Affaire Novès/FFR
Cet audit qui fait jaser
On peut faire dire n’importe quoi aux chiffres, il n’empêche qu’ils sont parfois têtus. Éloquents, surtout. Quand la France tâtonne encore et toujours à installer des joueurs à certains postes clés (qui aurait imaginé un Tournoi 2018 avec Lionel Beauxis titulaire en 10 ?), les Anglais, eux, ont construit au sortir du Mondial 2015 une équipe qui évolue peu et gagne beaucoup, malgré la sortie de route à Murrayfield le week-end dernier. Le fond du terrain illustre particulièrement bien cet état de fait. Jugez plutôt : depuis la Coupe du monde, la France a utilisé seize joueurs à l’aile et à l’arrière, contre huit pour les Anglais. Le plus sélectionné côté tricolore n’est autre que Virimi Vakatawa, qui a été titularisé 17 fois (en 17 sélections) depuis la Coupe du monde avant d’être écarté pour le dernier match contre l’Italie en raison de sa méforme. Derrière lui, viennent Scott Spedding (9 titularisations), Noa Nakaitaci (7 titularisations), Yoann Huget et Teddy Thomas (6 titularisations) puis Brice Dulin (5 titularisations). Hormis l’ailier du Racing 92 (Vakatawa joue d’ailleurs centre en club), le staff se passera de tous ces joueurs pour le «Crunch», la semaine prochaine, par choix ou par contrainte.
Hugo Bonneval (quatre titularisations) n’arrive qu’en septième position, alors que les autres membres du triangle arrière retenu pour affronter le XV de la Rose dans une semaine figurent parmi les joueurs les moins utilisés (2 titularisations pour Geoffrey Palis, une seule pour Benjamin Fall et Rémy Grosso).
Par comparaison, l’arrière anglais Mike Brown a commencé 24 rencontres dans le même laps de temps. Les ailiers Anthony Watson et Jonny May en ont démarré respectivement 15 et 12, tandis qu’Eliot Daly, qui a la mauvaise idée de revenir de blessure pour préparer ce match contre la France, a été titularisé dix fois.
PAS DES PREMIERS CHOIX
Tout ça pour vous dire quoi ? Que cette question du fond de terrain semble très symbolique de tout ce qui oppose le XV de la France et le XV de la Rose aujourd’hui. Et explique peut-être en partie la dixième place actuelle des Bleus au classement de World Rugby, quand les Anglais en occupent la deuxième. Eddie Jones a décidé d’installer des hommes et de leur faire confiance, alors que le trident arrière n’a cessé de valser côté français. Pour des raisons diverses, valables pour certaines, déconcertantes pour d’autres : blessures qui tombent mal, mauvaises performances individuelles au sein d’un collectif tout aussi décevant, sorties nocturnes malvenues... Les explications ne manquent pas.
Il y a aussi eu le changement de staff, évidemment. Brunel et ses hommes doivent, comme les autres avant eux, faire avec les moyens du bord. S’il comptait s’appuyer sur un fond de terrain 100% francilien en associant Vakatawa, Thomas et Dulin, le sélectionneur a vite dû revoir ses plans (lire ci-dessous). Et s’est retrouvé à bricolé, en rappelant des joueurs qui ne sont pas, il faut l’avouer, ses premiers choix. Cela ne veut pas dire qu’ils n’ont rien à faire en Bleu, la performance de Rémy Grosso contre l’Italie par exemple en témoigne. Mais les interrogations sont fortes au moment où ce trident arrière si inexpérimenté au niveau international va devoir se frotter à son homologue anglais, qui fait partie des meilleurs de la planète. Malgré ces contraintes, le staff tricolore a fait le choix de la continuité en renouvelant sa confiance aux vainqueurs de l’Italie pour ce match qui sera, c’est évident, d’un tout autre niveau. Un choix courageux et cohérent pour certains. Quasi-suicidaire pour d’autres.