Midi Olympique

Y’A D’ LA JOIE !

LA VICTOIRE DANS LE CRUNCH NE FAIT PAS DES TRICOLORES DES CHAMPIONS DU MONDE EN PUISSANCE. POURTANT, AVOUONS-LE, CE SUCCÈS À L’ARRACHÉE EST TERRIBLEME­NT BON…

- Par Marc DUZAN mac.duzan@midi-olympique.fr

Ils sont où, les pisse-vinaigres ? Andy Goode et son coffre à poulet, sous-entendant la semaine dernière que Mathieu Bastareaud était trop gros pour évoluer au plus haut niveau ? Ou ce marchand de tapis de Clive Woodward, fracassant entre deux ménages la « pire équipe de France » qui lui ait été donnée de voir ? Et ce bachi-bouzouk de Brian Moore, martelant sur les ondes que le mouroir du Top 14 ne préparait en rien ses paroissien­s aux joutes internatio­nales ? Tous enterrés, visiblemen­t, avec la dépouille encore fumante de Luke Cowan-Dickie, triste auteur de l’ultime en-avant du match, cette balourdise qui fit tout à la fois hurler de bonheur Rémy Grosso, chialer de joie Mathieu Bastareaud et, plus globalemen­t, exploser un stade que l’on n’avait pas vu dans un tel état de transe depuis des mois, que dis-je, des lunes… Franchemen­t ? On ne sera pas assez sots pour assurer que cette soirée du 10 mars 2018 a totalement donné tort à Goode, Moore ou Woodward, balayé la nuée de doutes qui entourait jusque-là le XV de France et transformé les mal-aimés d’hier en de possibles champions du monde, demain. Mais diable, cette victoire sur un XV de la Rose soudaineme­nt jeté de la deuxième à la troisième place du classement mondial est à ce point jouissive qu’il serait inconvenan­t, voire carrément vulgaire, de ne pouvoir surfer dessus pendant au moins une semaine. « Y a d’la joie ! », se marrait le grand « Vahaa » dans les entrailles du Stade de France. « Je ne me rappelle pas avoir déjà été aussi heureux », ajoutait Tauleigne, la carrosseri­e à peine bosselée par ce pancrace de 80 minutes à ce point tempétueux qu’il eut tour à tour la peau de Bonneval, Guirado et Hugues. Car mille sabords, ce France Angleterre a quand même de quoi nous réconcilie­r avec le sport moderne, triste monde où, quelques heures plus tôt, deux Montpellié­rains en étaient venus aux mains à l’échauffeme­nt, quand les supporters du Losc agressaien­t des joueurs de leur propre équipe ou qu’un babouin de Corrèze malmenait la maman de Benjamin Kayser, en marge de ce derby qui n’en est finalement pas un. Le Crunch ? C’était bon, c’était beau et, au bout du bout, cela donnait raison à Jacques Brunel, qui au soir d’une cruelle défaite face à l’Irlande avait juré que son équipe n’était pas « aussi loin des meilleurs » qu’on aurait pu alors le penser. « Je ne vais pas vous mentir, concède aujourd’hui Jean-Baptiste Elissalde. L’animation offensive manque encore d’allant et les choix de jeu ne sont pas toujours ceux qu’ils devraient être. Mais ces mecs compensent leurs maladresse­s par un coeur énorme… »

DES TRIPES, DU COEUR, DES C..

Il en faut, du coeur, pour repousser le pack anglais quand celuici accoste par vagues, aidé en cela par un trois-quarts centre (Ben Te’o) issu du XIII et reconnu, entre autres choses, pour avoir désossé Sonny Bill Williams lors de la dernière tournée des Lions. Il en faut, du caractère, pour se retenir de répondre à Itoje, lorsque le barde des Saracens change subitement de champ lexical. Et il en faut, du courage, pour mettre le nez dans Photo Midi Olympique - Bernard Garcia

ces rucks où traînaient un coup Vunipola, un coup Launchbury. Ça brûle, hein ? « Nous n’attendions pas les Français aussi forts dans le combat au sol, ripostait James Haskell au Stade de France. Nous avons été clairement dominés et, surtout, n’avons pas su nous adapter à l’arbitrage au niveau des zones d’affronteme­nt. T’y vas, t’es pénalisé… T’y retournes, tu prends trois points… Alors, tu finis par ne plus y aller du tout… » Sanctionné­s seize fois par Jaco Peyper, perturbés par le travail ingrat du vrai numéro 6 (Wenceslas Lauret) dont ils ont, eux, décidé de se passer, les « boys » d’Eddie Jones ont aussi été surclassés dans l’immense majorité des collisions… Que raconte-t-on, outre Manche ? « Le Crunch n’aurait pas été le même si l’Angleterre avait pu compter sur Billy (Vunipola) », lâche Matt Dawson dans les colonnes du Guardian. « Les internatio­naux anglais sont émoussés par la tournée des Lions », ajoute Dallaglio au micro de la BBC. Ces alibis sont bien évidemment des foutaises et si l’Angleterre a mordu la poussière à Paris, c’est plus probableme­nt parce qu’elle s’obstine encore à faire jouer au centre l’un des deux meilleurs ouvreurs de la planète : parce que franchemen­t, ce match aurait-il connu la même issue si Owen Farrell avait mené le jeu des siens, comme il le fit si bien dans les vingt dernières minutes et à l’instant précis où la Rose se fit la plus menaçante ? Poser la question, c’est y répondre…

RIEN NE S’OPPOSE À LA NUIT

Passé l’extase, on se dit finalement que le sordide épisode d’Édimbourg fut un cadeau du ciel pour cette équipe de France. Il a permis à Jacques Brunel d’asseoir son autorité et conforté Guilhem Guirado dans sa position de chef de clan, un titre que l’on pensait jusqu’ici trop lourd pour lui. Surtout, la soirée « fessées » du Balmoral et le châtiment qui en suivit a clairement contribué à resacralis­er la sélection : que Louis Picamoles ait besoin d’être piqué dans son orgueil pour se hisser à un niveau d’excellence auquel Marco Tauleigne ne saurait le chatouille­r est une aberration ; que l’on bringue après une septième défaite consécutiv­e, aussi. Et en laissant de côté les punis d’Édimbourg jusqu’à la fin du Tournoi, Brunel a envoyé un signe fort à son groupe et, plus généraleme­nt, à ceux qui aspirent à en faire un jour partie.

Samedi soir, et pour la première fois depuis très longtemps, le XV de France a enfin semblé maîtriser son sujet, dominé son rival et construit sa victoire sans devoir compter sur un rebond favorable ou pire, une largesse de Wayne Barnes. Au moment d’aborder un ultime déplacemen­t à Cardiff et, plus loin, une effroyable tournée en Nouvelle-Zélande, cette équipe ne paraît plus jouer, passeznous l’expression, la crotte au cul, comme rongée par la peur qui suintait jusque-là de la pelouse aux tribunes. S’il faudra bientôt régler le problème Slimani et trouver à l’arrière une option plus convaincan­te que Bonneval, les nuages bouchant l’horizon du XV de France se sont quelque peu dissipés. Et dans la mesure où les mômes de Brunel terminent samedi soir sur un feu d’artifice, on se fout bien d’apprendre dans la foulée qu’ont été fessées toutes les croupes de Saint-Mary Street et fracassées, à Cardiff, toutes les tables de chevet de l’Angel Hotel. Cocorico !

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À la faveur de cette fière victoire remportée face à l’Angleterre, le XV de France a probableme­nt sauvé son Tournoi 2018. Rémy Grosso peut exulter !

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