POURQUOI PAS UNE AOC ?
LES BASQUES SE POSITIONNENT CLAIREMENT HORS DES SENTIERS BATTUS ET CELA MÉRITE LE COUP D’OEIL.
Faut-il accréditer la thèse largement répandue selon laquelle il n’y aurait pas de clubs de rugby amateurs performants sans une économie locale forte ? À chacun sa religion. Il n’empêche que les partisans de la théorie opposée ne manquent pas d’exemples à apporter à leur argumentaire. Et parmi ceux-ci, le cas de l’US Nafarroa est édifiant. Le club basque cumule les particularités dont il fait une force. Structurellement, il est l’union, en 2003, de Garazi et Baïgory. Deux vallées réunifiées, une équipe, deux terrains, deux clubs house, deux mois d’entraînement en alternance à Saint-Jean Pied-de-Port et Saint-Etiennede-Baïgory. Pareil pour les matchs. Et ça fonctionne. Budgétairement, l’USN affiche 280 000 € pour assurer la participation de deux équipes seniors, une Bélascain, une Balandrade, deux équipes cadets et son école de rugby dont découle un autre saisissant particularisme. Lors des deux derniers matchs de l’équipe première, 100 % des joueurs composant les feuilles de match étaient issus de l’école de rugby nafartar. Plus précisément, 97 % de l’effectif seniors sont « nés à la maison et ce n’est pas prêt de changer » si l’on en croit le président Xabier Etcheverry : « Nous voulons jouer au meilleur niveau possible en fonction de nos moyens, mais sans jamais déroger à nos principes. » Et si le Nafarroa actuel premier de sa poule interpelle, c’est aussi et surtout pas son discours et sa manière de concevoir le rugby en dehors de certains canons. Le coach Philippe Feuillade associé à Jean-Marc Higos en parle avec une pointe d’humour. « À la demande de nos joueurs nous avons essayé de faire venir des éléments extérieurs. Nous leur parlons projet, ambiance, mais ils n’attendent qu’une autre question qui ne vient jamais. C’est ainsi que dans la rubrique mutations de notre club il est inscrit néant. Et cette continuité nous la devons à notre excellente formation. J’ai envie de voir et de prouver que par d’autres moyens que l’argent nous sommes légitimement à notre place. »
UNE GÉNÉRATION A LES CROCS
Enclavé, comme Mauléon, l’USN bénéficie localement d’un fort pouvoir d’attraction partagé par les jeunes entre pelote et rugby. Plus largement, la belle aventure que vivent les Nafartars du capitaine Anthony Cachenaut ressemble à une histoire d’amour
et Philippe Feuillade en témoigne : « Je suis tombé amoureux de ce club il y a quatre ans. Ce qui fait sa force c’est l’identification basquaise et territoriale. Tous nos joueurs travaillent et sont indépendants et le projet de jeu que nous leur proposons requiert leur totale adhésion. Il faut que ce projet soit intelligent, je veux dire adapté aux hommes. Sur le plan physique on fait rire en entrant sur
le terrain mais on surprend par notre saine agressivité et notre jeu. Et même si Nafarroa s’est éloigné du cliché du petit qui reçoit les gros, la bonne agressivité est une marque de fabrique. » Déficients en taille et poids, les Basques recherchent de la puissance dans d’autres domaines. Choix des zones d’action, vitesse, jeu de passes, continuité, les joueurs travaillent et ils sont récompensés. « Nos résultats et le fait que nous nous qualifions régulièrement sont un plus pour eux,
appuie Philippe Feuillade. Ils savent qu’ils ne sont pas très loin de ce petit quelque chose
qui fait la différence. » Quasiment toutes les générations de l’USN ont connu les honneurs d’un titre, sauf une actuellement encore aux affaires. Compétiteurs dans l’âme, ils ressentent une certaine frustration. Autrement dit, ils ont les crocs. Et ils le font savoir…