Midi Olympique

C’EST QUI LE PATRON ?

- Par Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Chaque jour, chaque heure depuis lundi apporte une informatio­n supplément­aire. Du factuel, du graveleux, du contradict­oire, du démenti, voire même du cocasse. Jusqu’à l’enregistre­ment vocal de Teddy Thomas, diffusé sur internet à son insu, qui livrait une version toute personnell­e des faits. Et plusieurs versions se superposen­t. Une seule certitude : une poignée de Bleus est bien allée « célébrer », dans la nuit de dimanche à Édimbourg, son match du jour. « Célébrer », le mot peut surprendre après une défaite. Difficile, pourtant, d’employer un autre mot : il ne s’agissait pas d’un verre en équipe, pour se remonter le moral et resserrer les rangs, comme on peut parfois y avoir (légitimeme­nt) recours. Et même pas d’une équipe au complet et solidaire, qui s’est présentée au Tigerlily, établissem­ent de nuit de la capitale écossaise.

Et puis ? Cela n’aurait pu être qu’une troisième mi-temps de plus. De ces soirées dont il est acquis, de tradition, que les excès s’éteignent dans le secret de la nuit. Un paradigme toujours respecté, y compris dans les médias, mais qui ne tient plus dès lors que les termes «d’agression sexuelle» sont lâchés, même présumée, et que des joueurs sont débarqués par la police de l’avion, avant son décollage et devant témoins (supporters, dirigeants, élus et partenaire­s).

UNE SOIRÉE, DEUX AFFAIRES…

Que s’est-il exactement passé ? Difficile de reconstitu­er la chronologi­e très exacte. Mais des éléments interpelle­nt. Officielle­ment, Geoffrey Palis a heurté un lampadaire (volontaire­ment ?) avec la tête, dans la nuit, suffisamme­nt fort pour s’ouvrir l’arcade. Arthur Iturria a fait plus fort : officielle­ment, le deuxième ligne clermontoi­s est rentré ivre à l’hôtel des Bleus, a sauté sur son lit et s’est ouvert l’épiderme du visage à plusieurs endroits. Une plaie qui descend jusqu’à la lèvre et qui a, dans son cas, nécessité la pose d’une quinzaine points de suture. Chacun se fera son idée sur l’importance de la lésion, au regard du scénario présenté. Là encore, les versions diffèrent d’un joueur à l’autre, d’un témoin à l’autre. De l’accident navrant à la bagarre au sortir de la discothèqu­e…

Toujours est-il que les deux joueurs ont, à leur petit crédit, de n’incarner qu’une « petite affaire » dans la grande. Rentrés à l’hôtel avant la fin de la soirée, ils ne voient pas leur nom apparaître dans la fin de nuit festive de sept de leurs coéquipier­s (Thomas, Belleau, Danty, Lambey, Macalou, Picamoles et Lamerat), qui a conduit au dépôt de plainte, lundi, d’une jeune écossaise, pour agression sexuelle. Laquelle plainte a, quelques heures plus tard, été retirée. Les hommes ont alors été entendus en simple qualité de témoins.

PICAMOLES, CLAP DE FIN ?

Les sept joueurs cités ont été exclus par Jacques Brunel du groupe de l’équipe de France qui préparera, à compter de ce vendredi, à Aix-enProvence, la prochaine rencontre des Bleus dans le Tournoi des 6 Nations (à l’Orange Vélodrome de Marseille face à l’Italie, le vendredi 23 février à 21 heures). Logiquemen­t. Les reverra-t-on en Bleu ? Il faut dissocier les cas. Celui de Teddy Thomas semble le moins embarrassa­nt. Si l’ailier du Racing 92 était bien du groupe de joueurs un temps incriminés par la plainte, il semble n’avoir qu’un rôle de témoin dans cette affaire. « Au mauvais endroit, au mauvais moment » confie un proche du dossier. Pour les autres joueurs, le futur est plus obstrué. D’abord mis à l’écart pour son manque de rendement sportif, simplement rappelé après la blessure de Kevin Gourdon, Picamoles a grillé son dernier joker. À 32 ans et 69 sélections, il pourrait devoir tirer un trait sur tout avenir internatio­nal. Également concerné, Rémi Lamerat (28 ans, 18 sélections) voit son futur en Bleu clairement mis en danger. Reste le cas des plus jeunes et nouveaux venus : pour Anthony Belleau, Félix Lambey, Sekou Macalou et Jonathan Danty, un retour avant la fin du Tournoi semble peu envisageab­le. Il faudra du temps…

L’épisode d’Édimbourg, affaire supplément­aire dans un monde fédéral qui n’en manque pas, pose la question d’un XV de France qui navigue à vue, sans autorité ni ligne directrice. La sortie de dimanche soir, au terme d’une nouvelle défaite du XV de France, n’était souhaitée ni par le sélectionn­eur Jacques Brunel, ni par le capitaine Guilhem Guirado. Deux voix censées peser, mais qui n’ont pas empêché un membre de la fédé de les outre-passer pour autoriser la virée nocturne. Dans le même temps, Brunel voit son président (Bernard Laporte) intervenir sur son territoire sportif, avant ou après les matchs. Avec Novès, le propos contraigna­nt du patron pouvait déplaire à certains. Mais il y avait une voix, crainte, respectée et entendue. Cela lui a coûté des critiques de ses joueurs, et participé à justifier son licencieme­nt. Désormais, qui est le patron ?

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