Midi Olympique

Bricolage, fautes graves et de goûts

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Rien ne sert de courir, il suffit d’arriver à temps… Et le mieux, pour qui veut passer inaperçu, est de tomber au beau milieu d’un no man’s land médiatique ; entre les fêtes de Noël et du jour de l’An par exemple, quand tout le monde a les yeux rivés sur les cadeaux. Cela ne vous dit rien ? Si, évidemment… Après avoir juré que Guy Novès verrait le Japon en 2019, il devait être plus aisé pour Bernard Laporte de virer son sélectionn­eur entre la dinde et le champagne… C’est raté.

En maintenant le suspense au lieu de sceller le destin du staff de l’équipe de France fin novembre — ce qui aurait été mieux compris au vu des résultats — Laporte et Simon ont soufflé sur les braises et même ouvert une énième crise pour clore une sinistre année 2017. Depuis quelques semaines, autour de la maison fédérale, le rugby français étale ses failles et fait la démonstrat­ion de ses plus sourds conflits pour offrir au grand public une image décatie. Les fautes s’accumulent, mais pas toujours là où on l’imagine… L’incompréhe­nsion prédomine et les questions surgissent.

Comment Bernard Laporte s’est-il laissé endormir, validant un audit qui n’a fait que repousser l’inéluctabl­e divorce avec le staff de Bleus ? Comment le président a-t-il accepté d’entamer un bras de fer avec Novès et son staff (menacés de licencieme­nts pour fautes graves), prenant le risque de salir la réputation des hommes et de déchirer la « famille » ?

Comment trouver toutes les qualités du monde aux 63 ans de Jacques Brunel - dont la compétence n’est évidemment pas remise en cause - quand on a raillé l’âge de Guy Novès ?

Comment bricoler un staff sur les bases du quasi bénévolat et de la mise à dispositio­n sans donner l’impression de faire passer le XV de France au dernier rang des priorités ?

Comment, enfin, choisir des technicien­s (Azéma, Collazo, Mignoni, Galthié, etc) sans avoir pris soin, au préalable, de négocier avec eux ?

Autant de questions qui vont rebondir sur le

cuir tanné d’un président plus exposé qu’aucun de ses prédécesse­urs ne l’a jamais été, pris au piège de son impulsivit­é et détenteur de tous les pouvoirs, politiques, économique­s et enfin sportifs même si ce dernier critère semble passer au second plan.

En condamnant Novès, « Bernie » a signé un blanc-seing aux Tricolores, lavés de leurs échecs. Et s’ils lui sont redevables, difficile de croire au grand chelem même si le retour des blessés, le calendrier et la réaction d’orgueil attendue laissent augurer un 6 Nations favorable.

En limitant l’horizon des adjoints de Brunel aux cinq matchs du Tournoi et aux trois de la tournée en Nouvelle-Zélande, Laporte les appâte avec du poison : ils ont si peu à gagner et tant à perdre. Ceux qui accepteron­t devront à un moment donné choisir entre la sélection et leur club alors que la FFR fera des économies sur leur dos.

Par-delà l’ampleur du défi sportif, les technicien­s auront surtout bien compris qu’ils n’ont pas tous la même valeur mais ils se savent déjà condamnés au succès s’ils veulent éviter d’être sacrifiés en place publique, comme Novès. Debouts sur un siège éjectable à l’internatio­nal, face à des joueurs qu’ils retrouvero­nt en club, comment ces intermitte­nts pourront-ils dès lors asseoir leur légitimité ? Quand pourront-ils partager, anticiper et travailler au plus fin des détails d’une préparatio­n de match internatio­nal quand ils seront mobilisés par l’actualité de leur club ? Le projet, aussi ambitieux soit-il, est aujourd’hui trop bancal véritablem­ent pour nous rassurer.

En agissant sur la foi de son instinct, Bernard Laporte fonce comme jamais. Si son pas de côté en direction de la Ligue - il faut saluer ce rapprochem­ent - lui accorde enfin l’écoute du monde profession­nel, le président de la FFR peut être fragilisé par le terrain qui l’a fait roi. En touchant aux Bleus, il risque de dilapider son capital de sympathie et, à force de refus qui entament sa légitimité, il finira par se retrouver isolé. Surtout, en concentran­t tous les pouvoirs, il s’affiche aux yeux de tous comme l’héritier d’un gant de fer…

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