Doubles peines
Tous ceux qui connaissent et aiment pour autant le rugby en sont conscients : dans aucun autre sport au monde, l’influence d’une tierce personne est aussi grande sur le score. Et par tierce-personne, on désigne bien sûr l’arbitre. Une des raisons peut-être, parmi tant d’autres, du sacro-saint respect de l’arbitre dans notre sport, ainsi que de l’importance de la discipline. D’autant plus primordiale que le rugby demeure probablement la seule discipline dont, même au niveau professionnel, les acteurs ne connaissent pas toutes les subtilités de la règle. Ce qui vaut pour les joueurs comme pour les entraîneurs, ainsi qu’on en a la preuve tous les week-ends.
Ce préambule pourquoi, au juste ? Tout simplement pour, après avoir rappelé l’importance prise par les arbitres sur le scénario d’un match (ce qui n’a jamais été aussi vrai aujourd’hui, avec le grade distribution de cartons inhérents à la répression des plaquages dangereux), estimer que dans l’intérêt de l’équité des débats, le législateur ferait bien de trouver un moyen de la réduire. Et à ce titre, la première évidence qui nous vient à l’esprit consisterait à supprimer la fameuse « double peine », ce genre de sanction qui permet invariablement de faire basculer un match. Laquelle se trouve prévue dans les textes, selon la règle 8 : « le joueur qui a commis l’infraction sanctionnée d’un essai de pénalité doit être averti et temporairement ou définitivement exclu. »
Mais pourquoi donc, grands dieux ? Du temps d’un autre rugby, on veut bien entendre que la double sanction demeurait un handicap susceptible d’être comblé. Mais dans le jeu moderne, aux temps de jeu effectifs toujours plus importants, qui ne supportent pas la moindre erreur ? Le cocktail essai de pénalité / carton jaune revient, tout simplement, à accorder la victoire avant l’heure. D’autant plus sensible qu’en y réfléchissant un peu, la double peine demeure l’unique cas de figure où la règle de l’avantage ne s’applique pas dans le rugby (si l’on veut bien considérer que 7 points sonnants et trébuchants constituent un avantage suffisant…). Un cas d’autant plus sensible dans des circonstances jamais autant observées que cette saison, à savoir celles des en-avant volontaires à proximité des lignes d’en-but. Que pareille faute soit sanctionnée d’un carton jaune ? C’est d’une parfaite évidence. Mais d’un essai de pénalité en plus ? On ne voit pas la logique, la règle stipulant que pour être accordé, l’essai de pénalité doit correspondre à une situation où le défenseur « commet un jeu déloyal empêchant un essai qui aurait probablement été marqué ». Mais dans ces situations, comment peut-on justement être certain que le réceptionneur aurait bien capté le ballon ? Le législateur n’a-t-il jamais vu un ailier commettre un enavant en bout de ligne ? Vaste question, qui permet toutefois en attendant à « de pénalité » de truster et de loin la tête du classement des marqueurs d’essais, et aux arbitres de régner en maîtres sur le sort d’une partie. Pas vraiment l’essence du sport, pas vrai ?