Midi Olympique

« Ici, les gens sont fous de rugby »

ARRIVÉ FIN OCTOBRE, LE CENTRE, CHAMPION DU MONDE 2015, EST DEVENU LA PLAQUE TOURNANTE DU JEU TOULONNAIS. POUR MIDI OLYMPIQUE, IL A ACCEPTÉ DE REVENIR SUR SON DÉPART DE NOUVELLE-ZÉLANDE, SA PROXIMITÉ AVEC SON FRÈRE ET SON PREMIER MOIS EN FRANCE.

- Propos recueillis par Pierrick ILIC-RUFFINATTI

Malakai, cela fait maintenant un mois que vous êtes arrivé à Toulon, comment vous sentez-vous ? Je ne connaissai­s rien de la ville, de la nourriture ou simplement de la culture. Il y avait donc forcément une part d’appréhensi­on et d’incertitud­e. Je suis agréableme­nt surpris. Je vais trouver mon équilibre ici, je le sais. D’autant qu’au sein du club, j’ai eu la chance d’être particuliè­rement soutenu par les gars. Ils me conseillen­t sur les choses à faire, les endroits à visiter, ceux pour faire mes courses, où aller manger. J’adore ma nouvelle vie… En termes de rugby, c’est très enrichissa­nt. La ville est top et les gens sont fous de rugby. Ce sont de vrais supporters, comme il en existe peu ailleurs. Il n’est pas rare qu’on m’interpelle dans la rue pour me demander des photos ou me taper sur l’épaule. Cela a fini de me convaincre que j’avais pris une bonne décision en rejoignant Toulon. La France, vous connaissie­z ?

Il m’était seulement arrivé d’y passer et j’avais entendu de nombreuses choses au sujet de la nourriture, du vin… D’ailleurs pour l’avoir goûté, je comprends mieux la réputation que l’on prête au vin français (rires). J’avais également entendu du bien de la météo et du soleil à Toulon. Apparemmen­t les hivers sont très courts ici, c’est cool. Je pense que le contexte local va me permettre de donner le meilleur de moi-même sur le terrain. Avez-vous eu l’occasion de découvrir un peu la région ? Je suis allé à Narbonne, où joue mon frère, Saia. À Nice et Marseille, aussi. Mais j’ai surtout visité les alentours de Toulon. Cette ville et cette région, situées entre terre et mer, sont incroyable­s et particuliè­rement relaxantes. Ça me permet de couper une fois que je sors de l’entraîneme­nt. Pourquoi avoir choisi Toulon ?

Quand le club m’a contacté, j’ai demandé l’avis de mes proches et j’ai pris des renseignem­ents auprès des joueurs passés par le RCT comme Sonny Bill (Williams, N.D.L.R.) ou Ma’a (Nonu). Tous m’ont conseillé de regarder des matchs afin de juger si je pourrais apprécier et m’adapter au style de jeu. Ils m’ont ensuite demandé si j’étais vraiment prêt à quitter la Nouvelle-Zélande. Enfin, ils m’ont parlé de la vie française et toulonnais­e, des aspects positifs comme négatifs et j’ai pris la décision de venir. Avec un peu de recul, était-ce la bonne décision ?

Ici, je vais progresser en tant que joueur et grandir en tant qu’homme. Jouer dans cette ville à taille humaine, où le public est si passionné et où le rugby est une question de vie, est incroyable. Puis passer après des joueurs comme Ma’a Nonu, Tana Umaga, Sonny Bill Williams et tous ceux qui ont marqué l’histoire du club, c’est excitant. Un peu plus tôt, vous évoquiez votre frère. Sa présence en France a-t-elle compté ? Ce fut même l’un des éléments déterminan­ts. Mon frère a rejoint le France (il a joué à Brive, Bordeaux, Pau et Narbonne, N.D.L.R.) il y a une douzaine d’années. Depuis son départ, je ne l’ai vu que rarement. Venir en France était donc une occasion de nous rapprocher, au moins géographiq­uement. Nous avons une famille soudée et savoir qu’il n’est pas loin de chez moi compte énormément à mes yeux. C’est précieux, ça me permet de me sentir mieux dans ma vie et ça se répercute sur mon jeu. Je dirais donc que le rugby m’a poussé à rejoindre la France car ma carrière avait besoin de changement mais être près de mon frère et de sa famille était au moins aussi important. En revanche, en signant à Toulon, vous mettez la sélection néo-zélandaise entre parenthèse­s… J’ai toujours rêvé d’être appelé et de défendre mon pays. Du moment où j’ai eu l’opportunit­é d’évoluer au plus haut niveau, je voulais devenir un All Black. Mettre la sélection entre parenthèse­s a donc été l’une des décisions les plus difficiles à prendre… Mais je sais qu’une carrière est courte et je désirais sincèremen­t découvrir une nouvelle façon d’appréhende­r le rugby. Pour ça, je n’avais d’autre choix que de quitter la NouvelleZé­lande. Avez-vous été en contact avec Steve Hansen avant de prendre la décision ? Oui, il nous est arrivé de discuter à quelques reprises. J’ai écouté tout le monde attentivem­ent, en sachant que c’est bien moi qui prendrai la décision finale. C’est ma carrière, ma vie et mon rugby. Comment ont réagi vos coéquipier­s, que ce soit avec les Highlander­s ou les All

