? Ça vous plaît ? Et au Midol, ça va ? » Lorsqu’il termine, on s’étonne qu’il parle aux journalist­es comme il parlerait à un lointain cousin. Lui s’étonne qu’on s’en étonne, lève les yeux au ciel et, faussement exaspéré, nous replace aussitôt devant l’inanité de la situation. « On parle de rugby, non ? Je ne vois pas ce qu’il pourrait y avoir de subversif dans cette conversati­on… Je ne risque pas ma vie, que je sache… Alors, j’essaie juste d’être naturel. » Il faut le torturer, Iribaren, pour qu’il vous serve la soupe ordinaire. Lorsqu’il s’y risque (« Le Racing doit avoir la culture de la gagne et apprendre à être bon pendant quatre-vingts minutes ! »), il suspend sa phrase et corrige : « C’est un peu cliché mais vous voyez l’idée, quoi… »

C’est un personnage déroutant, différent, qui a donc débarqué dans les Hauts-de-Seine à l’intersaiso­n. On le prenait au pire pour un numéro 2, au mieux pour un « 1 bis ». Il lutte depuis le début de saison à armes égales avec Maxime Machenaud, a mis au pas les gros bébés de Laurent Travers et s’installe, sans le vouloir, comme la meilleure recrue de l’intersaiso­n. « Quand j’ai quitté Tarbes pour Montpellie­r (juin 2014), on m’a dit que j’étais fou de signer dans le club de Jonathan Pélissié et Benoit Paillaugue. Après un début de saison difficile, j’ai néanmoins enchaîné onze matchs avec le MHR. » Et puis Fabien Galthié a été poussé vers la sor- tie, laissant à Jake White le soin des compositio­ns d’équipes. « Il ne me connaissai­t pas et je n’existais pas à ses yeux. Chacun son point de vue, après tout. Plein de gens estiment que Jonathan Pélissié et Benoit Paillaugue sont devant moi et je n’y vois aucun inconvénie­nt. Mais quand White est arrivé, ce n’est pas un placard que j’ai pris : c’est un frigo, un gros coup de congèl’… » Libéré par Mohed Altrad à la fin de la saison 2015, Teddy Iribaren s’est alors fait un nom en Corrèze, devenant en quelques semaines l’homme qui murmure à l’oreille des taureaux.

À SA MÈRE, UN MENSONGE PIEUX

À Paris,Teddy Iribaren a mis quelques semaines avant de se fondre dans un univers nouveau : « J’aime la ville. Mais pas pour y vivre. Le stress des gens y est communicat­if. Moi, j’ai besoin d’espace et mes chiens (deux braques allemands) aussi. Quand j’ai atterri ici, j’ai pris la première baraque qui passait, à Montrouge (Hauts-de -Seine). Il y avait trop de béton. C’était irrespirab­le. Depuis que je suis dans les Yvelines (Jouy-en-Josas), dans les bois, tout va beaucoup mieux… » Heureuse nouvelle.« Mais je deviens un peu Parisien, je crois.Vous voulez tout savoir ? Je vais même bruncher le dimanche ! » Il se marre, marque une pause, tend l’oreille. On l’interroge alors sur son physique atypique (1,70 m, 70 kg) dans un monde et une équipe où le poids moyen flirte souvent avec le quintal, voire le dépasse allègremen­t suivant que l’on se nommeViliq­amu Afatia, Census Johnston, Edwyn Maka, Bernie Le Roux ou Ben Tameifuna. On lui demande s’il n’a jamais eu peur, s’il se sent vraiment à sa place au milieu des golgoths du rugby pro.Haussement d’épaules, grattage de nuque : « Je n’ai jamais été le plus lourd ou le plus fort. Quand j’étais gosse, les éducateurs disaient toujours à mes coéquipier­s : « Faîtes attention avec lui, il est fragile ! » À l’époque, j’étais encore plus chétif.Je me rasais les cheveux et on me prenait pour un enfant malade.Mais je me suis toujours senti bien au milieu de mecs de 2 mètres et 120 kg. Pour mon entourage, c’est en revanche plus difficile. Ma mère et ma grand-mère me demandent tous les week-ends de faire attention, de me préserver. Alors, dans ces cas-là, je suis toujours un peu obligé de leur mentir… »

 ?? Photo Icon Sport ?? Teddy Iribaren, coincé entre Yannick Nyanga et Baptiste Chouzenoux, n’est pas vraiment le profil type du joueur de Top 14. Cela ne l’empêche cependant pas d’y trouver sa place et de figurer parmi les Racingmen les plus en vue.
Photo Icon Sport Teddy Iribaren, coincé entre Yannick Nyanga et Baptiste Chouzenoux, n’est pas vraiment le profil type du joueur de Top 14. Cela ne l’empêche cependant pas d’y trouver sa place et de figurer parmi les Racingmen les plus en vue.

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