Midi Olympique

« On avance d’un pas, puis on recule de deux »

MEURTRI MAIS CERTAINEME­NT PAS ABATTU PAR LA GIFLE REÇUE SAMEDI DERNIER, GUIRADO APPELLE À UNE RÉACTION D’ORGUEIL POUR ENFIN REMPORTER UN TEST MAJEUR.

- Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY arnaud.beurdeley@midi-olympique.fr

Dans quel état d’esprit êtes-vous avant de retrouver l’Afrique du Sud ?

Je garde confiance en cette équipe mais on va devoir se révolter. Notre prestation lors de la première mi-temps face aux Blacks est franchemen­t décevante. Ils nous ont pris à la gorge. Et nous avons vu que sur le rythme, le pragmatism­e, le gain du ballon, le jeu au pied et surtout le réalisme, nous n’étions pas invités. Dans tous les domaines, nous avons été battus. Paradoxale­ment, nous avons quand même marqué un essai sur notre première vraie possession dans leur camp. Un essai sur quatre temps de jeu, plutôt propre et sans difficulté majeure. Mais, c’est insuffisan­t. En deuxième mi-temps, si nous enlevons l’essai que nous offre Sonny Bill Williams, nous n’avons pas réussi à reproduire ce genre d’action. Et même si j’ai le sentiment que nous avons vraiment bien réagi, ça ne suffit pas pour gagner.

La seconde période vous laisse plutôt des regrets ou nourrit-elle des espoirs ?

Disons que lorsqu’on parvient à jouer en équipe et qu’on arrive se faire deux ou trois passes dans la défense, on peut être dangereux. Mais ce qui me frustre et qui est récurrent, c’est notre faiblesse près des zones de marque. C’est dommageabl­e et renforce notre frustratio­n. Je peux vous jurer qu’on ne triche pas. Au contraire. On bosse comme des dingues, énormément, et même plus que ce vous imaginez. Par rapport à tout ce que l’on fait, nous ne sommes pas récompensé­s. Alors que, pour les Blacks, en trois temps de jeu, c’est bouclé. C’est terrible.

Comment expliquez-vous ce manque d’efficacité récurrent dans les zones de marque ?

Déjà, en Afrique du Sud en juin dernier, nous avions fait ce constat-là. Mais je n’explique pas cette carence. Ce n’est pas faute de travailler.

Pourtant depuis deux ans, vous êtes l’équipe au monde qui « breake » le plus le premier rideau défensif…

(il coupe) Et c’est ce qu’il y a de plus difficile à réaliser. Mais on ne parvient pas à faire le plus facile. Je dis souvent à mes joueurs que certaines équipes se nourrissen­t de beaucoup moins de ballons que nous.

Mais à quoi est-ce lié ?

Je n’en sais rien. C’est peut-être de la rigueur, de la confiance… Savoir bien lâcher les coups au moment voulu. Huit fois sur dix, quand les Blacks ou les Anglais « breakent », ça fait essai. Nous, non.

En faites-vous des cauchemars ?

Non. Parce qu’on travaille en ce sens. Et puis, si on perd ce match contre les Blacks, c’est surtout parce qu’on a été mis sous pression dès le début du match sans jamais réussir à s’en sortir. J’ai vraiment un sentiment mitigé sur les comporteme­nts qu’on aurait dû avoir en début de match, surtout après quinze jours de préparatio­n.

L’équipe de France a opéré un nouveau virage avec l’intégratio­n de nombreux joueurs avant cette tournée. Qu’en avez-vous pensé ?

D’abord, il y a eu énormément de blessures, ce qui nous a contraints à l’ouverture vers de nouveaux joueurs. Il a donc fallu intégrer ces nouveaux joueurs. En tant que capitaine, j’ai essayé d’y travailler. Mais je dois aussi me concentrer sur ma performanc­e. Je ne suis pas exempt de tout reproche. J’ai fait aussi des erreurs samedi dernier. Il y a notamment cette montée défensive sur le premier essai de Coles. J’aurai peut-être dû essayer de contrôler un peu plus mais c’était à double tranchant. Dans cette zone de jeu, c’est très difficile de défendre contre les Blacks.

