LES « ANTIDOPAGE » GARDENT LA MAIN
C’était une décision très attendue. Dans un arrêt prononcé jeudi, la Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée sur le dispositif de localisation des sportifs, pan essentiel de la stratégie de lutte contre le dopage de l’Agence Mondiale Antidopage. Et elle l’a validé. Ce qui signifie que les requêtes émanant de sportifs français, des syndicats de sports collectifs, dont Provale, ainsi que de la cycliste Jeannie Longo, ont été déboutées. Selon les plaignants, l’obligation imposée aux sportifs de fournir leur emploi du temps et un créneau d’une heure par jour (de 6 à 23 heures) pour être contrôlés par surprise constitue une atteinte intolérable à la vie privée, en violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans son arrêt, la CEDH reconnaît l’impact sur la vie privée mais considère « que les motifs d’intérêt général qui les rendent nécessaires sont d’une particulière importance et justifient les restrictions apportées aux droits accordés par l’article 8 de la Convention […] Elle estime que la réduction ou la suppression de ces obligations conduirait à accroître les dangers du dopage pour la santé des sportifs et celle de toute la communauté sportive et irait à l’encontre de la communauté de vue européenne et internationale sur la nécessité d’opérer des contrôles inopinés pour conduire la lutte antidopage. »
L’EXCEPTION FRANÇAISE
C’est donc une déception pour les sportifs concernés et leurs représentants, notamment la Fédération Nationale des Associations et Syndicats de Sportifs (FNASS). Il ne s’agit pas d’une surprise toutefois, confirme le directeur de Provale Jean-François Reymond : « Le système judiciaire a encore une fois laissé tomber les athlètes… Mais ce n’est pas une vraie décision de justice, c’est politique. Un vrai travail de lobbying a été fait de la part de la communauté antidopage auprès de la CEDH donc nous ne sommes pas surpris. »
Les rugbymen devront donc continuer d’être localisables durant une heure chaque jour tous les jours. Et même plus. Car depuis la plainte déposée en 2011, le code mondial a évolué. « Aujourd’hui, on a droit aux contrôles de nuit, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, détaille JeanFrançois Reymond. Il faut une commission rogatoire d’un juge et je ne suis pas persuadé que l’AFLD l’ait utilisé en France depuis sa mise en place mais cela existe. » Les sportifs français, rugbymen y compris, n’ont toutefois peut-être pas dit leur dernier mot : « Une réunion avec les autres syndicats sportifs aura lieu le 29 janvier pour savoir si nous faisons appel devant la grande chambre de la CEDH, sur la base de cette évolution du système, qui n’était pas le même en 2011. »
Les joueurs des sports collectifs français sont toutefois moins mal lotis que leurs homologues des sports individuels. Depuis près de deux ans, un accord tacite — et qui ne figure donc dans aucun texte — a été passé avec l’AFLD, qui stipule que la localisation est désormais à la charge des employeurs, et donc des clubs. Ces derniers doivent rendre des plannings hebdomadaires à tous les médecins référents de leur région, qui plannifient ensuite les contrôles. Ainsi, tous les joueurs de Top 14 et de Pro D2 sont potentiellement contrôlables. « Cela correspond plus à la réalité de notre pratique et facilite vraiment la vie des sportifs, qui ne sont plus contrôlés à leur domicile mais sur leur lieu d’entraînement, détaille le directeur de Provale. Cet accord, dont l’AFLD ne souhaitait pas trop que nous parlions dans un souci d’équité avec les sports individuels, est intéressant, notamment pour le rugby où les joueurs sont dans les clubs de 8 à 17 heures généralement […] Il n’est pas parfait mais l’AFLD, depuis l’arrivée de Damien Ressiot (le directeur du département des contrôles, N.D.L.R.), a voulu renouer le dialogue et cet accord va dans le bon sens. » La France est le seul pays du monde où un tel dispositif existe et pourrait servir d’exemple à l’avenir.