Midi Olympique

Coups de canif dans le contrat

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Depuis des lustres, le rugby français sort régulièrem­ent de ses gonds pour dénoncer le principe de non-dissociati­on des sanctions. Au gré de leurs intérêts particulie­rs, entraîneur­s ou dirigeants viennent en effet nous rappeler combien il leur paraît stupide d’imposer à un joueur une sanction en club pour une faute commise lors d’un match internatio­nal. L’inverse est aussi vrai, mais les révolution­naires sont alors moins nombreux à crier au scandale.

Il fallait s’y attendre, n’était Mourad Boudjellal pas un club n’a joué les contorsion­nistes pour étendre la sanction de principe infligée par Jacques Brunel aux huit internatio­naux mis à pied après les sombres affaires de la 3e mitemps d’Edimbourg. A cet instant de la saison, après quinze jours sans compétitio­n et juste avant les doublons, Lyon, le Stade français, le Racing, Clermont et Montpellie­r se sont tous trouvé dans une situation d’urgence absolue, contraints d’aligner Lambey, Macalou, Danty, Thomas, Lamerat et Picamoles. Mis à pied par Boudjellal, Anthony Belleau a dû se sentir très seul dans les tribunes de Mayol, même si le Racing a tapé au porte-feuille de Teddy Thomas avant de le titularise­r, ce dimanche, contre La Rochelle.

Chacun a certaineme­nt tout un tas de bonnes raisons de ne pas avoir concrétisé le message du sélectionn­eur, du moins sur le terrain. Oui, elles sont forcément valables du côté de Clermont, au regard des trop nombreux blessés qui ravagent l’effectif d’Azéma, malgré une volonté affichée de punir les exclus d’Edimbourg... Nous pouvons enfin comprendre qu’à Montpellie­r Vern Cotter a été convaincu des explicatio­ns de Louis Picamoles. Et, surtout, qu’il ne pouvait s’en passer pour gagner à Oyonnax... Oui, tout est possible.

Nous jurerons pas que les huit punis méritent l’excommunio­n même s’ils ont planté un sacré coup de canif dans le contrat de confiance fraîchemen­t signé avec Jacques Brunel après avoir brouillé l’image d’un sport qui accumule les affaires et voit désormais sa cote de popularité fondre comme neige au soleil.

Pour autant, la décision des clubs de ne pas suivre la mise à pied fédérale a de quoi interpelle­r. Alors que depuis des semaines, Ligue et Fédération travaillen­t au rapprochem­ent, alors que Brunel lui-même a tendu la main aux clubs en recevant les entraîneur­s, début janvier, avant d’aller rencontrer les présidents, le rugby français brille ici par son absence de solidarité. Un comble et un drôle de constat pour un sport qui se vante si souvent de porter dans ses propres gênes les vertus du collectif, de la confiance et du partage.

Au final, le Top 14 ne renvoie rien d’autre qu’un message de défiance à l’adresse du sélectionn­eur, qui se retrouve isolé quand lui-même souhaitait fédérer en ouvrant les portes de Marcoussis aux technicien­s des clubs, ses anciens collègues.

Son autorité est ainsi écornée et son pouvoir reste cantonné aux limites de son univers tricolore, avec si peu de prise sur le quotidien de ses joueurs dès lors qu’ils reviennent en club, chez leur employeur.

Malgré les belles paroles rien n’a donc encore changé dans un petit monde malmené par un calendrier qui mélange les genres, oppose les hommes, brouille les objectifs et les messages. Il faudra plus que les promesses d’un avenir meilleur pour que les Bleus reviennent à leur place : la priorité des priorités de l’ensemble du rugby français.

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