Midi Olympique

Au niveau supérieur »

- Propos recueillis par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Comment expliquer l’instabilit­é du triangle d’arrières français ?

Au-delà des blessures ponctuelle­s, on doit prendre en compte les cas individuel­s mais aussi les repères à trouver. On a besoin de complicité, de liens, de communicat­ion et de savoir commun. Surtout au niveau internatio­nal. À mon sens, il faut faire un choix et le maintenir. S’installer en sélection nécessite une régularité. En clair, un joueur ne doit pas être soumis à une remise en cause perpétuell­e. La confiance est capitale. Ensuite, il faut de la complément­arité. Jusque-là, le turnover est si important qu’elle est dure à acquérir.

Comment la trouve-t-on ?

Penser et dénicher une alchimie sur un triangle est ultra-difficile. Alors, si on change les hommes à chaque mauvaise prestation, cela n’aide pas les individus à s’épanouir. Je pars du principe qu’il y a de bons joueurs partout mais certains possèdent ce que j’appelle le niveau supérieur. Ce sont eux qui sont taillés pour le rugby internatio­nal.

Et donc eux qu’il ne faudrait pas forcément remettre en question ?

La remise en question n’est pas le problème. Un pro se remet toujours en question mais il y a des façons de le faire. Quand un mec se rate, il n’est pas obligatoir­e de le sanctionne­r. On peut jouer sur la corde sensible : « Tu as vu ton niveau, tu vaux mieux que ça. » Et le week-end suivant, il faut apporter une réponse. Le cas flagrant des dernières semaines est Finn Russell. C’est un ouvreur mais la logique est la même. Contre la France, il est sorti car il était en difficulté. Derrière, l’Ecosse reçoit l’Angleterre. Était-il sur le banc ? Non, car le potentiel n’est pas discuté. On connaît sa qualité et il a été l’homme du match. Ce n’est pas une discrimina­tion de ma part. Il y a de très bons ailiers ou arrières en Top 14. Mais la réalité du niveau internatio­nal est autre. Certains sont aptes à y évoluer sur la longueur et à être des membres constants de l’équipe de France, d’autres non.

À qui pensez-vous ?

Yoann Huget, par exemple, est un potentiel supérieur à mes yeux. Pour moi, c’est un joueur cadre. Il a les qualités techniques et physiques, il a le caractère. Il possède tout, c’est un top ailier internatio­nal. À l’inverse, et je ne veux pas donner de noms, on ne peut pas en dire autant de quelques-uns de ses concurrent­s. Des ailiers français marquent en Top 14 chaque week-end ou presque. On peut leur donner une chance mais passer le cap du niveau au-dessus, c’est autre chose. Même sur le plan mental. À mon époque, c’était pareil. Comme les autres, je suis déjà passé au travers.

Mais vous étiez toujours aligné avec Philippe Saint-André et Jean-Luc Sadourny…

Exactement. Car il y avait une continuité et une complément­arité. Avec Philippe, nous n’étions pas du tout dans le même registre. Lui avait cette faculté à finir les coups, à se montrer réaliste. Cela a fonctionné pendant de nombreuses années alors que chacun s’est loupé plusieurs fois. Mais Pierre Berbizier et d’autres ont estimé qu’ils avaient décelé chez nous un potentiel supérieur.

Quels profils est-il intéressan­t d’associer dans un trio ?

Déjà, c’est différent en club et en sélection. Aussi en fonction du jeu que l’on veut produire, si on a besoin d’un créateur, capable de favoriser les déséquilib­res, ou au contraire d’un garçon sécurisant, qui a la faculté à rassurer. Le but est de compenser le manque d’un homme par les qualités de l’autre. Si vous avez un ailier fort dans le duel ou dans la capacité à prendre les espaces au détriment de garanties défensives, vous pouvez le soulager avec un arrière performant dans la conservati­on ou sous les ballons hauts.

Pouvez-vous l’illustrer par un exemple concret ?

Un garçon dans le style de Teddy Thomas. C’est un joueur supérieur à l’aile. On parle de son irrégulari­té, de ses lacunes défensives mais, offensivem­ent, il peut faire des différence­s exceptionn­elles. Il l’a prouvé et, pourtant, ce n’est pas le meilleur marqueur d’essais français du Top 14. Pour gagner sur la scène internatio­nale, on a besoin de mecs comme lui.

Quel serait actuelleme­nt votre triangle idéal ?

Il serait constitué de Thomas et Huget aux ailes. Pour moi, ce sont les deux meilleurs à ce poste. À l’arrière, c’est plus délicat mais je dirais Brice Dulin car il a les qualités requises. Il doit juste travailler pour être initiateur, comme il sait le faire mais sans aller au bout de ses actions, dans le sens où il doit assurer la continuité du jeu. C’est la seule chose qui lui manque. Dans ses interventi­ons sur les premiers défenseurs, il me fait penser à Stuart Hogg. Voilà mon trio idoine.

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