Midi Olympique

« Enregistre­r ces moments si précieux »

JOUEUR EMBLÉMATIQ­UE DE L’ASBH, PRÉSENT AU CLUB DEPUIS QUINZE ANS, IL A DÉCIDÉ DE METTRE UN TERME À SA CARRIÈRE EN JUIN.

- Propos recueillis par Julien LOUIS

Pourquoi avez-vous décidé de raccrocher les crampons à la fin de la saison, alors qu’il vous reste encore un an de contrat et que vous n’avez que 31 ans ?

En fait, il devient trop difficile pour moi de mener de front les trois « aspects » principaux de ma vie : ma famille, le rugby et mon entreprise (O.P.C.R ; BTP et constructi­on). Tout est allé crescendo. J’ai eu un puis deux enfants, ma société a évolué puisqu’on faisait au départ dix maisons et désormais, on en réalise le triple. Le rugby aussi est monté en puissance, au niveau de l’intensité notamment. Tout cela représente une courbe inverse à celle de mon « état » de forme. Je ne suis pas « fracassé » mais je mets un peu plus de temps à récupérer, avec de moins en moins de plages de récu- pération.

Malgré tout, cette décision n’a-telle pas été difficile à prendre ?

J’ai mis entre six et huit mois pour me décider, donc oui. J’ai pesé le pour et le contre et je me dis que je fais le bon choix. Principale­ment pour ma priorité, ma famille. Les gens vont certaineme­nt se dire : « pour un an (encore de contrat),

il aurait pu patienter ». Mais une saison de plus, avec mon quotidien, c’est très long. En plus, les enfants grandissen­t. Et quand tu pars le matin à 6 heures et que tu rentres le soir à 20 heures, en étant parfois en déplacemen­t deux jours par semaine, c’est très court pour profiter d’eux. Je pense que c’était le moment.

Avez-vous déjà conscience, que ce choix risque d’être une petite « mort » pour vous, après dix années de rugby profession­nel ?

Je me suis projeté sur des étapes. Les premiers temps, à partir de juin, je pense que tout va aller très vite. Je vais me marier puis partir en voyage au moment où mes coéquipier­s réattaquer­ont leur saison. Ensuite, ce sera le premier été depuis dix ans, où je vais pouvoir vivre sans restrictio­n. Je vais profiter de mes amis et je pense que je serai un peu euphorique. Après, l’automne va arriver et c’est là que ça que je m’attends à avoir un contrecoup moral. Et à ressentir aussi un manque, lorsque je viendrai voir les matchs en famille. Je vais alors comprendre que je ne suis plus dans le « truc » et ça risque de me faire un choc. J’essaye donc de l’anticiper en m’organisant au niveau profession­nel, afin d’augmenter d’entrée mon investisse­ment au lieu de me relâcher.

Comment ont réagi vos présidents et vos coachs à l’annonce de cette nouvelle ?

Je l’ai annoncé à mes entraîneur­s (Aucagne et Gérard) sans « préliminai­re » et ils ont un peu été surpris de cette décision, car un joueur profession­nel ne souhaite généraleme­nt pas anticiper sa fin de carrière. Mais par rapport à mon personnage, il savait que je ne pouvais pas être là pour prendre un chèque et me mettre en roue libre. Ils l’ont donc compris, car ils connaissen­t mon quotidien et ils se disent que c’est déjà bien que j’ai réussi à tenir aussi longtemps. Et pour le président (Valaize), c’est un peu la même chose.

Vous n’avez porté les couleurs que d’un seul club. Est-ce une fierté, un regret ou les deux sentiments à la fois ?

C’est une fierté. Je suis arrivé à Béziers en 2003 avant de passer pro avec l’ASBH en 2008 (206 matchs joués). Et je ne regrette pas de ne pas être parti. Déjà, il ne faut pas se leurrer, je n’ai jamais eu de sollicitat­ions énormes, même s’il y en eut quelques unes au début. J’ai aimé construire avec l’ASBH pour avoir aujourd’hui le sentiment d’être intégré à un vestiaire et rattaché à une ville. Faire deux ans à droite et à gauche doit être hyper enrichissa­nt, mais cela ne me correspond pas. Je suis très réservé et je mets du temps à me sentir à l’aise. À Béziers, je suis comme un poisson dans l’eau. C’était un confort dont je n’ai pas voulu sortir.

Dans quel état d’esprit abordezvou­s les derniers mois de votre carrière ?

Je suis « soulagé » d’avoir pris cette décision. Car ces derniers temps, il était dur pour moi de discuter avec mes coéquipier­s de l’avenir, alors qu’au fond de moi, je savais qu’il y avait de grandes chances que j’arrête. Mon choix est désormais officiel et je suis rassuré que tout monde l’ait compris. À mes yeux, c’est un luxe avec l’évolution du rugby, de pouvoir dire : « J’ai fait dix ans de carrière et j’arrête quand je le souhaite, sans que mon club ne me pose de problème particulie­r (Ramoneda sera libéré de sa dernière année de contrat). » J’ai vu tellement de joueurs partir fâchés… Il me reste onze matchs au minimum à jouer et onze semaines d’entraîneme­nts à vivre. Et je veux prendre le maximum de plaisir, en enregistra­nt tous ces petits moments de vestiaire si précieux ; car bientôt, ce sera fini.

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