LE DERNIER DES MOHICANS
LE TALENTUEUX BORDELAIS A ÉTÉ FORMÉ À BOURGOIN, FORMIDABLE VIVIER D’AVANTS, DE LIONEL NALLET À JULIEN BONNAIRE. PEUT-IL MARCHER SUR LEURS TRACES ?
Olivier Milloud, Julien Pierre, Julien Bonnaire, Pascal Papé, Lionel Nallet ou encore Sébastien Chabal : au cours de la dernière décennie, la « Berjallie » a fourni au XV de France des avants en pagaille, émérites combattants et sacrés meneurs de troupe. L’espèce semblait en voie d’extinction mais un héritier s’est récemment déclaré, déterminé à poursuivre la lignée : Marco Tauleigne, 24 ans dont cinq passés en ciel et grenat.
Le natif de Montélimar, fils d’un ancien joueur de La Voute, a débarqué en 2008 en Nord-Isère.Terre où il s’est relancé et où il s’est forgé. « Il avait été renvoyé du pôle espoir de Villefranche-sur-Saône pour des raisons extra-sportives, raconte Laurent Mignot, son formateur à Pierre-Rajon. Nous l’avions donc récupéré à Bourgoin. » Personne ne doutait de son talent. Restait à le canaliser et à le magnifier. « À partir de ses 14-15 ans, ses qualités étaient évidentes : il avait déjà des mains, une excellente coordination, une très bonne lecture de jeu. Il savait tout faire et avait les armes pour devenir un super rugbyman. Mais il lui a souvent été fait le reproche de ne pas bosser suffisamment. Il avait été quelque peu oublié du coup… C’est un peu le problème du rugby français qui voit tout à travers le prisme du physique. À mes yeux, il possédait le plus important pour un jeune : au-delà de la technique, il avait déjà un très bon tempérament, un bon contact. » Son aventure iséroise n’en a pas moins connu un départ poussif, avec une longue période d’échauffement : « Lorsqu’il est arrivé chez nous, il n’a pas été assez sollicité et mis au travail dans un premier temps. Ça a pris six ou huit mois pour qu’il soit pris en charge. Je me sens un peu responsable pour ça. »
« IL VA ÊTRE AU NIVEAU, J’EN SUIS SÛR »
Le numéro 8 a fini par s’intégrer à son nouvel environnement et s’est imprégné de la culture berjallienne. Le Drômois se trouvait au bon endroit au bon moment, au sein d’un des meilleurs clubs formateurs de l’Hexagone : « L’humain est notre marque de fabrique, reprend l’actuel responsable des filières élites du Lou. Marco avait déjà ce souci de jouer pour les autres, de penser collectif. Il a trouvé un cadre qui lui ressemblait et qui lui a permis de mûrir. » Lentement, sûrement, à son rythme, Marco Tauleigne a su franchir les étapes amenant au plus haut niveau : « Il aurait dû jouer plus tôt en équipe première. Il aurait fallu le surclasser car, comme tout élément audessus chez les jeunes, il a eu tendance à se reposer sur ses acquis par moments. Mais il a tout de même fait des efforts pour progresser et percer. » En 2012-2013, les malheurs du CSBJ, rétrogradé au troisième échelon, lui ont permis d’être promu en équipe fanion. À tout juste 18 ans : « L’année entière qu’il a effectuée en Fédérale 1 lui a fait le plus grand bien : avoir été batailler à Agde ou à La Seyne vous apprend le métier. J’aurais aimé qu’il fasse un an en Pro D2 avec nous mais il est parti à Bordeaux. » Entretemps, ses prestations en ciel et grenat lui avaient valu d’être retenu avec les Bleuets. En Gironde, il s’est successivement frotté au Challenge européen puis au Top 14. En trois saisons et une cinquantaine d’apparitions dans l’élite, il s’est affirmé comme un des plus brillants espoirs du poste. Logiquement, les honneurs des sélections se succèdent depuis l’été dernier : les Baa-baas en juin pour une tournée sudafricaine, France B en novembre pour défier les All Blacks bis - même s’il sera resté sur la pelouse seulement une dizaine de minutes en raison d’un K.-O. - et les grands Bleus, désormais. En Écosse, le nouveau capé va vivre son véritable baptême international. Laurent Mignot, en fin connaisseur du personnage, ne doute pas un instant de sa réussite : « Vous allez voir, il va être compétitif. J’en suis sûr. Il sait appréhender un nouveau cadre et hausser son niveau en fonction du défi qui lui est proposé. Cette faculté à s’adapter est un de ses grands atouts. » La Berjallie, mine d’or d’une époque pas si lointaine, n’a peut-être pas fini de livrer ses trésors.