UN TIR À CORRIGER
ENTRE UN JEU AU PIED IMPRÉCIS ET UNE QUALITÉ DE « TRAQUE » TROP FAIBLE, LES BLEUS ONT SUBI UNE LEÇON D’OCCUPATION FACE À L’IRLANDE, QU’IL S’AGIRA D’AMÉLIORER FACE AUX CONTRE-ATTAQUANTS ÉCOSSAIS.
On gagne rarement un match en défendant pendant 68 % du temps, c’est entendu. Mais on gagne encore moins souvent en passant 68 % d’une rencontre dans sa propre partie du terrain… C’est à notre sens ce chiffre, plus précisément, qui a été au centre des préoccupations de Jacques Brunel et de ses adjoints au CNR, en début de semaine. Avec, en filigrane, une interrogation : pourquoi ces fameuses « sorties de camp » ont tant fait défaut au XV de France samedi dernier contre l’Irlande ?
La première piste réside, à l’évidence, dans la qualité intrinsèque du jeu au pied, beaucoup trop faible face aux coéquipiers de Sexton. On parlera en premier lieu de la qualité des coups d’envoi, bottés à plusieurs reprises beaucoup trop longs (puis trop courts par deux fois !) et sans pression à la retombée ; ils ont à chaque fois permis à Murray ou Sexton de se dégager à moindres frais. Une généralité malheureusement prolongée au travers du jeu d’occupation beaucoup trop neutre imposé par la charnière tricolore. À dire vrai, le coup de pied le plus dangereux donné par un joueur tricolore le fut par Rabah Slimani, à l’arrière d’un ruck cafouillé par les Irlandais. C’est dire l’ampleur du chantier pour lequel le staff n’a eu d’autre choix que de convoquer Lionel Beauxis…
Il faut préciser, toutefois, que les botteurs (Belleau, Machenaud et Jalibert) ne sauraient être les seuls joueurs à incriminer. En effet, sur les quelques occasions où les Bleus ont organisé un jeu au pied cohérent, celui-ci s’est heurté à une qualité de « traques » bien peu efficaces. Jamais, en effet, les ailiers tricolores ne sont parvenus à remporter un duel aérien sous un jeu au pied offensif, tout comme ils ont manqué à plusieurs reprises le décisif « premier plaquage » qui permet à toute une défense de prendre l’ascendant sur l’attaque. Voilà le genre de travail de l’ombre indispensable au plus haut niveau, dans lequel le XV de France s’est avéré trop insuffisant, à la différence d’Irlandais qui n’ont rendu aucun ballon facile (hormis sur l’essai de Thomas, après le dégagement hors du terrain de Rob Kearney qui oublia dans la foulée d’empêcher les Bleus de jouer rapidement la touche).
L’OPTION DES SORTIES DE CAMP À LA MAIN ?
Une leçon à méditer car, si les Irlandais se sont montrés très prudents sur leurs contre-attaques (plan de jeu et conditions climatiques obligent), ce ne sera évidemment pas le cas des Écossais de Stuart Hogg et Finn Russell. « Les Écossais vont proposer un jeu très différent de l’Irlande, prévenait l’entraîneur de Newport Bernard Jackman. Ils vont tout relancer et chercher à faire courir les avants français. Cela s’est retourné contre eux face aux Gallois, qui étaient plus en forme et les ont forcés à commettre des erreurs, en les poussant dans le rouge. En revanche, je ne sais pas si les Français auront le même répondant physique que les Gallois. Si les Bleus se contentent de rendre les ballons au pied, ils pourraient souffrir… »
De quoi envisager des sorties de camp privilégiant le jeu à la main, à l’image de ce que savent proposer les Rochelais en Top 14 ? La solution peut paraître séduisante, d’autant qu’au contraire des Irlandais qui fonctionnent à 13 ou 14 dans le premier rideau, les Écossais n’hésitent pas à décrocher plusieurs joueurs dans le fond du terrain, dégarnissant de fait leur front. Mais encore faut-il disposer de la confiance, et surtout du jeu nécessaire. Et, en la matière, on ne saurait attendre trop du XV de France à l’heure actuelle. Même si on ne souhaite, en l’espèce, rien d’autre que se fourrer profondément le doigt dans l’oeil…