« Une part d’instinct aussi »
Quel regard portez-vous sur ces essais marqués dans d’improbables positions ?
C’est la conséquence de défenses toujours plus performantes : comme il y a de moins en moins d’espaces libres, il faut profiter du moindre intervalle, quitte à aller marquer de façon acrobatique. Techniquement, on peut travailler certains aspects. Par exemple, la réception d’un coup de pied transversal, comme cela se fait beaucoup aujourd’hui, ou encore les attitudes et les appuis. À mon sens, cette faculté à marquer dans des positions improbables tient beaucoup à une part d’instinct. Nous, les ailiers, nous sommes tous pareils : à chaque match, il faut qu’on marque. Sinon on n’est pas bien. Alors à chaque fois que l’on s’approche de la ligne, il faut qu’on marque. Peu importe comment. Quitte à plonger, sauter, se retourner… Il faut cultiver cet esprit, le développer tout au long de sa carrière. Il faut être frustré quand on ne marque pas. D’autant que dans le rugby moderne, les ailiers sont beaucoup plus libres : par le passé, on nous demandait de rester sur notre ligne. Aujourd’hui, on nous encourage à nous proposer partout sur le terrain.
Cela ne se travaille pas mais cela se cultive donc ?
Oui, c’est une sorte d’état d’esprit. C’est comme la défaite. Il faut refuser de s’y habituer, et même de l’accepter. En tout cas cette frustration de ne pas marquer me sert à avancer. Il faut garder cette part de frustration. L’un des meilleurs exemples, c’est Marc Andreu, qui n’a que peu joué avec le Racing 92. Quand on joue peu, on a tendance à perdre la confiance, le rythme, les repères, l’instinct de tueur, des choses comme ça. Lui, c’est l’inverse. Tout au long de sa carrière, il a cultivé cet instinct de tueur qui fait qu’aujourd’hui, il bonifie chaque ballon ou qu’il marque à chaque fois qu’il en a l’occasion.
Défensivement, comment vous adaptez-vous à des joueurs coutumiers de ce genre d’essais ?
On adapte toujours sa défense à l’adversaire qui se trouve en face de nous. Pour prendre deux morphotypes opposés, on ne défend pas pareil sur David Smith ou sur Nemani Nadolo. Pour ce dernier, il faut monter très vite dessus pour l’empêcher de prendre de la vitesse et se jeter dans les jambes pour espérer l’arrêter. Avec David, c’est différent : si vous vous jetez trop, il vous efface avec un appui. Il faut donc s’adapter à l’adversaire et à ses points forts : explosif, costaud, fort sur les ballons hauts…
Même s’il y a une grande part d’instinct, ne faut-il pas conserver de bons repères visuels pour réussir à marquer n’importe comment ?
Tout à fait. Il faut garder la ligne d’enbut à l’esprit. En club, on travaille par exemple la vision périphérique mais cela ne concerne pas encore tous les joueurs. Chez nous, notre préparateur physique Grégory Marquet travaille la vision périphérique avec Yohan Le Bourhis par exemple. Ça peut être utile à tout le monde en effet. Dans ce genre de situation, les choses vont si vite que l’instinct prend le pas sur la technique.