« Je veux que ça gagne »
SÉLECTIONNEUR DU XV DE FRANCE C’EST MERCREDI APRÈS-MIDI, À DEUX PAS DE LA PLACE DE L’OPÉRA, QUE JACQUES BRUNEL NOUS A REÇUS. VÊTU D’UN COSTUME SOMBRE ET D’UNE CHEMISE BLANCHE, LE NOUVEAU SÉLECTIONNEUR NATIONAL, QUI VIVRA SON DERNIER MATCH AVEC L’UNION BOR
À quand remontent les premiers contacts entre vous et Bernard Laporte, concernant le poste de sélectionneur du XV de France ?
Il y a quelques jours, Bernard Laporte m’a demandé si j’accepterais de venir s’il se passait quelque chose… Sincèrement, j’étais à des lieues de m’attendre à ce coup de fil…
Pourquoi ?
Pour moi, tout allait bien à Bordeaux, j’étais heureux et le projet de l’UBB était chouette. Je vous le répète : je ne m’y étais pas préparé. Mais alors pas du tout.
Et puis ?
Ce sont des circonstances exceptionnelles. La décision qui a été prise par la Fédération n’est, je crois, jamais survenue. Ou alors pas souvent.
Avez-vous hésité longtemps ?
Oui, j’ai hésité. D’abord, parce que j’étais engagé dans une aventure qui me plaisait. Je me suis posé beaucoup de questions. Il y avait aussi un contrat : j’étais lié avec Laurent Marti (président de l’Union Bordeaux-Bègles, N.D.L.R.), une personne que j’estime énormément. De l’autre côté, il y avait un président de Fédération avec lequel j’avais travaillé (de 2001 à 2007, avec l’équipe de
et en qui j’avais confiance.
France) Alors ?
Moi, je n’ai pas besoin de reconnaissance médiatique. Une carrière internationale ? J’en ai déjà une. En même temps, comment dire non ? Ce n’est pas possible de refuser le poste de sélectionneur national, quand on aime le rugby français comme je l’aime.
Quel était votre plan de carrière avant l’appel de Bernard Laporte ?
Il n’y avait pas de plan ! J’ai fait 130 matchs internationaux, trois Coupes du monde. Je n’ai pas de record à battre. Je ne suis pas en recherche d’image. Mais il y a un mec qui a confiance en moi et qui me dit : « C’est à toi de prendre l’équipe de France, Jacques ! » Alors j’ai dit : « OK, on y va. »
Quand et comment l’avez-vous annoncé à Laurent Marti, votre président ?
Le jour où Bernard (Laporte) m’a demandé si je serais éventuellement libre, j’ai posé la question à Laurent Marti. Même si ça le gêne un petit peu dans son organisation au quotidien, il a été remarquable. Il m’a dit : « Jamais je ne m’opposerai au fait que tu deviennes le sélectionneur du XV de France. »
C’est quelqu’un de bien.
Vous entretenez de très bons rapports avec Guy Novès. La situation est-elle difficile à vivre ?
Oui, je ne vous le cache pas. Bien sûr que ça m’emmerde ! Je connais Guy Novès depuis trente ans. Yannick Bru, je l’ai entraîné en club quand il avait 19 ans puis en équipe de France ; il est de mon pays, de Masseube (Gers), pas loin de chez moi. C’est évident que c’est quelque chose de fort. Mais je sais aussi, depuis trente ans que j’exerce, que ce métier peut s’arrêter à tout moment.
Avez-vous appelé Guy Novès ?
Non. D’abord parce que je ne suis nommé que depuis mercredi midi. Ensuite, je ne pense pas que le fait de l’appeler dans des moments comme ça puisse l’aider. Guy Novès n’a pas besoin de m’entendre. Ces moments-là sont suffisamment pénibles : on n’a pas envie d’entendre des mots qui, vainement, tentent de les adoucir.
Avez-vous candidaté lorsqu’il fut question de remplacer Philippe Saint-André ?
Non. Pour la simple et bonne raison que mon contrat avec l’Italie s’est terminé en juin 2016.
Ce poste, est-ce néanmoins quelque chose auquel vous rêviez ?
Non. Je ne rêvais de rien du tout. Je n’avais pas d’ambition dans ce sens-là. Mon ambition, c’était le projet de Bordeaux. Mais voilà… Les circonstances ont voulu que je sois nommé et maintenant, je suis dedans. On peut y aller.
Bernard Laporte nous confiait que vous choisirez seul vos adjoints. Qui seront-ils ?
Je ne peux donner la moindre indication pour le moment. C’est trop tôt. Je viens d’être nommé. Mais le but, c’est d’essayer de sortir du cadre traditionnel. Moi, je voudrais travailler avec des mecs qui sont en activité, qui sont les acteurs du Top 14.
Que voulez-vous dire ?
Je souhaiterais créer un groupe de consultants - j’appelle ça un consultant parce qu’il pourrait rester en club et venir à Marcoussis sur les périodes internationales - et ce projet serait mené jusqu’à la Coupe du monde. Mais je sais très bien que le temps nous est compté, que les entraîneurs auxquels je pense ont des échéances importantes et que la création de ce pool de consultants ne sera probablement pas possible pour le Tournoi des 6 Nations 2018.
Dès lors, comment allez-vous vous y prendre ?
Pour le Tournoi 2018, nous allons créer un staff. Mais ce staff s’élargira par la suite. Ce modèle s’apparenterait un peu avec ce que font les Lions britanniques.
« Quand je vois le potentiel qui existe en France, je me dis que les raisons d’y croire sont immenses. Ici, il y a vraiment le potentiel pour gagner le Tournoi. »
Ce serait néanmoins une première, en France…
Non ! En 2000, pour préparer la tournée de novembre, le sélectionneur national Bernard Laporte avait tour à tour été voir des entraîneurs de club, Jacques Brunel (Section paloise), Guy Novès (Stade toulousain) et Michel Couturas
(Bourgoin-Jallieu). Puis ces quatre entraîneurs, deux à Toulouse et deux à Paris, ont alors travaillé avec des groupes de joueurs pour préparer la tournée. Cette forme de collaboration, sur une durée réduite, a déjà existé. Et ce serait dans cet esprit-là que se matérialiserait notre projet : mais sur deux ans, jusqu’au Mondial.
En quoi est-ce mieux qu’un schéma traditionnel ?
Parce que ce sont ces entraîneurs qui connaissent les joueurs, qui les côtoient au quotidien ! Le suivi des internationaux se fera désormais au jour le jour. Il n’y aura plus de rupture entre les clubs et l’équipe de France.
Si on comprend bien, il y aura un staff pour le Tournoi des 6 Nations puis…