Midi Olympique

« J’avais un rêve »

GREG COOPER - MANAGER DU STADE FRANÇAIS DIMANCHE, AU COUP DE SIFFLET FINAL DE CE STADE FRANÇAIS - PAU, IL QUITTERA LA CAPITALE. POUR NOUS, IL REVIENT SUR LES RAISONS L’AYANT POUSSÉ À METTRE UN TERME À SON AVENTURE PARISIENNE.

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Il lui a fallu rassembler à la hâte les vestiges de deux années de vie, fourrer le tout dans quatre immenses sacs de sport puis « laver l’appartemen­t de fond en comble ». À Jean Bouin, Greg Cooper a posé les yeux avec une tendresse particuliè­re sur toutes les petites choses qui faisaient jusque-là son quotidien : « Je me promène et je me dis : « Tiens, c’est la dernière fois que je passe ici, la dernière fois que je rencontre cette personne ». Émotionnel­lement, c’est dur. Mais j’essaie de mettre mes sentiments de côté. Je suis un coach profession­nel et mon boulot reste de placer le Stade français dans les meilleures conditions possible. » Porte de Saint-Cloud, le manager du Stade français a reçu des montagnes d’hommage au moment où il annonçait rentrer en Nouvelle-Zélande pour s’occuper de sa plus jeune fille, atteinte de la maladie de Crohn. « À chaque fois qu’un salarié ou un joueur du Stade français m’a dit : « Merci Greg », j’ai à la fois ressenti une immense fierté et une profonde tristesse. Merci est un mot simple mais qui veut dire beaucoup… » De Paris, le Néo-Zélandais regrettera « l’incroyable énergie se dégageant de la cité », ces matins où il se perdait délibéréme­nt dans les rues de la capitale, ces promenades où le mordu d’histoire qu’il demeure s’attardait sur les colonnes d’une église baroque, le bas-relief d’un immeuble haussmanni­en ou les mystères d’une galerie. « Ma maman, qui a perdu la vie l’an passé, était croate. Je crois que je me sens bien, de ce côté-ci de la planète. Ce doit être la parole du sang. » Passé le dernier acte de son aventure parisienne, Greg Cooper rejoindra l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande, laissant à Julien Dupuy, Olivier Azam et John Haggart (celui-ci s’occupera désormais de l’attaque parisienne) un bébé qualifié en quarts de Champions Cup et, dans le cas d’une victoire face à la Section paloise, toujours en course pour les phases finales du Top 14. Mais ces hommes-là ont-ils été en froid, à un moment ou à un autre de leur cohabitati­on ? C’est en tout cas ce qu’il se murmure en coulisses. « Il existe des désaccords dans tous les staffs du monde. Mais c’est le débat qui fait avancer les hommes ! Je pars en gardant, très sincèremen­t, un immense respect pour Olivier (Azam, N.D.L.R.) et Julien (Dupuy). Ils feront du super boulot pour le Stade français. »

Et les joueurs, alors ? « Le Stade français a ses stars, ses facteurs X : Waisea, Danty, Camara, Macalou ou Parisse en font tous partie. Mais cette équipe a tout autant besoin de ses gros travailleu­rs : Paul Gabrillagu­es l’an passé, Mathieu De Giovanni aujourd’hui. Mathieu, c’est 104 plaquages réussis pour aucun raté cette saison. Vous savez, il faut les mettre en avant, les soldats de l’ombre. En Nouvelle-Zélande, beaucoup de joueurs n’ont pas eu la reconnaiss­ance qu’ils méritaient parce qu’ils n’étaient pas assez flashy. Reuben Thorne, l’ancien capitaine des All Blacks, est de ceux-là. »

LE SURVIVANT

Greg Cooper sait déjà ce qu’il fera, à l’instant où il posera le pied à la pointe Sud de la Nouvelle-Zélande : « Je vais monter sur mon vélo et escalader les montagnes de Dunedin. Je vais prendre du temps pour moi et, surtout, en consacrer à ma fille (21 ans). Elle est forte mais elle a besoin de son papa. Autant que son papa a besoin d’elle. »

De ce que l’on sait, Cooper a pourtant les épaules larges et le cuir endurci par les affres d’une enfance insupporta­ble : « J’avais 15 ans lorsque les médecins m’ont diagnostiq­ué un cancer des os. Ils avaient alors annoncé à mes parents qu’il me restait six mois à vivre. À l’époque, seuls 8 % des malades résistaien­t à ce type d’affection. Et encore, les survivants étaient ceux dont les métastases étaient concentrée­s dans les bras ou jambes : ils s’en sortaient grâce à une amputation. » Ce n’était

pas son cas. « Je souffrais d’une maladie plus grave, une maladie similaire à celle qui a emporté l’an passé Kurtis Haiu (ancien deuxième ligne des Auckland Blues). Je ne comprenais pas. Je pleurais beaucoup. J’avais mal. Très vite, j’ai dû quitter la maison familiale pour m’installer dans une résidence médicalisé­e. C’est là-bas que j’ai commencé la chimiothér­apie. » Un traitement qui dura deux

ans. « C’était violent. Très violent. Je me souviens m’être un matin pesé à 75 kilos et, trois jours plus tard, en faire, 69. Les vomissemen­ts étaient horribles. Ils me brûlaient à l’intérieur. » Et pourtant. « J’ai décidé de me battre parce que j’avais un rêve. Je ne voulais pas quitter ce monde avant d’avoir été All Black. » Le lundi, Greg Cooper recevait son « traitement ». Le lendemain, il s’accordait un jour de

repos avant d’aller courir le mercredi. « Le samedi, je jouais au rugby avec les gars de mon école. Je n’étais pas dans une grande forme mais je faisais face. » Au terme de deux ans de lutte, il avait repris du poids, retrouvé son rugby et intégra logiquemen­t l’équipe nationale scolaire. « À ce momentlà de ma vie, les médecins m’ont dit que le traitement devait s’arrêter. Mon coeur était soumis à trop de pression et pouvait s’arrêter à tout moment. Ma mère était contre. Elle craignait que les métastases ne reviennent. » Par bonheur, celles-ci ne réapparure­nt jamais. « À 22 ans, je suis devenu All Black (7 sélections de 1986 à 1992) parce que je l’ai voulu. Aux pires moments de la maladie, j’ai compris que l’apitoiemen­t ne me conduirait qu’à ma propre mort. Quand j’étais au plus mal, je me disais qu’il y avait, ailleurs, plus malheureux que moi. Et ça a marché, je crois… »

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Greg Cooper n’entraînera plus le club de la capitale. Il rejoindra l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Photo M. O. - B. G.

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