QUAND ILS ARRIVENT EN VILLE...
DIMANCHE SOIR, LES DOUBLE CHAMPIONS DU MONDE NÉO-ZÉLANDAIS POSERONT LEURS VALISES À PARIS. AUX ABRIS ?
Peur sur la ville, les All Blacks débarquent. Doubles champions du monde en titre,lesTout Noir viennent de passer cinquante points (57, pour être tout à fait exact) à une équipe (l’Afrique du Sud) en ayant collé 109 au XV de France en trois matchs.Et bien que déjà battus deux fois cette saison (par les Lions britanniques et les Wallabies), les coéquipiers de Kieran Read accostent en Europe lestés du scalp des meilleures nations de la planète, assis sur un système de jeu plus léché qu’aucun autre et portés par les plus aguichantes individualités du circuit mondial. De fait, on ne saurait appréhender un match face à la Nouvelle-Zélande comme un autre. En filigrane, persiste toujours ce regain de peur,cette sainte frousse d’en « prendre quarante » devant sept millions de téléspectateurs, les amis, la famille, le tonton, le papy et même la belle-soeur, qui ne daigne regarder du rugby que lorsque ces colosses rustiques et vêtus de noir déroulent avant match leur très exotique cri de guerre…
Alors, la bleusaille de Guy Novès est bien évidemment hantée par les angoisses qui constipaient jadis leurs prédécesseurs, au moment d’affronter les Men In Black. Elle ne l’avouera pourtant pas.Antoine Guillamon, le droitier de Montpellier, explique : « En ce qui me concerne, il y a plutôt de l’excitation. Et puis, si vous trouvez un mec n’ayant pas envie de jouer les All Blacks, amenez le moi tout de suite ! » On en trouverait à vrai dire plusieurs milliards, cher Antoine, des « mecs » qui se passeraient bien d’être décapités par Sonny Bill Williams, ridiculisés par un gri-gri de Beauden Barrett ou assommés par Jerome Kaino. « Peut-être… Mais si tu te prépares pour en prendre quarante, c’est que tu t’es trompé quelque part… » Depuis leur forteresse de Marcoussis, les Bleus jurent donc aujourd’hui que les All Blacks, sont mortels, prenables et ont des points faibles. Lesquels ? « On a une petite idée là-dessus, poursuit Guillamon. Mais ce n’est ni le lieu ni le moment d’en parler… »
DUCUING : « ILS FONT RÊVER AUTANT QU’ILS FONT PEUR »
Unique, légendaire et plagiée sans jamais n’avoir été égalée, la Nouvelle-Zélande concentre encore les plus grands mythes de l’histoire du rugby contemporain. Nans Ducuing, l’arrière de l’Union Bordeaux-Bègles, analyse : « C’est la perfection, ni plus ni moins. Toutes les équipes du monde se sont inspirées au moins une fois des All Blacks. Quand ils déroulent, ils font des dégâts. Je crois qu’ils font rêver autant qu’ils font peur… »
Cet automne, les Tricolores affronteront deux fois lesAll Blacks. Deux raisons de « rêver ».Deux raisons d’avoir « peur ».Ce n’est pas tout. « Nous sommes tous animés d’une envie, poursuit Ducuing. L’envie d’une vie. L’envie de créer l’exploit. Les All Blacks sont humains, après tout. Ils ont aussi le droit d’être fatigués et de faire des fautes. » Pour Geoffrey Doumayrou, auteur d’un début de saison ébouriffant à La Rochelle, le risque serait d’ailleurs de se soumettre à la peur, de se recroqueviller sur un jeu minimaliste, soit une conquête qui concasse et une défense qui étouffe. « Si nous ne proposons que des ballons portés et des chandelles, explique l’ancien parisien, ce sera la catastrophe. L’équipe de France doit rester fidèle au jeu pratiqué depuis deux ans. Il faut les défier, ces All Blacks. Nous avons aussi le droit de les regarder dans les yeux. » Passés par toutes les émotions après une tournée d’été désastreuse et marquée par trois lourdes défaites en Afrique du Sud, lesTricolores ont remonté les manches, bombé le torse et gainé la ceinture abdominale. Parce qu’une nouvelle fessée serait du plus mauvais effet, n’est-ce pas ? « Nous avons pris trois valses en Afrique du Sud, conclut Ducuing. Nous sommes tous aujourd’hui habités d’un esprit de revanche. Nous voulons prouver que face à une nation supérieure aux Springboks, l’équipe de France peut réaliser de belles choses. » Quelle chouette idée…