Midi Olympique

« GROSSONIBU­CA » EST DE RETOUR

IL NE LUI A MANQUÉ QU’UN ESSAI POUR RÉALISER LE MATCH PARFAIT MAIS RÉMY GROSSO A ÉTÉ L’ATOUT OFFENSIF DES TRICOLORES FACE À L’ANGLETERRE. UN INCROYABLE RETOUR POUR LE CLERMONTOI­S QUI A PENSÉ À ARRÊTER LE RUGBY.

- Par Nicolas AUGOT, envoyé spécial nicolas.augot@midi-olympique.fr

C’est l’homme de la soirée. Dès son arrivée devant la presse, les micros se tendent de toutes parts. L’ailier tricolore n’a pourtant pas donné la victoire sur un essai mais il a néanmoins été l’atout numéro un des Bleus dans le secteur offensif, avec des longues courses, des intercepti­ons, des percussion­s qui ont fait lever le stade. Être élu homme du match pour cette première victoire face à l’Angleterre depuis 2014, c’était pourtant impensable

il y a quelques mois. Il ne le cache pas : « C’était particulie­r pour moi car il y a quelque temps de cela, je ne me voyais pas revivre ce type d’ambiance et jouer des matchs de ce niveau-là. J’ai vécu des moments très difficiles depuis deux ans et je me suis accroché, non pas pour rejouer des matchs comme cela car je pensais que cela n’arriverait plus mais je rêvais comme un gosse. Pouvoir réaliser ça aujourd’hui a été un grand bonheur et l’émotion a pris le dessus […]

Cela faisait deux ans que je galérais, que je ne prenais pas de plaisir, que je n’arrivais pas à enchaîner les matchs. Donc oui, je me suis dit qu’il était peut-être temps de passer à autre chose. À partir de là, je savais aussi que j’avais tout à gagner si ça s’inversait et cela marche plutôt bien. C’est plus ou moins une renaissanc­e pour moi. » Il faut dire Rémy Grosso, appelé à la rescousse par Philippe Saint-André pendant la Coupe du monde 2015 après la blessure de Yoann Huget, avait ensuite disparu des radars. La saison dernière, il quitte même Castres précipitam­ment et on comprend bien que la fin de l’aventure tarnaise a été douloureus­e. « Je ne veux

pas parler de ce garçon, assénait son ancien manager Christophe Urios ce dimanche, J’aurai juste aimé qu’il réalise ce genre de match à Castres. » Après deux premières saisons convaincan­tes, Rémy Grosso devait se contenter de quelques matchs par-ci par-là avant de partir six mois avant la fin de son contrat.

AZÉMA SÛR DE SON CHOIX

Les premiers mois à Clermont ne sont pas évidents non plus, terminant la saison dans les flops du recrutemen­t de Midi Olympique. Pourtant Franck Azéma

est sûr de son choix : « Cela faisait deux ou trois ans que nous voulions le récupérer mais il était sous contrat. Nous avons patienté et j’étais très content qu’il nous rejoigne en cours de saison. Nous connaissio­ns ses qualités : il est puissant, rapide, courageux, capable

de gagner les contacts. » Mais la tête ne suit pas forcément. Rémy Grosso doute après des blessures qui l’ont éloigné des terrains. Des pépins physiques qui l’ont privé d’une participat­ion aux jeux Olympiques alors qu’il avait participé activement à la qualificat­ion de l’équipe de France à VII. Frédéric Pomarel se souvient : « Je n’avais jamais eu un échange aussi franc avec un joueur. Je l’ai appelé pour savoir s’il voulait venir avec nous à Rio. Je me souviens de sa réponse : « Je ne suis pas prêt physiqueme­nt. Et puis sur le plan humain, tu as des garçons dans ton groupe qui le mérite plus que moi. Me sélectionn­er serait du vol. » L’enchaîneme­nt des pépins physiques lui mine le moral et ses performanc­es

s’en ressentent. « Il avait besoin d’être rassuré, confirme Franck Azéma, Il doutait sur son rugby, sur son potentiel. » Le staff clermontoi­s prend alors le temps de définir des nouvelles méthodes de

travail mais aussi de nouveaux objectifs. « Il fallait l’éduquer dans sa façon de travailler. Il ne pouvait pas se contenter de forcer à la musculatio­n. Il fallait rééquilibr­er son corps, cela passe par la réhabilita­tion, des étirements, du pilate, toutes ces choses-là pour essayer de trouver de l’homogénéit­é et un bon rendu. Il a aussi appris les zones où il ne devait pas aller et être à l’écoute de son corps. » Un travail de fond qui prend du temps. Rémy Grosso s’y accroche même si la concurrenc­e est féroce dans un club comme Clermont.

CAPABLE DE TOUT RENVERSER

Les blessures de Noa Nakaitaci, de David Strettle puis Alivereti Raka sont alors des aubaines à saisir. Il peut enfin enchaîner les matchs. « Là aussi, il a fallu faire un état des lieux, poursuit le manager auvergnat, Il avait la sensation de pouvoir faire des choses extraordin­aires sans y parvenir, en passant à côté. Il voulait tellement forcer les choses. Il fallait être moins ambitieux mais être appliqué sur ce qu’il pouvait faire pour retrouver petit à petit de la confiance et avoir du rayonnemen­t. Quand il est dans cette phase de confiance, comme il est aujourd’hui, il est irrésistib­le, parce qu’il est très généreux pour l’équipe et il crée des dégâts en face. » Il devient alors « Grossonibu­ca », comme l’avaient surnommé ses partenaire­s lors de ses débuts profession­nels à Lyon en Pro D2 où il martyrisai­t les défenses à l’image de l’ancien ailier fidjien Rupeni Caucaunibu­ca. Un ailier capable de tout renverser sur son passage. « Je ne suis pas surpris, souligne Frédéric Pomarel, c’est le joueur qui a la plus grande puissance de démarrage, la plus grande puissance de course que j’ai vu avec Virimi Vakatawa. Face à l’Angleterre, il a été bon en l’air. C’est vrai qu’il va vite mais pas très très vite comme certains ailiers de la scène internatio­nale mais il a été tellement efficace dans ses interventi­ons. C’est simple, il a tout fait à merveille et même s’il ne finit pas les actions, il assure toujours la continuité du jeu. Je suis très content pour lui-même si c’est au détriment de mon chouchou, Virimi Vakatawa. Mais je crois qu’ils peuvent être très complément­aires puisque Virimi est plus finisseur. J’espère que l’équipe de France a trouvé ses ailiers. » En tout cas Jacques Brunel, à la recherche d’un nouvel ailier en urgence après la mise à l’écart Teddy Thomas, a trouvé certaineme­nt mieux qu’un

bouche-trou. Franck Azéma en est persuadé : « Quand Jacques m’a appelé pour me parler des bonnes performanc­es de Rémy, je l’ai rassuré sur son état d’esprit et ce qu’il pouvait apporter dans son projet car Jacques veut une équipe de caractère. » Revenu de nulle part, « Grossonibu­ca » est de retour.

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