LA MARCHE ENRAYÉE
LE RCT ÉTAIT VENU POUR FRAPPER FORT À BATH ET SE METTRE EN POSITION FAVORABLE POUR LA QUALIFICATION. IL N’Y EST PAS PARVENU. LA FAUTE À UN DÉPART CATASTROPHIQUE ET, DANS LE FOND, À UN COLLECTIF TROP PEU SÛR DE SON FAIT ALORS QUE LA FIN DE LA MOITIÉ DE LA
La scène, traditionnelle sur les bords de la River Avon, appartient à une autre époque. Une petite heure et demie avant le coup d’envoi, au Recreation Ground, les supporters accoudés aux comptoirs ont assisté à l’arrivée des joueurs, sacs sur le dos, depuis le terrain d’entraînement jusqu’aux entrailles la surannée tribune ouest. Devant le défilé de vedettes toulonnaises, les yeux n’en finissaient plus de s’écarquiller : après Samu Manoa, autrefois sacré meilleur joueur de Premiership, venait Ma’a Nonu, légende all black, suivi de Chris Ashton, figure anglaise iconique, ou encore Duane Vermeulen, capitaine officieux des Boks. Et on en passe… L’instant privilégié a permis aux habitués du « Rec » de prendre des photos et par la même occasion conscience du challenge se présentant à leurs favoris. Les visiteurs avaient en plus effectué le déplacement dans le Somerset avec l’intention de s’ouvrir en grand les portes des quarts et de frapper fort sur la scène européenne. « Oui, l’objectif était bien de chercher la
victoire », rappelait après coup Anthony Etrillard.
Mais au bout de seulement quarante six secondes de jeu, le géant de papier était déjà écorné et l’espoir des locaux revigoré : une première maladresse de Josua Tuisova, un plaquage manqué de Samu Manoa et Beno Obano s’allongeait dans l’enbut. « Nous avons été apathiques sur l’entame, déplore Mathieu Bastareaud. Pourtant, nous étions prévenus. » Après avoir compté treize points de retard, les Varois ont tenté d’inverser le cours des événements. Mais ni les éclairs des Nonu ni les charges de Vermeulen et autres Guirado n’ont permis de forcer la décision. Un résumé assez fidèle de la réalité actuelle de
ce RCT, encore impressionnant sur la feuille de match mais trop fébrile dans le feu de l’action. « On ne peut s’en prendre qu’à
nous-mêmes », déplore le capitaine. Hugo Bonneval appuie :
« Nous sommes les premiers responsables. C’est dommage car
il y avait la place. » Deux ans plus tôt, la troupe de Laporte avait arraché sur ce terrain quatre points décisifs, à la force du poignet. Le succès est cette fois logiquement revenu aux hommes de Todd Blackadder : « C’est une grande performance », s’enthousiasmait après coup le manager de la formation anglaise. L’exploit se trouve tout de même dévalué, pour avoir déjà été réalisé, cette saison, par Clermont, Montpellier, Bordeaux-Bègles, Agen puis Castres et même touché du doigt par le Stade français et Trévise.
« IL FAUT RETROUVER PLUS D’ENTHOUSIASME »
La défaite en elle-même sur la pelouse du quatrième du championnat anglais ne constitue pas un désaveu. Elle s’inscrit dans une spirale frustrante, voire inquiétante de prestations pour le moins mitigées. Au niveau du souffle, des idées et de la force collective, le RCT a jusqu’à présent affiché des limites trop récurrentes pour être passées sous silence. Quatre mois après le début de l’aventure Galthié, la belle mécanique avance encore en grinçant. Le temps n’arrange rien à l’affaire : son inconstance maladive, son incapacité à maîtriser le cours des événements et sa production offensive trop aléatoire continuent de freiner sa progression et son ascension. La preuve en chiffres : à mi-chemin ou presque, les Toulonnais se retrouvent provisoirement éliminés en championnat, à la septième place, et en ballottage en Coupe d’Europe, avec à l’horizon une bataille à trois avec Bath et les Scarlets.
Le contenu et les résultats semblent même commencer à ins
tiller un doute. « Il faudrait surtout retrouver plus d’enthousiasme, souffle Mathieu Bastareaud. Ce groupe a un peu perdu l’envie de
faire les choses ensemble. » L’aveu se passe de commentaires. Au sein de ce collectif en quête de certitudes, des individualités en viennent même à vaciller. À Bath, Josua Tuisova a ainsi erré comme un fantôme sur le terrain, allant jusqu’à accompagner des yeux en trottinant Anthony Watson sur son deuxième essai. Le Fijdien comme les autres présumés cadres ne peuvent se permettre de telles défaillances tant la marge de manoeuvre de leur club se trouve réduite. « Disons qu’il ne faudrait pas que ça arrive trop souvent car ça met l’équipe en difficulté. J’attends que ça évolue », se contentait de répondre Fabien Galthié, samedi soir, sans évoquer un élément en particulier. Quelques secondes plus tôt, il s’était tout de même étonné d’avoir vu des « joueurs rapides » être déposés aussi aisément par l’arrière international. Au passage, le manager, visiblement interloqué, avait déploré la fébrilité de ses joueurs dans les moments clés : « Ne pas avoir tenté la pénalité à l’heure de jeu est une
erreur en termes de lucidité. » Un autre drôle de paradoxe pour ce RCT si expérimenté sur le papier.
Avec les trois points de cette pénalité en très bonne position, il ne l’aurait pas emporté au « Rec ». Mais il occuperait la première place du classement de la poule, à la faveur de la différence de points avec Bath. Dans le délicat contexte actuel où tout paraît si fragile, c’eut été très appréciable.