Paris s’éveille
LE STADE FRANÇAIS S’IMPOSE AVEC LA MANIÈRE AU BOUT D’UN DERBY ENTAMÉ TAMBOUR BATTANT. LE RACING N’Y A PAS RÉSISTÉ !
Mais qu’est-ce qui peut bien se passer dans la tête des joueurs du Stade français ? Cette équipe a quelque chose d’irrationnel, d’insaisissable. Ou comment expliquer autrement que les Parisiens, le plus souvent moribonds et inconstants cette saison, se dévoilent aussi précis, presque exceptionnels à l’heure d’un derby capital pour eux. Jamais depuis le début de la saison, les joueurs de Greg Cooper n’avaient affiché un tel visage. Les victoires sur La Rochelle et Montpellier avaient bien démontré un certain potentiel mais les dernières sorties étaient le plus souvent souffreteuses. À tel point qu’en interne, les questions s’étaient multipliées ces dernières semaines, la crispation invitée. Le Néo-Zélandais John Haggart, entraîneur de la défense arrivé en début de saison, et Tristan Sharp, le préparateur physique, avaient été pointés du doigt, leur avenir tracé en pointillés. Qui sait ce qui serait advenu dans l’hypothèse d’une nouvelle défaite à domicile dans ce derby ?
ENTAME DE FEU
Sauf que. Le Stade français a probablement réalisé sa meilleure performance de la saison face au Racing 92. Durant les quarante premières minutes, Alexandre Flanquart et ses partenaires ont récité leur rugby. Ni la température négative conjuguée à cette petite pluie fine et glaciale, ni la meilleure défense du Top 14, n’ont douché leur enthousiasme et leur farouche volonté d’attaquer. Jusqu’à décrocher (temporairement) le point de bonus offensif avant la demi-heure de jeu par la grâce de trois essais somptueux. Si le premier est né d’une inspiration individuelle et géniale de Jules Plisson, auteur d’un jeu au pied parfaitement dosé, dans le deuxième rideau, pour Sekou Macalou (3e), les deux suivants, inscrits en première main (suffisamment rare pour être souligné), sont le fruit de combinaisons d’une précision chirurgicale. Et sur chacun de ces deux lancements – le premier après touche, le second après mêlée, comme pour mieux varier les plaisirs – le même principe : l’utilisation en leurre de Jonathan Danty et ses 110 kilos. Mais aussi le même finisseur : Waisea Nayacalevu (18e, 27e), qui pourtant mercredi dernier avait passé sa matinée au Tribunal de Grande Instance de Paris, accusé de violence en état d’ivresse. La différence est venue du franchisseur. Sur le lancement après touche, c’est Sekou Macalou, auteur d’une prestation internationale, qui a « breaké » à l’extérieur de Jules Plisson. Sur celui après mêlée, c’est le racé Tony Ensor, toujours aussi élégant, qui s’est proposé à l’intérieur de son ouvreur. Franchement, du beau rugby.
Seulement voilà, même avec une avance confortable à la pause (27-7), le Stade français se sait toujours en danger. Les fin de matchs, ce n’est pas leur truc aux Parisiens. Problème physique ? Défensif ? Les deux conjugués ? Impossible pour les stadistes de ne pas garder dans un coin de leur tête ces fins de match souvent douloureuses. Lors de leur dernière rencontre à domicile face à Oyonnax, malgré 23 points d’avance à l’heure de jeu, ils s’étaient fait une grosse frayeur pour finalement s’imposer que de quatre petits points. Tant et si bien que, lors des onze premières journées de Top 14, 38 % des points encaissés l’ont été dans les vingt dernières minutes. Une statistique tout sauf anecdotique et loin d’être rassurante quand l’attaque du Racing a, dans le même temps, inscrit 29 % de ses points au cours de ses fins de matchs. Mais cette fois-ci, le Stade français a tenu. Aucun problème défensif, ni physique. Certes, le Racing a bien inscrit un essai juste à l’heure de jeu (27-17, 61e), comme pour mieux réveiller les vieux démons stadistes. Mais, il est écrit que, pour le club de la capitale, le derby n’est absolument pas un match comme un autre. En témoignent le niveau de jeu affiché, tant en attaque qu’en défense, et la constance durant quatre-vingts minutes.