DES COULOIRS À EXPLORER
INCAPABLES D’IMPOSER LEUR JEU FACE À UNE ÉQUIPE D’IRLANDE MAÎTRESSE DANS L’ART DU CACHE-BALLON, LES BLEUS DEVRONT AFFICHER DES SIGNES DE PROGRESSION EN ÉCOSSE. ILS SERONT ALORS CONFRONTÉS À UNE DÉFENSE QUI A LAISSÉ ENTREVOIR CERTAINES FAIBLESSES LA SEMAIN
Faut-il d’ores et déjà condamner le XV de France pour l’incurie offensive dont il a fait preuve samedi dernier, n’était l’exploit aussi isolé que solitaire de Teddy Thomas ? Par tolérance autant que par bon sens, on ne s’y abandonnera pas au bout d’un seul match. Et probablement moins en raison de la nouveauté du staff que de l’adversaire en lui-même, cette Irlande de Joe Schmidt face à laquelle les Bleus se cassent systématiquement les dents depuis 2013 (une seule victoire en sept matchs) selon des scénarios de matchs immuables : un ballon confisqué par les Irlandais, une leçon de tactique de la charnière Murray-Sexton, et des Bleus qui cèdent à la frustration, donc à l’indiscipline... Il va sans dire que celui de samedi dernier, avec le faible ratio de 32 % de possession de balle pour le XV de France et un match perdu sans encaisser d’essai, n’a pas fait exception à la règle. Le sens de ce préambule ? Simplement pour rappeler qu’au vu du passif récent entre Français et Irlandais, il serait injuste de critiquer l’animation offensive des Bleus sur cette seule rencontre et de manière définitive. Ce qui n’exonère absolument pas le XV de France d’une prestation plus convaincante, ce dimanche à Murrayfield. Parce que la qualité moindre de la conquête des Écossais et, surtout, leur profil d’équipe ultra-offensive, donc davantage sujette aux pertes de balles, laisse au moins augurer d’une répartition plus équitable des ballons.
L’EXEMPLE DU PAYS DE GALLES
À condition que les Français daignent le conserver, nous rétorquerez-vous ? C’est une évidence. Sauf qu’à la différence de samedi dernier, où le ballon rendu glissant ne favorisait pas les prises d’initiatives d’une équipe désireuse de développer son rugby sur la largeur du terrain (on vous assure, quitte à passer pour dingue, qu’il s’agissait bien là de l’intention initiale des Français), c’est un temps relativement sec qui est annoncé dimanche à Édimbourg. De quoi permettre de juger les Bleus et de voir ce qu’ils ont dans le ventre en matière de potentiel offensif. À ce titre, les Gallois ont fourni aux Bleus des pistes intéressantes quant au plan de jeu à suivre. Conscients de leur manque de puissance, les Écossais ont adopté depuis l’arrivée de Greg Townsend un système de défense en « rush », privilégiant la densité du rideau et l’agressivité de sa montée à la reprise de largeur. En clair ? Dans l’optique d’imposer une très forte pression dans les zones proches des rucks, le XV du Chardon peut avoir tendance à délaisser les couloirs extérieurs. Une portion de terrain dans laquelle les Gallois se sont aventurés avec succès en suivant un plan de jeu aux antipodes de leur habituel « Warrenball », ainsi qu’en témoigne le doublé de Leigh Halfpenny, ainsi que le dernier essai de Steff Evans… Forcément une piste à suivre pour les Bleus qui bénéficieront d’un passeur supplémentaire au milieu du terrain avec Geoffrey Doumayrou, d’autant plus essentiel que les meilleurs atouts offensifs se situent au large, avec Thomas, Vakatawa, Fall ou même Palis.
LA CLÉ : LA « PASSE DE PLUS » DES AVANTS
Sauf que cette recherche des extérieurs ne devra, évidemment, pas être effectuée au petit bonheur la chance. L’analyse vidéo du match des Gallois, que les Bleus se sont repassés en boucle, est ainsi très claire : à chaque fois que les Diables rouges sont parvenus à déstabiliser la défense écossaise, ce fut au prix d’un travail préparatoire de leurs avants. À savoir un jeu en cellule, entre le demi de mêlée et l’ouvreur, qui a vu le cinq de devant gallois faire la différence en réalisant la fameuse « passe supplémentaire » pour éviter les montées « sur les rails » des défenseurs écossais, et placer un partenaire dans l’intervalle. Des relances de jeu intelligentes qui, bien alternées avec des remises pour les trois-quarts placés dans leur dos, a permis de donner le tournis aux hommes des Highlands.
Les Tauleigne, Gabrillagues, Iturria et autres Poirot, vantés pour leurs qualités dans la manipulation du ballon, permettront-ils au jeu tricolore de « respirer » grâce à la passe supplémentaire, servis par la puissance des Guirado,Vahaamahina ou Picamoles ? Là résidera assurément la clé du match, tant l’option du jeu direct ne pourrait s’avérer que contre-productive. Voilà pour la théorie. Pour la pratique, réponse attendue dimanche…