LA FORCE TRANQUILLE
BRILLANT A BIEN DES ÉGARDS INDIVIDUELS, MALGRÉ DES AVANTS QUI NE L’ONT PAS TOUJOURS AIDÉ, LE DEMI DE MÊLÉE TOULOUSAIN RESTE EN CROISSANCE RUGBYSTIQUE. L’ENTHOUSIASME EST LÀ. LE TALENT AUSSI, ÉVIDENT. LE TEMPS DOIT FAIRE LE RESTE.
Antoine Dupont n’a pas toujours été aidé, samedi. Il ne l’a même franchement pas été en première période où, pour sa première titularisation, il a dû composer avec un paquet d’avants massacré, amorphe et franchement indigne des standards internationaux. Ce que Guy Novès ne niait pas, samedi soir, en conférence de presse où il semblait rejouer sa colère de la mi-temps, dans les vestiaires. « Que mes joueurs aient réagi en partant de si loin et en étant si mauvais, c’était le Smic », pestait-il notamment. On visait là l’agressivité, la dignité au combat et dans ce registre, Dupont n’a pas toujours eu la tâche facilitée par ses collègues. Mais le Toulousain a pour lui un facteur X, assez exceptionnel et qui lui permet de se sortir des situations les plus mal embarquées : dans les duels, dans le un contre un, il est franchement phénoménal. « Avec pas grand-chose, il est capable de faire des miracles. C’est encore plus visible en Top 14, où les défenses sont un peu moins denses. Mais on attendait ça de lui et il a su le reproduire au plus haut niveau », disait de lui Guy Novès, dimanche. Avant d’en rajouter une couche : « Si tout le monde avait évolué au niveau d’Antoine, le scénario du match aurait certainement été différent… Il n’a besoin que de miettes ». Comme lorsqu’il se faisait la valise, en début de deuxième période après une hésitation, et qu’il déposait trois All Blacks sur son passage. Sa spéciale. « Je n’ai pas de passé international, les autres équipes ne me connaissent pas trop. Il n’y a pas encore de vidéos qui circulent sur moi. Je peux encore les surprendre », en souriait-il, après match, entre deux complaintes sur la défaite. Sa vraie force est pourtant là : la récurrence de ses étincelles individuelles, alors que tout le monde connaît désormais son pouvoir de nuisance autour des rucks. « Tout le monde le connaît désormais et pourtant, il parvient encore à se jouer des défenses », pestait Franck Azéma, il y a quelques mois, un soir de match où Dupont le Castrais avait fait d’immenses misères à ses Clermontois. Ses initiatives, samedi face aux All Blacks, ont souvent été payantes. En deuxième période notamment. Jusqu’à propulser Dupont en qualité d’homme du match, un soir où son équipe a pris 20 points. L’élan d’enthousiasme surprenait jusqu’au joueur. « D’autant plus que ce fut loin d’être parfait », reconnaissait d’ailleurs le Toulousain. « Je me fais prendre sur un côté fermé, on perd le ballon et ça nous coûte cher. Je me fais aussi contrer un jeu au pied ». Un tableau auquel on aurait pu ajouter quelques choix douteux, en seconde période, quand les Bleus avaient remis la main sur le ballon et que Dupont, si brillant par ailleurs, oubliait de lever la tête pour choisir le bon côté.
PROFIL À PART
Depuis plusieurs semaines, Dupont était désiré par Guy Novès, qui maintenait son souhait de le titulariser malgré la blessure de Lopez. Par répercussion, la tâche des tirs au but incomberait nécessairement à l’ouvreur. « Si vous me demandez s’il y aura une politique de l’homme en forme et, pour dire les choses plus clairement, si Antoine Dupont a des chances de débuter, je vous réponds par l’affirmative », assumait le sélectionneur, il y a deux semaines, malgré cette problématique des tirs au but. « Son début de saison à Toulouse est exceptionnel ».
Surtout, Dupont présente un profil qui n’existe plus vraiment dans le rugby de 2017. Et qui a de quoi surprendre.
Grande tendance de la fin des années 2000, le demi de mêlée
« neuvième avant », capable de battre un seconde ligne sur un raffût et d’attaquer au ras, là où la menace physique est la plus grande, a disparu depuis plusieurs saisons. À l’international, c’est aujourd’hui Conor Murray qui officie en Irlande, dans un registre d’occupation. Idem pour
Ben Youngs en Angleterre.
Ailleurs, c’est le dynamisme qui prévaut avec Rhys Webb au pays de Galles, Aaron Smith en
Nouvelle-Zélande ou Will Genia en Australie. Dupont, lui, n’est pas sans rappeler un certain
Byron Kelleher : puissant, dur en défense et capable de renverser un troisième ligne. Des attributs qu’il a donc confirmés, samedi. Reste à progresser sur le tri des ballons. « Il y a une question de maturité qui rentre en compte », tempère Novès, visiblement bien décidé à lui donner le temps nécessaire à son avènement. « Il y a du travail à accomplir, bien sûr, et Antoine a besoin de progresser dans la gestion collective pour compléter son jeu. Mais la matière est là pour devenir, à terme, un joueur plus qu’intéressant ». Lequel devrait enchaîner, samedi prochain, une deuxième titularisation consécutive face au Springboks.
« Avec pas grand-chose, il est capable de faire des miracles. [...] On attendait ça de lui et il a su le reproduire au plus haut niveau » Guy NOVÈS
Sélectionneur du XV de France « Tout le monde le connaît à présent et pourtant, il parvient encore à se jouer des défenses. » Franck AZÉMA Entraîneur de Clermont