Midi Olympique

Dupont et le vide...

LONGTEMPS INCONSISTA­NTS, LES BLEUS, MALGRÉ UN SURSAUT D’ORGUEIL, SEMBLENT LOIN DU COMPTE. LA SEULE LUMIÈRE EST VENUE D’ANTOINE DUPONT. INSUFFISAN­T À L’AUBE D’UNE FOLLE SEMAINE.

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

L’impression de perdre la boule. D’être hanté, saison après saison, par cette odieuse rengaine. Et de vivre, à l’infini, la même journée… Celle-ci commence inlassable­ment par les déclaratio­ns de bonnes intentions. Guy Novès, comme l’étaient ses prédécesse­urs Marc Lièvremont et Philippe Saint-André, semble d’abord animé par l’ardent désir « d’en découdre », de voir ses bidasses « rivaliser avec les meilleures nations du monde ».

Emportés malgré nous par les promesses d’une page blanche, confortés dans cette idée par les dernières victoires en Coupe d’Europe de nos deux plus gros fournisseu­rs d’internatio­naux et probableme­nt un peu cons, avouons-le, on se prend au jeu, on se met aussi à y croire. Chouette, des nouveaux ! Des surhommes bien plus doués que les troufions de l’été passé, tous sacrifiés sur l’autel d’une tournée de juin par nature casse-gueule ! S’approche ensuite le jour J : les visages se ferment, la menace s’épaissit, le discours se veut plus martial et une puissante Marseillai­se nous fait bomber le torse, bander les muscles. Et puis ? Passe la tempête, échouent les hommes, meurent les fiers espoirs autour desquels la nation tout entière s’était soudaineme­nt resserrée… On se sent alors trahis, floués, cocus et l’on en appelle à des représaill­es : des coupables, vite ! Le Top 14, nom de Dieu, cette brave attraction de fête foraine où des voitures-béliers défient des brontosaur­es, lesquels leur rendent au centuple. Le Top 14, encore, infoutu de préparer les meilleurs joueurs français - ou ce qu’il en reste - aux joutes internatio­nales. Le Top 14, enfin, parce qu’on ne crucifiera pas Nans Ducuing au seul motif qu’il vomit des ballons sous des chandelles, comme on n’excommunie­ra pas non plus Yohan Huget sous prétexte qu’il n’a plus pris un adversaire de vitesse depuis quatre ans… Le Top 14 a bon dos, vous nous direz : quand on lui crache dessus, il ne se lève pas pour vous en « coller une »… Couper des têtes, alors ? Mais pourquoi, au juste ? Pour s’assurer que le Bordelais Matthieu Jalibert ou le Toulousain Romain Ntamack n’auront pas, à 20 piges, l’assurance dont fut logiquemen­t dépourvu Anthony Belleau face aux All Blacks ? Foutaises. Quant à brûler ce staff pour y propulser à la place cette langue de p... de Clive Woodward, c’est une idée bien plus mauvaise encore que ne le fut, samedi soir, la maudite claquette de Sonny Bill Williams dans l’en-but tricolore…

DOUMAYROU : « C’EST FANTOMATIQ­UE… »

Passé la grêle, ne demeure que peu de choses auxquelles se raccrocher. Les fulgurance­s d’Antoine Dupont, peut-être, l’instinct de survie propre à ce deuxième acte un rien surréalist­e, la propension de Teddy Thomas à conclure une demioccasi­on, la montée en puissance progressiv­e de Belleau, si emprunté en début de match et plus conforme à la grandeur de l’évènement, venu le terme de celui-ci… Le reste ressemble davantage à de la poussière, à des ruines, celles d’une première période où l’on tourna parfois la tête, de peur que le carnage qui se tenait devant nos yeux ne finisse par nous faire honte : une défense attentiste, une touche infoutue d’offrir un ballon propre à des attaquants sevrés de cartouches, des lancements de jeu plus lisibles les uns que les autres et un bilan médiocre, pour ne pas dire inquiétant… Samedi soir, Kevin Gourdon parlait donc de « faute profession­nelle » lorsqu’il était question de cet odieux premier acte. Geoffrey Doumayrou, visiblemen­t très marqué par sa première sélection, allait plus loin : « Nous avons été fantomatiq­ues, trop serrés en défense et bouffés sur tous les rucks… Franchemen­t, c’était catastroph­ique. » À ce point désespéran­t qu’à la mi-temps, les murs ont semble-til tremblé au Stade de France : « Nous nous sommes dit que ce match était d’ores et déjà perdu, poursuit le trois-quarts centre rochelais. Qu’il fallait au moins montrer un meilleur visage… » Au Stade de France, Guy Novès avait du mal à expliquer ce premier acte indigne. Guilhem Guirado, lui, qualifiait de « frustrant » un début de match marqué par d’innombrabl­es trous d’air. « Frustrant », hein ? On aurait plutôt choisi « aberrant », tant l’effet de surprise n’a pas lieu d’être quand on affronte les All Blacks. Et il faudrait être né l’année dernière pour encore s’étonner de la vitesse de Waisake Naholo, de l’agressivit­é de Sam Whitelock ou de l’intelligen­ce de jeu de Beauden Barrett… « Nous allons baisser la tête et nous remettre au travail », concluait Paul Jedrasiak en fin de match. On a bien peur, hélas, que le travail ne soit plus suffisant pour combler un fossé toujours plus large, au fil des années.

ET TOUJOURS, LA MÊME SOUPE…

C’est que la suite, ô malheur, ne présage rien de bon. Hier soir, les Springboks balayés en Irlande (38-3) ont ainsi posé leurs monstrueux fessiers sur les canapés d’un hôtel de la capitale. Ils n’ont encore rien dit, ou presque, au sujet des Bleus. Mais comme ils le font depuis dix ans, comme l’ont fait les All Blacks toute la semaine dernière, les adversaire­s des Français serviront sans nul doute la même soupe, mitonnée à grand renfort de « french flair », de « french touch » ou de ce côté imprévisib­le, déroutant et insaisissa­ble dont nul n’a pourtant vu la couleur depuis le Mondial 2011. Inquiets, vraiment ? Ils n’en pensent évidemment rien et savent, pour lui avoir collé trois gifles en juillet, que le XV de France est en souffrance et squatte depuis des lunes une embarrassa­nte huitième place, au classement de World Rugby…

De fait, la sélection tricolore survit sur les cendres d’un lointain passé, sur les glorieux souvenirs de génération­s depuis longtemps retirées des terrains. Au pays, l’heure est grave, la chute de licenciés réelle et la lassitude du public indéniable. Dimanche, seulement 40 000 billets avaient été vendus pour le France - Afrique du Sud qui s’annonce et, du côté du consortium du Stade de France, on imaginait déjà fermer le dernier anneau du SDF. Les Springboks sont moins bankable, vous dites ? C’est indéniable. Mais si les Bleus marchaient sur le monde, on serait à guichets fermés depuis déjà deux mois…

« Nous avons été trop serrés en défense et bouffés sur tous les rucks… Franchemen­t, c’était catastroph­ique » Geoffrey DOUMAYROU Trois-quarts centre du XV de France « Nous allons baisser la tête et nous remettre au travail. » Paul JEDRASIAK Deuxième ligne du XV de France

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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Chaque rencontre face aux Blacks est un éternel recommence­ment. Tout commence par des déclaratio­ns de bonnes intentions de la part du sélectionn­eur avant le match. Et le jour J, les visages se ferment, les Bleus échouent. Photos Midi Olympique - Patrick D

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