SAINTS PATRONS, VIEUX DÉMONS
APRÈS UNE ENTAME DE MATCH PARFAITE, LES CLERMONTOIS À FLEUR DE PEAU SONT RETOMBÉS DANS LEURS TRAVERS, SE CONDAMNANT À JOUER LEUR QUALIFICATION À QUITTE OU DOUBLE FACE AUX OSPREYS.
C’est un gospel envoûtant, vieux comme les temps maudits de l’esclavage, qui descend des tribunes comme une rengaine. « Oh when the Saints… Go
marchin’in… » Mélodieux mais dynamique, lent mais entraînant, et surtout lancinant, comme la croyance des supporters de Northampton envers leur équipe. « Oh when the Saints… Go marchin’in… » Une foi qui a littéralement porté la bande de Hartley, Lawes et Foden, qu’on voyait pourtant mal embarquée en début de partie, et surtout réduit à néant les espoirs d’une ASMCA bien peu vernie sur ce coup-là, seule équipe de la poule à s’incliner face à des Saints revigorés par le limogeage de leur historique coach Jim Mallinder. Et quand bien même ce résultat s’avère tout sauf éliminatoire (qui plus est au vu du match nul entre les Ospreys et les Saracens deux heures plus tard) puisqu’une simple victoire non bonifiée face aux Gallois devrait suffire à assurer un quart de finale à domicile, certaines attitudes ne trompaient pas dans les travées de Franklin’s Garden. Parce que les Auvergnats commencent à ressentir le vent du boulet, et à redouter le ridicule de se faire coiffer sur le poteau par les Ospreys après avoir signé l’une des plus grandes performances de la Champions Cup face aux Saracens. Parce que les Jaunards demeurent, l’air de rien, sur une série de quatre défaites ponctuée de 18 essais encaissés, soit une moyenne supérieure à quatre par match. On n’explique pas autrement cette nervosité à fleur de peau qui les a conduits à céder inutilement aux habiles provocations des Anglais, où à discuter les décisions de M. Clancy jusqu’à se le mettre à dos en fin de partie, alors que l’Irlandais semblait plutôt bien disposé à l’égard des Clermontois en première période…
AZÉMA : « ON N’A PAS JOUÉ EN ÉQUIPE »
Logique ? Eh oui, malheureusement. Car si l’ASMCA se voit désormais réduite à jouer la réussite de sa saison sur le seul match de samedi, difficile de parler de hasard. Sujets à de vertigineux trous d’air depuis le début de la saison, les Clermontois ont tout simplement renoué samedi avec leurs vieux démons. « Les Saints ont modifié leur défense qui est devenue beaucoup plus agressive, notamment pendant les vingt premières minutes, nous avait confié avant le match Sébastien Vahaamahina. Il va falloir leur rentrer dedans d’entrée de jeu. » Le problème ? C’est qu’après avoir récité leur plan au « presque-parfait » et inscrit deux essais magnifiques, les Clermontois n’ont pas maintenu ce niveau d’exigence au-delà du cap des vingt minutes, retombant illico dans la facilité, à l’image de tentatives de passes après contact plus dignes des Harlem Globe Trotters que d’une équipe de rugby. « On
n’a pas joué en équipe et ce qui m’agace, déplorait un Franck
Azéma au regard noir. Chacun a joué sa petite partition, fait sa petite brèche et jeté le ballon en l’air, sans regarder… Il n’y avait rien de consistant, et c’est ce qui m’inquiète. »
LE SYMBOLE DU JEU AÉRIEN
La référence va, entre autres, à ce dernier ballon intercepté trop facilement par Reinach, qui amena le dernier essai des Saints synonyme de défaite à zéro point. Mais surtout à un manque de détermination dans le secteur du jeu aérien, qui a coûté extrêmement cher aux Auvergnats. De l’atermoiement entre Abendanon et Toeava sur l’essai de Tuitavake à celui de Pisi consécutif à une diagonale captée par Horne sur la tête de Rémy Grosso, en passant par l’en-avant de Lamerat sur la passe au pied de McAlister qui ouvrit finalement la voie de la contre-attaque à Ben Foden, sans oublier deux renvois manqués par Van der Merwe et plusieurs traques fautives (dont celle de Grosso, qui provoqua le temps fort décisif anglais), l’ASMCA a payé un trop lourd tribut dans le secteur des ballons hauts pour pouvoir exister. « Mais ça aussi, c’est imputable à notre manque d’envie, pestait Azéma. Parce que quand tu te livres complètement, quand tu t’imposes devant l’adversaire, les bons rebonds sont pour toi. C’est un sport de combat collectif dans lequel il faut se battre pour l’équipe et ce soir, je n’ai pas senti ça chez tout le monde. » C’est donc une âme, rien que cela, que les Clermontois devront retrouver pour s’éviter l’infamie d’une élimination à domicile face aux Ospreys, ce qui passera par retrouver foi en leur jeu pendant 80 minutes. Espérons au moins qu’à ce titre, la leçon dispensée par ces Saints patrons aura été retenue…