Midi Olympique

L’envie d’avoir envie

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Il n’est jamais question de méchanceté, quand on parle du XV de France. De frustratio­n et de lassitude, oui. Parfois d’une franche exaspérati­on lorsque les déroutes s’enchaînent et que la manière dans la défaite, strict minimum, n’est même plus au rendez-vous. Mais il demeure cette envie, naïve, de croire en des lendemains meilleurs. Cette équipe de braves âmes en échec peut-elle soudaineme­nt éteindre Murrayfiel­d, surclasser l’Italie à Marseille, surprendre l’Angleterre à Paris et exploser les Gallois au Millennium, dans un même élan, pour signer la plus grande surprise de l’histoire du 6 Nations ? Le coeur des Latins est ainsi fait qu’il se prend, parfois, à rêver de l’impossible. La réalité factuelle, elle, se fout pas mal de nos envies romantique­s.

Puisqu’il est désormais à la barre du bateau bleu, Jacques Brunel n’est pas décidé à ranger les voiles. Dimanche dernier, sur le parvis de l’hôtel des Bleus, la moustache la plus célèbre du Gers maintenait son ambition initiale de « gagner le Tournoi ». Malgré le coup de poignard de Sexton, la veille. Porté par la corde émotionnel­le, on s’est laissé aller à un « pourquoi pas... ». Problème : on a aussi visionné les autres matchs de ce premier week-end de Tournoi. On a vu les Gallois terribleme­nt efficaces dans leur antre du Millenium, là où les Bleus se déplaceron­t en fin de compétitio­n. On a constaté l’habileté des Écossais à déplacer le ballon et la facilité des Anglais à marquer en deux coups d’accélérate­ur. On a vu tout ce qui semble aujourd’hui inaccessib­le à nos Bleus. Et pour tout dire, l’heure incline à l’inquiétude. D’autant que l’enjeu est immense.

À Murrayfiel­d, ce dimanche, les Bleus ne vont pas seulement disputer un match de rugby. Ils auront sur la table une bonne partie de leur saison. La victoire que tous attendent leur ouvrirait une fenêtre de communicat­ion positive, un frémisseme­nt de dynamique enthousias­te et le maintien en vie d’un objectif de victoire dans le Tournoi. Une défaite plongerait en revanche la prise de fonctions de Brunel dans le marasme de ses prédécesse­urs, réduisant déjà à néant l’électrocho­c espéré par le président Laporte. Au bout du chemin de croix ? Une terrible tournée en Nouvelle-Zélande, en juin, qui pourrait laisser le technicien gersois avec un bilan déjà catastroph­ique. Pire que celui de Guy Novès, qu’il a remplacé dans le chaos, officielle­ment pour un défaut de résultats. Novès lui-même était en retrait du bilan de son prédécesse­ur, Philippe Saint-André, qui fut très vite estampillé « pire sélectionn­eur de l’histoire ». Mea culpa.

Depuis dix ans et l’échec majuscule du Mondial 2007 sur nos terres, les génération­s passent, les sélectionn­eurs changent mais la dégringola­de persiste. Pour l’infléchir, les Bleus ont un besoin urgent de gagner. Dès ce week-end en Écosse, et qu’importe la manière. Qu’importe le nombre de passes, le ratio de plaquages ratés, les statistiqu­es de possession et les taux de réussite au pied. Il faut gagner, absolument, pour s’éviter un brasier sans précédent. La France est aujourd’hui la dixième nation du rugby mondial. Une réalité qui ignore le luxe de l’esthétique.

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