Midi Olympique

LE RÉGIMENT DE PARRA

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

L’anecdote remonte au mois d’août. C’était à Issoire, en marge du premier match amical de la saison des Clermontoi­s face aux Palois. Ce jour-là, l’internatio­nal écossais Greig Laidlaw venait d’effectuer ses premiers pas sous le maillot jaunard,

en remplaceme­nt d’un Morgan Parra touché au genou. « Je pense sincèremen­t que nous pouvons nous compléter et nous aider l’un l’autre, confiait l’internatio­nal écossais aux 58 sélections. Pour jouer de front les deux tableaux, il faut une profondeur d’effectif et de la concurrenc­e. Cela a d’ailleurs été la force de l’équipe la saison dernière, où plus de cinquante joueurs ont tourné, je crois… Et cela doit le rester si l’équipe veut conserver de gros objectifs. Pour être honnête, je ne suis pas sûr qu’il soit possible de constituer beaucoup de squads aussi forts et denses que celui de Clermont. » L’ironie de l’histoire ? C’est que si Parra était alors le seul absent recensé du côté des postes de la charnière, il en est devenu, quatre mois plus tard, le dernier survivant. Fidèle à l’aphorisme que nous avait livré son vieux complice Pascal Papé avant la Coupe du monde 2015. « Morgan, c’est une ronce. Il s’accroche, s’accroche, et s’il ne doit en rester qu’un, ce sera lui... »

KAYSER : « JE LE SUIS À LA VIE, À LA MORT »

Cette saison n’échappe pas à la règle, qui voit depuis quelques semaines Morgan Parra maintenir à flot son équipe de Clermont dont il a indifférem­ment endossé les rôles de capitaine, demi de mêlée, ouvreur et buteur, en

fonction des circonstan­ces… « Il ne m’étonne pas, car c’est dans la difficulté qu’il est le meilleur, sourit son ancien partenaire Julien Bonnaire. Là, Clermont traverse une période terrible, entre les blessures de Camille Lopez, Patricio Fernandez et maintenant Luke McAlister à l’ouverture, sans oublier Laidlaw et Cassang à la mêlée. C’est le genre de contexte qui le transcende… Depuis qu’il est arrivé dans le circuit, Mo est toujours resté le même qu’à ses débuts : c’est juste un gagneur, un joueur qui en veut davantage que les autres et qui sait se remettre en question pour arriver à ses objectifs. » Il est comme ça, Morgan Parra. Un personnage à part, toujours au centre des attentions de ses partenaire­s et autres supporters (se souvenir de la « visite » de sa piscine par des Biterrois avinés au soir du titre du mois de juin), aussi bien que des adversaire­s (les jurisprude­nces Lawes et McCaw, ainsi que les nombreux coups bas reçus la saison dernière sont là pour en témoigner) et des observateu­rs, l’évocation du seul nom de Parra suffisant à faire sortir de ses gonds le flegmatiqu­e Jeff Dubois, après la défaite des Bleus face à l’Afrique du Sud…

S’en étonner ? Ce serait après tout le comble sachant qu’à 29 ans, Parra semble au sommet de son art. Peut-être jamais classé premier au niveau de la note artistique mais aux côtés de qui il est avisé de pouvoir compter pour traverser les zones de turbulence… « C’est un petit bonhomme de 80 kilos, qui donne toute sa vie pour une équipe, qui passe sous les roues du camion parce qu’il est barjot, rappelait son talonneur Benjamin Kayser dans l’euphorie d’une nuit de Bouclier. On n’est pas obligé d’aimer tout le monde dans un groupe mais il faut respecter tout le monde. Et lui, je le suis à la vie, à la mort. »

BONNAIRE : « SON TEMPÉRAMEN­T, C’EST SA FORCE »

Une déclaratio­n d’amour que le Messin d’origine n’en finit plus d’honorer en entraînant ses avants à le suivre dans la fournaise de tous les combats, au point de parfois y laisser son intégrité physique, passant près du couperet lors de la réception de Northampto­n après un protocole commotion qui valut à son club une enquête de l’EPCR. « Son tempéramen­t, c’est sa force, pointe Bonnaire. Je lui ai souvent dit qu’il gagnerait parfois à s’exposer moins, qu’il prenait beaucoup de risques mais je ne le vois pas changer de comporteme­nt ce week-end. Au contraire, il sait bien que c’est lorsqu’on évolue avec le frein à main qu’on risque de se blesser… Et puis, pour les avants, être dirigé par un mec comme ça, c’est énorme. On sait qu’il ne va pas s’échapper, qu’il montrera l’exemple jusqu’au bout. Honnêtemen­t, je ne suis pas certain que Clermont aurait pu remporter la finale du Top 14 l’an dernier s’il n’avait pas été sur le terrain. Il est parfois un peu trop généreux mais c’est dans son caractère, on ne le changera jamais. Il ne lâchera jamais rien. » L’homme idéal, en somme, derrière qui se fédérer pour aller défier les champions d’Europe de la paire Wiggleswor­th-Farrell sur leur pelouse ? De ceux, en tout cas, sans qui l’ASMCA ne pourra pas espérer grandchose. Ne serait-ce que pour emmener un pack dont Franck Azéma a pris un malin plaisir à moucher la fierté depuis sa prestation insipide face à Agen. Lequel se doit probableme­nt une revanche, à l’heure où le lieutenant Parra n’a jamais eu autant besoin du sens sacrificie­l de son régiment.

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