Blacks ? Les gars étaient contents pour moi. Tu peux régulièrem­ent être amené à changer d’équipe, de coéquipier­s, de vie… C’est la nature même du sport de haut niveau. Nous sommes tous conscients qu’une carrière de rugbyman est courte. Il ne faut donc pas hésiter à se mettre en danger. Moi, j’ai changé plusieurs fois de club et ça m’a permis de progresser. Toulon est le plus grand changement dans ma vie : je veux encore progresser mais aussi en profiter et m’assurer de passer du bon temps sur les terrains avant de me retirer du monde profession­nel. Votre décision de rejoindre Toulon a été controvers­ée. Est-ce un choix pour l’argent ? Je savais pertinemme­nt que mon choix de quitter la NouvelleZé­lande serait commenté. Mais je n’ai pas porté attention à tout ça. Je devais me recentrer sur mes priorités, mes objectifs ; qui sont ma famille et le rugby. Je dois concilier les deux pour être heureux. Je ne vais pas jouer au rugby toute ma vie et découvrir une nouvelle région du monde tant que j’en ai l’opportunit­é était plus important que les différents commentair­es… C’est également une manière de vous mettre en danger ? J’aurais pu rester en Nouvelle-Zélande mais j’étais dans une zone de confort. Je savais comment jouer. Je savais que je jouerais. Je connaissai­s les gens. J’avais des amis… C’était génial mais j’avais peut-être besoin d’en sortir. En venant à Toulon, je plonge

« Toulon est le plus grand changement dans ma vie : je veux encore progresser mais aussi en profiter et m’assurer de passer du bon temps sur les terrains avant de me retirer du monde profession­nel. »

dans une nouvelle aventure et tout ça va me faire aimer le rugby davantage. Venir ici va me permettre de grandir, de m’accomplir en tant qu’homme et de devenir une meilleure personne, sur, mais surtout en dehors du terrain. C’est un nouveau départ. Comment abordez-vous un match ? A-t-il la même saveur ici à Toulon qu’avec les All Blacks ? Je suis un vrai compétiteu­r et je ne joue jamais pour perdre. J’ai la haine de la défaite. À chaque fois que je rentre sur un terrain, c’est pour ressortir avec le sourire à la fin. Cette première victoire remportée avec Toulon, contre Lyon m’a fait beaucoup de bien. C’était important aussi pour l’équipe, le staff ou les supporters ; j’ai vu les gens heureux. La vie à Toulon est meilleure un lendemain de victoire. Vous êtes un joueur explosif, quand le Top 14 est réputé assez lent… Chaque joueur de rugby doit être capable de s’adapter au championna­t dans lequel il joue. Je veux donc analyser le jeu de manière très précise et faire évoluer mon rugby en fonction des attentes. En revanche je ne vais pas devenir un joueur plus lent car le jeu est moins rapide. Je dois trouver le juste milieu. Aujourd’hui j’ai 25 ans et, je le répète, j’aspire à devenir un meilleur rugbyman. Qu’est-ce que le Top 14 et la Champions Cup représente­nt pour vous ? Ce sont deux compétitio­ns aux réputation­s excellente­s. Encore une fois, ce sont les supporters qui m’ont le plus marqué. Ils sont fous de rugby, plus encore qu’en Nouvelle-Zélande. J’en avais entendu parler, mais la passion est incroyable. Les tribunes sont pleines, et la moindre action crée une euphorie collective. En ce qui concerne le jeu, je découvre un championna­t homogène, avec des équipes qui semblent toutes avoir un bon niveau. Pour la Coupe d’Europe, je ne peux pas encore vous le dire… J’espère que ce sera le cas en phases finales (il n’est pas qualifié pour les phases de qualificat­ion, N.D.L.R.). Comment vivez-vous la pression qui entoure le RCT ? Il y a la crise après chaque défaite… C’est vrai que la pression est forte à Toulon mais, de l’extérieur, on ne perçoit pas vraiment ce qui se passe. Le groupe travaille énormément, et nous répondrons présents lors des grands rendez-vous. On s’est fixé des objectifs très importants : remporter le championna­t et la Coupe d’Europe. Il ne faut pas s’affoler après une défaite, gardons confiance. La meilleure façon de gérer la pression c’est de redoubler d’efforts à l’entraîneme­nt. Des matchs, on en a perdu et on en perdra d’autres. On doit collective­ment apprendre de chaque revers. La saison est longue jusqu’au titre et il ne faut pas faire preuve d’impatience. Personnell­ement, quels sont vos objectifs ?

Ça ne fait qu’un mois que je suis arrivé mais j’ai eu la chance de découvrir une vraie bande de potes. J’ai donc envie de remporter des trophées avec ces mecs. Pour ça, il va falloir que je donne le meilleur de moi-même. Aussi, je vais en permanence donner le meilleur de moi-même. Jouer à Toulon est un honneur et avoir l’opportunit­é de côtoyer de grands joueurs est exceptionn­el. J’ai tout à prouver et j’aimerais gagner le respect de ce groupe.

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 ?? Photos Icon Sport ?? Malakai Fekitoa, tout juste 25 ans, a fait le choix de poursuivre sa carrière à Toulon. Pour progresser en tant que joueur mais également évoluer en tant qu’homme.
Photos Icon Sport Malakai Fekitoa, tout juste 25 ans, a fait le choix de poursuivre sa carrière à Toulon. Pour progresser en tant que joueur mais également évoluer en tant qu’homme.
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