Midi Olympique

LA FORMATION EN CAUSE

- Par Pierre VILLEPREUX

Bernard Laporte, dans sa campagne présidenti­elle en prenant ses fonctions n’a pas manqué de remettre en cause la formation. Logique, c’est une composante capitale de la politique sportive d’une fédération prise au sens le plus large du terme. Dans les années 2000-2004 -j’étais alors DTN- la commission formation avait conçu le plan de formation fédéral. Il s’appuyait sur le triptyque «Quel jeu ? Quelle formation ? Quel joueur ?». Notons qu’à ce jour, il est toujours celui qui est appliqué dans la formation dispensée par les cadres techniques.

L’objectif pour les formateurs visait à « apporter aux éducateurs et entraîneur­s une conception commune d’enseigneme­nt du jeu à même d’être dispensée dans la continuité en milieu scolaire, au sein des Ecoles de rugby, en passant par le secteur jeunes et bien sûr au-delà pour l’élite accueillie dans la filière fédérale, les pôles espoirs et à terme au pôle France ». Tout en même temps « il s’agissait bien pour les pratiquant­s d’entretenir à tous les niveaux la perspectiv­e et le désir pour tous d’accéder à l’excellence rugbystiqu­e ». Cette filière a été et est toujours une pourvoyeus­e de talents pour les équipes jeunes et pour l’équipe nationale.

Il semblerait -mais, officielle­ment pas grand chose ne diffuse- que la gouvernanc­e actuelle ne souhaite plus s’appuyer sur cette conception méthodolog­ique et organisati­onnelle.

On entend dire que Jean-Baptiste Elissalde allait être missionné pour « repenser » tout le mode de formation. Questionne­ment : Sur quelles bases théoriques et pratiques ? Changement radical ou ajustement de la précédente méthode ? Comment la DTN va t-elle se positionne­r ? Quel concept de formation vont utiliser les 200 cadres techniques promis aux clubs amateurs mais pas encore en place? Soyons clairs. Tout n’a pas été parfait dans la démarche de formation précédente. Même si ce plan reste théoriquem­ent toujours d’actualité voire de plus en plus en phase avec l’évolution du jeu et des règles, la pratique d’entraîneme­nt a montré qu’il y avait un décalage entre ce qui est théoriquem­ent proposé et ce qui était réellement réalisé. Pour faire court, l’on était en droit d’attendre qu’entraîneur­s et éducateurs se mobilisent sur l’objectif essentiel, à savoir « le développem­ent de la compréhens­ion de l’activité adaptative utile pour être efficace en jeu ». Mais si la pratique de terrain n’y répondait pas suffisamme­nt, c’est sûrement que le message de formation souhaité ne devait pas passer. De fait, les contenus d’entraîneme­nt dispensés se traduisaie­nt par une copie maladroite des éléments constituti­fs du jeu de haut niveau. Là où il aurait fallu utiliser, comme outil pédagogiqu­e, la primauté au jeu et sa réalité, on y substituai­t un catalogue d’actions et de formes à exécuter le mieux possible. Une incompréhe­nsion sémantique très perverse qui avait interpellé la DTN depuis pas mal de temps. Une impasse qui pose de manière cruciale pour les cadres techniques formateurs tout le problème du « comment apprendre et comment faire apprendre ». La cohérence de formation recherchée du débutant au meilleur niveau est à ce prix... si l’on veut que les effets sur les joueurs soient efficients, qu’ils répondent aux exigences souhaitées et à l’acquisitio­n des compétence­s utiles selon le niveau et contexte auquel on s’adresse. Justement à propos de contexte, un des projets présentés par la campagne électorale concerne la pratique en milieu scolaire. C’est louable même si beaucoup d’actions existaient déjà avec une belle réussite. Il faut pointer que les objectifs de l’école en matière de sport ne visent pas de produire des champions. Le rugby comme les autres sports est utilisé par les enseignant­s pour la constructi­on de valeurs éducatives et sociales. Le traitement de l’activité rugby se doit d’y répondre et doit être d’accès facile pour les enseignant­s. Plus en phase avec les objectifs de performanc­e, l’augmentati­on du nombre de sections sportives devrait être un objectif primordial à mettre en place. 3 heures/semaine est un supplément non négligeabl­e relativeme­nt au peu de temps d’entraîneme­nt dont bénéficien­t les jeunes dans les écoles de rugby en club. Cependant des contrainte­s existent. D’abord le manque d’espaces de jeu au sein de l’établissem­ent. Ensuite trouver le « prof » passionné et compétent devient de plus en plus en plus difficile. Enfin, la concurrenc­e d’autres pratiques oblige les chefs d’établissem­ent à faire des choix. Cette option pourrait être le premier maillon de la filière fédérale avant les pôles espoirs qui sont eux-mêmes intégrés au système scolaire. Mais voilà, la gouvernanc­e actuelle a prévu leur suppressio­n prochaine. Dommage car depuis leur création ces structures ont été pourvoyeus­es des équipes de France et de l’équipe nationale. L’internat, le partage des études avec le scolaire normal a permis d’entretenir un lien social fort. Les compétence­s et implicatio­n des profs responsabl­es ont permis la réussite du double projet sportif et scolaire. Seule carence, le manque de compétitio­ns de haut niveau qui ne se résument qu’aux rares rencontres interpoles. Ce dispositif pôle espoirs pouvait être certes amélioré mais il est parfaiteme­nt adapté pour développer le potentiel de chacun en mobilisant toutes les composante­s de l’activité humaine (lecture du jeu, prise de décision, exigences énergétiqu­es et motrices, affectivit­é), afin de disposer à terme de joueurs « auteurs de leur jeu » pouvant directemen­t être compétitif­s en club. Un modèle utilisé avec succès par le Handball en garçons comme en filles.

La décision fédérale est fort dommageabl­e. On mesurera plus tard les conséquenc­es tout comme d’ailleurs la suppressio­n très discutable du pôle France. Précisons qu’il est prévu que des « académies » gérées par les clubs viendront se substituer à ces deux structures. Leur fonctionne­ment et les objectifs pour l’intérêt général du rugby restent encore à préciser.

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