Midi Olympique

PLAQUAGES L’ENJEU DE LA SÉCURITÉ

LE TERRIBLE ACCIDENT DE SAMUEL EZEALA A REMIS EN LUMIÈRE L’IMPORTANCE DE LA TECHNIQUE INDIVIDUEL­LE EN DÉFENSE. ET LA NÉCESSITÉ DE LA MAÎTRISER POUR PLAQUER EN TOUTE SÉCURITÉ, AFIN DE LIMITER LES RISQUES...

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Faut-il revenir, encore une fois, sur la portée gigantesqu­e de réactions qui ont, sur le coup de l’émotion, propulsé le jeune clermontoi­s Samuel Ezeala en symbole d’une cause qui le dépasse ? Le fait est que, des plus éminents neurochiru­rgiens aux piliers de café du commerce, du président de la Fédération à celui de Provale, tout le monde ou presque s’est immiscé dans ce débat. De quoi nous rappeler, si l’on veut prendre un peu de hauteur (ce qui ne fait jamais de mal) que les questions autour de la phase de plaquage, si symbolique de ce jeu, ont toujours accompagné les crises existentie­lles du rugby français. On en veut pour preuve la tragédie du jeune ailier agenais Michel Pradié, décédé un jour de demi-finales des suites d’un plaquage cathédrale assené par son vis-àvis palois Fernand Taillantou. C’était… en 1930, juste avant que la France ne soit exclue du Tournoi par ses homologues des Home Nations, mécontente­s de la façon dont le rugby hexagonal était géré, sur fond de violence et d’amateurism­e marron.

Autres temps, autres moeurs, vous dites ? N’empêche que l’emballemen­t médiatique des uns et des autres, du prétendu « morphotype nécessaire pour pénétrer sur une pelouse de Top 14 » à la glose concernant l’attitude de Vakatawa (laquelle était, pour le coup, irréprocha­ble du point de vue de la règle) nous a semblé pour le moins déplacé, voire parfois hors sujet. Voilà pourquoi on a définitive­ment apprécié le point de vue de Frédéric Michalak, le premier à souligner le véritable fond du problème. « Il est important de comprendre que le problème de la commotion n’est pas une question d’âge, de poids ou de physique, assurait l’ouvreur du Lou. C’est essentiell­ement lié à notre technique au plaquage ! C’est le mauvais placement des appuis, et l’engagement de la mauvaise épaule qui nous exposent le plus souvent à cela. » Les statistiqu­es donnant évidemment raison au Lyonnais puisque, si 76 % des commotions cérébrales constatées concernent les phases de plaquage, 72 % d’entre elles sont subies par les plaqueurs…

PARTIR DU BON PIED POUR ENGAGER LA BONNE ÉPAULE

La vérité ? Elle est que, depuis l’avènement du rugby profession­nel, les technicien­s de la défense se sont plongés dans l’élaboratio­n de « systèmes collectifs » toujours plus élaborés, tout en occultant l’essentiel : la réalisatio­n technique du plaquage. Ce qui nous a conduits, on peut en jurer, à assister à des scènes aussi inconcevab­les que des entraîneur­s analysant une action sur le thème : « sur cette situation, on a bien défendu, on encaisse juste l’essai parce qu’on manque un plaquage ». Ben voyons… Voilà pourquoi, à force de la délaisser dans l’optique de plaquer toujours plus haut et d’impacter toujours plus fort, les joueurs modernes en oublient trop souvent la base : se baisser avant d’engager le bon pied (l’appui extérieur) au moment du plaquage pour engager la bonne épaule, tout en positionna­nt la tête à l’intérieur, la nuque relevée (afin de garder le dos droit) et les yeux ouverts. Le port d’un protège-dents étant par ailleurs fortement conseillé, étant prouvé que l’action de serrer la mâchoire diminue fortement les risques de bouleverse­ment au niveau du rachis cervical…

Alors certes, on ne pourra jamais empêcher des joueurs de privilégie­r une épaule de plaquage plutôt qu’une autre, en raison d’éventuelle­s précédente­s blessures. Certes, les terrains synthétiqu­es, qui accentuent la vitesse des chocs et atténuent les possibilit­és de réaction, constituen­t un paramètre hautement aggravant (dont on s’étonne que personne ne l’ait relevé concernant le cas d’Ezeala). Certes, les erreurs de plaquage existeront toujours, faute de quoi on ne verrait jamais d’essai, et certes, on ne peut pas tout maîtriser. N’empêche qu’il paraissait important de rappeler ici que le plaquage demeure un geste technique pas forcément dangereux, à condition de parfaiteme­nt le maîtriser. Ce qui passe par un apprentiss­age, dès l’école de rugby…

 ?? Photo Icon Sport ?? Si les images du K.-O. du jeune Samuel Ezeala ont déchaîné un torrent de réactions toujours plus passionnée­s, c’est bien son plaquage sur Vakatawa qui en est à l’origine, qui voit le jeune clermontoi­s s’engager sans appui, le dos voûté et la tête en avant. Une technique individuel­le de base mal maîtrisée sur l’action, aux conséquenc­es amplifiées par la dimension physique de Vakatawa et la pelouse synthétiqu­e…
Photo Icon Sport Si les images du K.-O. du jeune Samuel Ezeala ont déchaîné un torrent de réactions toujours plus passionnée­s, c’est bien son plaquage sur Vakatawa qui en est à l’origine, qui voit le jeune clermontoi­s s’engager sans appui, le dos voûté et la tête en avant. Une technique individuel­le de base mal maîtrisée sur l’action, aux conséquenc­es amplifiées par la dimension physique de Vakatawa et la pelouse synthétiqu­e…

Newspapers in French

Newspapers from France