SCHIZOPHRÉNIE RUGBYSTIQUE
AILIER CHEZ LES BLEUS, CENTRE EN CLUB, VIRIMI VAKATAWA SEMBLE ACTUELLEMENT UN PEU DÉBOUSSOLÉ. COMMENT L’AIDER À TROUVER SES MARQUES ?
C’est parce que Virimi Vakatawa est une bombe que l’on en attend toujours davantage. Lui ? Des appuis de dingue, 102 kg de titane et une capacité unique, en France, à passer les bras pour gaver autrui de passes décisives. Malgré tout, le premier match du Tournoi des 6 Nations 2018 de Virimi Vakatawa a laissé songeur bon nombre d’observateurs, ici et ailleurs. Pourquoi privilégie-t-il systématiquement le défi ? Pourquoi le crochet intérieur a-t-il, neuf fois sur dix, sa préférence ? Pourquoi, en somme, son impact sur le jeu du XV de France fut à ce point limité au Stade de France face aux Diables Verts ? Au moment où les Bleus s’envolent pour l’Écosse, où on leur promet l’enfer, le Franco-Fidjien semble souffrir d’une bien étrange « schizophrénie rugbystique », laquelle le fait naviguer depuis le début de saison entre le poste de trois-quarts centre et celui d’ailier. Laurent Labit, l’entraîneur des trois-quarts franciliens, explique : « J’en suis un peu responsable. Depuis son retour au club en juin dernier, j’ai beaucoup fait jouer Virimi au centre (sept titularisations au centre, cinq à l’aile). Parce que je trouve qu’il est très complémentaire de Chavancy à ce poste et que sa vitesse nous permet d’aller chercher plus vite les extérieurs. Sincèrement, je trouve que ça fonctionne bien. » Et on est nombreux à penser comme Laurent Labit, tant les performances de l’international français au milieu du terrain furent convaincantes, dans les Hauts-de-Seine ou ailleurs…
Dans la mesure où le staff du XV de France considère aujourd’hui Virimi Vakatawa comme un ailier pur (à Marcoussis, les entraînements du joueur au poste de centre n’ont ni convaincu Jacques Brunel, ni Jean-Baptiste Elissalde), il va pourtant bien falloir trouver un équilibre. Labit poursuit : « Depuis Hong Kong (le Racing 92 était la semaine dernière en stage en Asie), j’ai regardé le dernier France/Irlande. Je savais que ce ne serait pas facile pour Virimi… Alors, je vais en discuter avec le staff de l’équipe de France : il va falloir mettre le cas Vakatawa sur la table. Est-ce que je continue à le faire jouer centre ? À quel poste peut-il être le plus efficace ? Dans quel sens va-t-on travailler pour le faire progresser ? Nous verrons ça tous ensemble. »
JADIS, HORS SYSTÈME
Bien que peu en vue à l’occasion de la première sortie des Bleus au Stade de France, Virimi Vakatawa a pourtant beaucoup évolué ces dernières années. Laurent Labit, à l’origine du prêt du joueur vers l’équipe de France à 7 en 2013, raconte : « À l’époque,Virimi était un tout autre rugbyman. Il manquait globalement de concentration. Les annonces, les combinaisons, le système de jeu, il s’en fichait éperdument. Il jouait uniquement à l’instinct, il jouait sur ses qualités propres, était un peu hors système. Par rapport à l’homme qu’il est devenu aujourd’hui, c’est le jour et la nuit. Il s’intéresse désormais aux lancements de jeu, prend la parole avant les matchs. La métamorphose est totale. » Métamorphosé, d’accord. Mais estil néanmoins assez rapide pour occuper le poste d’ailier ? La question s’est parfois posée la saison dernière en équipe de France. Labit conclut : « Quand il jouait à 7, je vous rappelle qu’il lui arrivait souvent de traverser le terrain… Virimi n’est peut-être pas le plus rapide des ailiers français mais les courses de 70 ou 80 mètres, pour un ailier, sont devenues très rares aujourd’hui en rugby à 15. Et à mes yeux, sa capacité à mobiliser deux ou trois défenseurs sur une initiative n’a que peu d’équivalent… »