Midi Olympique

LA VIE EN MOROSE

MONTPELLIE­R GIFLÉS ET EMPORTÉS PAR LES FORMIDABLE­S SOLDATS ROSES D’EXETER, LES JOUEURS HÉRAULTAIS ONT PU MESURER LE CHEMIN QU’IL LEUR RESTAIT À PARCOURIR POUR DEVENIR UN GRAND D’EUROPE. NOTAMMENT DANS L’APPROCHE ET L’ÉLABORATIO­N DE LEUR JEU.

- Par Jérémy FADAT, envoyé spécial jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Si la deuxième mi-temps eut été un remake des Tontons Flingueurs, on aurait alors dit qu’on a retrouvé les Montpellié­rains éparpillés façon puzzle. Il faut dire que le décor, cet anachroniq­ue Sandy Park plongé dans l’épais brouillard du Devon, est une scène de thriller à lui seul. Ici, le ciel vous tombe sur la tête et les hommes de Vern Cotter l’ont pris en pleine gueule. Emportés par la vague rose des soldats de Rob Baxter. « Ça fait mal de prendre 40 points mais on a quand même vu un écart entre les deux équipes aujourd’hui, lâchait Louis Picamoles après la rencontre. Déjà sur la maîtrise du rugby et la capacité à scorer dès qu’il y en a l’occasion. » Effectivem­ent, il y avait une classe entre les deux formations, laquelle s’est matérialis­ée après la pause. Dans ces douloureux instants où Exeter et MHR ne semblaient plus évoluer dans la même catégorie. « Ce que je retiens, c’est d’abord notre manque de lucidité dans les moments difficiles, avoue Kélian Galletier. Volontaire­s, nous le sommes forcément. Mais, au rugby, il faut être capable de mettre de l’intensité dans le combat et de l’allier à de l’intelligen­ce de jeu. » Surtout quand il s’agit du plus haut niveau européen. Le club héraultais a beau caracoler en tête du Top 14, il n’en devient pas un géant du continent pour autant. À vrai dire, il y a une forme de logique dans cette histoire. Parce que, depuis des semaines, le scénario se répète : des défaites sans gloire à zéro point à l’extérieur, des victoires parfois trompeuses à cinq points à domicile. Mais ce qui suffit à sauver les apparences dans le championna­t domestique conduit à votre perte à l’étage au-dessus. Une question de philosophi­e. Celle des Chiefs est de proposer un jeu ultra ambitieux et dynamique, qui a fait exploser son adversaire. Celui vers lequel doivent désormais tendre les Montpellié­rains. « On est dans cette idée, reconnaît Galletier. De toute façon, on voit comment on défend nos ballons portés… C’était une de nos forces, grâce à notre puissance, sur laquelle on s’appuyait ces derniers mois. Il va falloir la retirer et s’orienter vers des séquences de trois, quatre, cinq minutes. Le haut niveau, c’est faire des choses simples mais à très haute vitesse. C’est une évolution mais il faut du jeu aéré. » Une mutation nécessaire à la maturation de ce MHR, qui prend du temps. Ce temps qu’il n’avait pas samedi. Jamais. Jusqu’à finir à bout de souffle. « On veut garder nos points forts mais les équipes nous connaissen­t, donc défendent bien les mauls, note Vern Cotter. Après, on doit avoir la capacité de changer notre fusil d’épaule et de jouer différemme­nt. Ce n’est pas encore acquis. » Mais c’est ainsi, seulement ainsi, que le club ira chercher des titres.

PICAMOLES : « ON EST EN TRAIN DE CONSTRUIRE »

En clair, depuis l’été dernier, la machine de Mohed Altrad s’est munie de bases solides. Dans son effectif et son système. Samedi, elle venait, au-delà même de tout espoir de qualificat­ion, pour s’évaluer et savoir où elle en était. Douloureux retour sur terre ? « Non, je n’ai pas l’impression au quotidien de voir une équipe qui se croit arrivée ou se sent supérieure, assure Picamoles. On savait que ça serait dur. Exeter est la meilleure équipe anglaise qui se construit depuis six ou sept ans. Il en récolte les fruits depuis deux ou trois ans. Les joueurs évoluent ensemble depuis un moment, se connaissen­t par coeur, maîtrisent tous leur système de jeu. Nous, on est en train de construire. Il y a du positif mais il reste beaucoup de travail. » De là à dire que toute gifle est aussi salvatrice que bénéfique… « On n’aime pas ça, répond Cotter. Mais cette expérience acquise va nous rendre service. » Les visages meurtris de ses hommes laissaient transparaî­tre qu’ils n’étaient pas encore prêts à laver l’affront. Sous le choc d’une petite humiliatio­n. Cotter veut regarder plus loin : « J’étais venu à Exeter avec Clermont en 2013 alors que cette formation était déjà montée en Première Division. Petit à petit, elle a trouvé une forme de jeu et une complément­arité. On n’a pas encore ce lien fort, cette cohésion, mais ça va venir. On n’en est qu’au début de l’aventure. On va encaisser ce genre de moments difficiles mais, le plus important, c’est de garder la tête haute et d’apprendre. » Même si les présences des Du Plessis, Picamoles, Pienaar, Cruden, Steyn ou Nadolo dans le groupe vous obligent évidemment à aller plus vite que les autres. « Ce revers est amer mais cela ne veut pas dire que je ne vais pas me relever pour aller battre le Leinster, promet Galletier. Il est interdit de perdre chez nous. » Un ultime match de poule samedi, certaineme­nt en guise d’adieu à la Champions Cup. Même si Cotter veut y croire : « Si on marque quatre essais, on peut finir avec 18 points. Avec 18 points, si Exeter n’arrive pas à gagner à Glasgow, on peut finir meilleur deuxième. Donc à voir quels seront alors les trois meilleurs deuxièmes… » Première leçon : ne pas tendre l’autre joue.

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Photo Archives Les Montpellié­rains de Kélian Galletier et Nicolaas Van Rensburg, ont subi la loi des Chiefs d’Exeter. Les hommes de Vern Cotter repartent d’Angleterre avec plus de 40 points encaissés.

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