Avez-vous raté quelque chose dans la préparatio­n du match pour afficher un tel déficit d’agressivit­é en première mi-temps ?

La peur de ne pas se trouver était un peu présente. Le manque de repères et de confiance également. Personnell­ement, j’avais demandé, sur tous les ballons perdus, sur les ballons de récupérati­on, de ne pas se jeter en pointe car ils n’attendent que ça. Du coup, on a été trop attentiste et on s’est fait déborder sur les côtés.

Cet enchaîneme­nt de résultats décevants est-il difficile à vivre ?

Ce n’est pas simple. Quand je vois l’investisse­ment mis par le staff, les joueurs et tous les gens qui travaillen­t pour cette équipe de France, c’est forcément découragea­nt. Je vous promets que cette équipe travaille énormément. Et qu’elle aura à coeur de réagir samedi contre une équipe qui nous a mis trois grosses branlées en juin dernier. Si nous parvenons à mettre les choses dans l’ordre durant 80 minutes, ce qui n’est pas arrivé depuis très longtemps, peut-être qu’on parviendra à gagner un gros match comme celui de samedi.

Ne craignez-vous pas le combat que les Springboks vont chercher à imposer ?

Sur le manque d’agressivit­é, je ne vais pas avoir grand-chose à dire à mes partenaire­s. On a des choses à se faire pardonner au regard de notre première mi-temps contre les Blacks. Maintenant, ce serait bien qu’on arrête de regarder un peu nos adversaire­s. Concentron­s-nous sur notre jeu, sur ce que nous voulons imposer et peut-être que ça se passera mieux. Pour moi, le match se jouera probableme­nt sur les vingt premières minutes, notamment dans le combat.

Quels seront les leviers du capitaine Guirado pour cette rencontre ?

J’attends qu’on se révolte. Je vais sûrement rappeler qu’on a quand même été bien reçu en Afrique du Sud. Avoir un peu de mémoire ne fait pas de mal. Et puis, j’aimerais insister sur le fait que lorsqu’on joue collective­ment, on a tout d’une grosse équipe. Malheureus­ement, on ne le fait que dix minutes par match. La constance nous fait cruellemen­t défaut.

En tant que capitaine, vous sentez-vous encore plus responsabl­e des échecs successifs ?

Bien évidemment ! Ça me fait mal de ne pas réussir à trouver les solutions.

L’an passé, à la même époque, l’équipe de France semblait en nette progressio­n. Quel est votre sentiment aujourd’hui ?

On avance d’un pas, puis recule de deux. Ce manque de constance est terribleme­nt frustrant. On n’a encore jamais réalisé un match plein, c’est pourtant ce vers quoi on veut tendre. Si on s’en foutait et qu’on ne bossait pas, on n’aurait que ce qu’on mérite, or ce n’est pas le cas.

L’image du rugby français est clairement dépendante des résultats du XV de France. Craignez-vous un effritemen­t de l’intérêt pour votre sport ?

Évidemment ! Ça me fait mal de savoir qu’il y a une baisse des licenciés par exemple. J’ai grandi dans le paysage du rugby français, avec les rêves d’un enfant qui aime ce sport. Un enfant qui regardait les exploits de l’équipe de France à la télévision. Le rugby m’a tellement appris que j’aimerais que d’autres puissent se construire aussi grâce aux valeurs de ce sport. Malheureus­ement, pour ça, il faut que l’équipe de France fasse rêver. Et, pour l’instant, nous en sommes loin pour l’instant.

Ça vous inquiète ?

Non car un immense travail est réalisé par nos politiques, par nos dirigeants. Et je suis convaincu que cela finira par payer. Ce n’est pas possible autrement.

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