L’EFFET BOULE DE NEIGE
C’est à quelques heures du coup d’envoi que les Clermontois ont appris que le choc les opposant aux doubles champions d’Europe serait reporté, en raison des fortes chutes de neige aux abords de l’Allianz Park. Une nouvelle qui a forcément généré des complications en tous genres, et souligné en creux le faible degré d’organisation du côté des Saracens. Récit d’un long dimanche de pinailles, pas vraiment franco de report...
Lancelot « Capability » Brown était sûrement un chic type. Bardé du titre de « meilleur jardinier britannique » ainsi que du sobriquet de « Shakespeare du paysagisme », c’est lui qui fit évoluer, au début du XVIIIe siècle, les jardins des ancestrales demeures anglaises vers un style plus naturel. Également lui qui, à ce titre, rénova le parc de l’ancienne demeure seigneuriale du Luton Hoo, devenu presque trois siècles plus tard un hôtel de luxe. Ce préambule pourquoi, nous demanderezvous ? Simplement pour s’amuser de la tête qu’aurait pu tirer ce bon vieux Capability sous sa perruque empoudrée, en voyant Nick Abendanon faire l’étoile de mer en sous-vêtements dans la poudreuse, ou en assistant à l’homérique bataille « avants contre trois-quarts » qui s’est jouée dans ses beaux jardins enneigés, traversés par une rivière Lea aux faux airs de Yukon. Car oui, les rugbymen restent, heureusement, de grands enfants. Et peut-être plus encore les professionnels, qui demeurent après tout payés pour jouer au ballon… Puéril, vous dites ? Mais alors, à quoi d’autre aurait bien pu s’occuper une équipe privée de rugby ? Honnêtement, on ne voit pas. Ne serait-ce que pour se passer les nerfs face à ce report d’une aberration sans nom, au nom toujours pratique du risque zéro. « Il semblerait que ce soient les autorités locales qui aient pris la décision de reporter ce match pour des raisons d’accès au stade, confirmait le président de l’ASMCA Éric De Cromières. Il faut savoir qu’une ville comme Londres n’a strictement aucun moyen de déneigement, de sablage, etc. Mais je trouve que les Saracens et l’EPCR n’ont pas pris beaucoup de précautions. Quand on arrive au stade et qu’on s’aperçoit que le terrain n’est pas nettoyé, avec une dizaine de centimètres de neige, cela pose question… Pendant ce temps, à Oyonnax, un match de Crabos a pu avoir lieu dans les mêmes conditions météorologiques ce dimanche, alors ça m’interroge. Cela démontre en tout cas la différence d’attention et de professionnalisme portés par les clubs français dans l’organisation de leurs rencontres. »
CLERMONT A FAIT PRESSION POUR JOUER LUNDI
La force de l’habitude, sans doute. N’empêche que l’ironie est réelle de disposer d’une pelouse synthétique, et de ne pouvoir disputer un match dessus lorsqu’elle s’avérerait vraiment utile… De là à imaginer un accès au stade totalement synthétique, avec des trottoirs en mousse pour parer aux glissades des maladroits, et éviter qu’un petit malin vienne porter plainte contre les services de la mairie ? C’est une idée à creuser, coco. Faudra y repenser…
Reste que les conséquences de ce report, elles, pourraient être sérieuses. « C’est pourquoi on essaie de mettre la pression sur les Saracens et sur l’EPCR pour trouver absolument une solution de repli ce lundi, appuyait De Cromières. J’avais d’ailleurs donné une deadline à l’EPCR qui était de prendre une décision avant 15 h 30. Parce que s’il devait y avoir un report à une date ultérieure, au vu du calendrier de la LNR, je ne vois vraiment pas quand ce match pourrait avoir lieu… » Hormis un jour de semaine, ou en créant un nouveau doublon pendant le Tournoi. À moins de coupler le résultat de ce Saracens Clermont avec celui du futur France- Angleterre, tiens, puisque les deux clubs en sont les principaux pourvoyeurs en matière première…
Toutefois, blague à part, ce scénario était à exclure. Parce que, d’abord, le règlement européen stipule bien qu’une rencontre reportée se doit d’être jouée dans les 24 heures suivantes, sauf « conditions exceptionnelles ». Mais surtout parce qu’un report définitif n’arrangeait vraiment personne, ce qui autorisait le président clermontois à se montrer optimiste, dès dimanche après-midi. « Comme il faudrait qu’il tombe entre trente et quarante centimètres de neige dans la nuit pour qu’il n’ait pas lieu, on peut considérer que le match a 95 % de chances de se tenir ce lundi. À l’Allianz Park, ou ailleurs ? Ça, par contre, je ne le sais pas… » Des derniers bruits ont, un temps, fait écho de la possibilité de disputer le match sur la pelouse du Twickenham Stoop, beaucoup moins touché par la neige, où s’est déroulé Harlequins-Ulster ce dimanche… Finalement, nul besoin de migrer vers le «Stoop» : la rencontre se jouera à l’Allianz Park, ce lundi à 15 heures.
LE VOYAGE DES PARTENAIRES GÂCHÉ
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, alors ? Évidemment que non. Car si le report de ce match doit s’avérer sans conséquence sur le plan sportif, d’autres en ont subi les répercussions. On pense ici évidemment à cette remarquable « Yellow Army », montée comme à son habitude au soutien des siens, contrainte à rentrer au pays sans avoir rien vu d’autre de Londres que son réseau ferré ou ses trottoirs gelés.
Une guigne qui s’est d’ailleurs propagée à tous les partenaires… En effet, comme il est de coutume une fois par an, l’ASMCA avait profité de ses retrouvailles avec les Saracens pour organiser son traditionnel voyage des partenaires, au sein desquels s’étaient greffées plusieurs personnalités comme le maire Olivier Bianchi ou l’éminent chirurgien orthopédiste William Van Hille (auquel le report aura au moins eu le mérite de ne pas rajouter de travail dans l’immédiat). Des « people » qui ont évidemment tous repris la voie des airs dans la soirée, appelés par leurs obligations professionnelles dès lundi matin… « Nous avions affrété un avion de 190 places, entre les joueurs et leur encadrement, les supporters et les partenaires, déplorait Éric De Cromières. L’avion est rentré à Clermont dimanche soir comme cela était prévu, mais sans les joueurs et leur encadrement, soit une cinquantaine de personnes. Du coup, il va falloir chercher d’autres moyens pour leur permettre de rentrer. » Cela va avoir un coût, forcément. Lequel serait d’autant plus lourd à supporter en cas de mauvaise nouvelle, ce lundi, avec une défaite à zéro point…